Opinions of Sunday, 3 July 2016

Auteur: actucameroun.com

Prof. Justine Diffo, l’amazone du Cameroun à l’UA

Prof. Justine Diffo Tchunkam Prof. Justine Diffo Tchunkam

Au milieu de cinq autres candidats tous des hommes, la seule femme candidate du Cameroun à un poste au sein de l’organisation panafricaine a un parcours atypique qui en fait surtout un précieux atout pour consolider l’image de Yaoundé à Addis Abeba. Depuis plusieurs années, le Prof. Justine Diffo Tchunkam, candidate du Cameroun au poste de Commissaire aux affaires sociales à la Commission de l’Union Africaine, est une figure incontournable de la scène sociopolitique camerounaise.

Avec More Women In Politics, son ONG, dont la mission est de promouvoir davantage de participation de la gent féminine au leadership et en politique en particulier, elle est devenue incontournable par son plaidoyer retentissant dans un espace politique camerounais où les femmes restent encore malgré tout sous-représentées dans l’administration de l’espace public et parapublic. Engagement pour les femmes Au fil du temps, le discours de Justine Diffo a porté ses fruits et la classe politique voire le Cameroun sont désormais plus enclins à voir les femmes hériter des responsabilités politiques.

Leur nombre ne cesse donc de croitre, même si Justine Diffo espère l’instauration d’une disposition sur la parité en politique au Cameroun. « Il faut que les mentalités bougent encore plus dans notre pays pour qu’on accepte de voir plus de femmes aux responsabilités politiques. C’est là le gage d’une société plus démocratique », explique-t-elle. Il ne faut surtout pas aller croire, comme certains ont pu le faire, qu’elle promeut la présence des femmes en politique à tout prix. A l’en croire, il n’en est nullement question.

« C’est d’abord le mérite qui est mis en avant par More Women In Politics, d’autant que le Cameroun dispose justement de nombreuses femmes compétentes, le tout est seulement de les aiguillonner vers le champ politique, elles qui ont plutôt souvent tendance à s’en détourner prétextant qu’elles n’ont rien à y faire », précise-t-elle. Habitée par son idéal qu’elle poursuit résolument, Justine Diffo s’est illustrée par l’organisation cette année de deux grands évènements qui viennent asseoir définitivement sa détermination à impliquer la gent féminine dans l’espace politique au Cameroun. C’est d’abord l’organisation de la 2e édition de la conférence mondiale sur le leadership, entreprenariat féminin et participation politique des femmes, du 22 au 24 février 2016 à Yaoundé sous le Très haut patronage du Président de la République du Cameroun, et ensuite la mise en œuvre du programme « Appui à la massification de la participation politique des femmes aux échéances électorales de 2018 au Cameroun : Démocratie au féminin », avec le soutien financier de l’Union Européenne.

Coordonnatrice pour l’Afrique centrale du Réseau Francophone pour l’égalité Femme Homme (OIF) depuis 2014, cette « femme politique redoutable » comme la qualifie affectueusement ses adversaires est l’une des rares camerounaises reçues en audience par Michael Jean et François Hollande en marge de leurs visites officielles au Cameroun en 2015, après Hillary Clinton en août 2009.

Background intellectuel Pourtant, ce serait se tromper lourdement en voulant confiner Justine Diffo dans le seul cadre de More Women in Politics et la promotion de la femme dans l’espace public camerounais. Son carquois a d’autres flèches. A 50 ans, cette mère de quatre enfants, mariée, chrétienne évangélique, est d’abord une juriste chevronnée qui a su bâtir sa réputation à force de travail. Sur ce terrain, son expertise fait autorité en droit et contentieux international des affaires. En 1998, elle a soutenu une thèse de doctorat fort remarquée à l’université René Descartes de Paris sur le thème « Elucidation de la zone franche du point de vue du droit international : Le cas du Cameroun », et a obtenu la mention très honorable, avec les félicitations du jury et l’autorisation de publier la thèse.

Depuis lors, elle n’a cessé de démontrer tout son talent en la matière au point qu’à ce jour, elle est maître de conférences et professeur des universités. Mieux, ce sont ses publications qui font autorité dans ses domaines de prédilection. Ainsi, en droit des affaires, elle est l’auteur d’un ouvrage essentiel Droit des activités économiques et commerce électronique (l’esprit de la réforme du droit commercial général issu de l’acte uniforme Ohada), publié chez l’Harmattan en 2010.

Elle a également publié Sources du droit Ohada (Législation et Doctrine) en 2013 puis l’Ohada au service de l’économie et de l’entreprise (1993-2013) : Efficacité et compétitivité en 2014. En alliant habilement théorie et pratique des affaires, elle a mis sur pied en janvier 2015 un Observatoire africain de la pratique des affaires dans l’espace Ohada, avec l’appui des Institutions de l’Ohada, du Ministère de la Justice et du Cameroon Business Forum. Par ailleurs, ses communications dans le champ sociopolitique, en faveur notamment d’une politique de promotion du genre plus efficiente sont aussi des vrais chefs d’œuvre.

On citera « Le coût des législations consacrant le droit des femmes, de la loi à sa mise en œuvre : l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’espace francophone : du dire au faire », délivrée à Québec en septembre 2008 dans le cadre du sommet de la Francophonie. Il faut aussi souligner « Refonder la République pour démocratie citoyenne et participative », délivrée à l’occasion du congrès du cinquantenaire du Centre d’Etudes d’Afrique Noire de l’Institut d’Etudes Politiques de Bordeaux, septembre 2008. Outre ses communications, elle est l’auteur d’une foultitude d’articles parmi lesquels « Genre et déficit démocratique dans l’espace francophone, « L’article 14 du protocole à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif au droit des femmes au Cameroun » ou encore « Le bilan mitigé de l’émergence des femmes au Cameroun » et « Quel système électoral pour une démocratie paritaire au Cameroun ».

Candidate crédible ? Certainement ! Une telle pertinence lui vaut aujourd’hui d’être sollicitée par diverses institutions de référence tant au Cameroun qu’à l’extérieur pour y dispenser ses savoirs. Outre l’université de Yaoundé II à Soa où elle enseigne, l’Ecole Internationale des Forces et de Sécurité (EIFORCES) bénéficie aussi de sa science, tout comme l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ESURMA) à Porto Novo au Bénin, l’Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC).

Elle est également personne ressource du réseau des chercheurs de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), du Comité pluri acteurs de la validation du Rapport sur les droits de l’Homme au Cameroun au ministère de la justice, membre de la plateforme de la société civile pour la démocratie au Cameroun , consultante au Centre des Nations Unies pour les Droits de l’Homme et la Démocratie en Afrique en Droits de l’Homme et justice transitionnelle. A son tour, le gouvernement n’est pas resté insensible à tant de qualités et elle a été portée à la direction des Affaires juridiques du ministère de la Communication depuis 2013.

Cette dynamique devrait se prolonger à l’Union Africaine dans la mesure où parmi les candidats du Cameroun, Victor Emmanuel Djomatchoua, Paul Tasong Njukang, Emmanuel Edou, Maurice Tchuente et François Ekanga Ekoko, elle tire parfaitement son épingle du jeu. Cela avant même l’argument massue qui en fait la candidate idéale du Cameroun : elle est la seule femme à concourir dans le contingent camerounais. La dernière fois qu’on a vu une camerounaise à ce niveau, c’était de 2003 à 2006 lorsque Elisabeth Tankeu de regretté mémoire, a occupé les fonctions de Commissaire au Commerce et à l’Industrie.

Des atouts que le Cameroun ne peut ignorer, lui qui tient à promouvoir son image à l’international, notamment en cette année baptisée « Année des droits de l’Homme avec un accent particulier sur les droits des femmes ».