On pensait que la décence l’empêcherait de franchir le Rubicon. Quand on a 92 ans, dont pratiquement un demi-siècle passé au pouvoir en effet, on devrait aspirer à une retraite qu’on aurait dû prendre depuis longtemps et à partager sa longue expérience politique et humaines en écrivant ses mémoires.
Poussé par une incompréhensible boulimie du pouvoir, le président Paul Biya semble déterminé à rempiler pour un nouveau mandat à la tête du Cameroun en 2025. Ses partisans et thuriféraires l’y encouragent très fortement, à travers un scénario sans originalité, une pratique déjà expérimentée depuis le retour au multipartisme.
Appels du peuple
Chaque ponte du pouvoir organise dans sa localité d’origine des appels dits du peuple implorant Paul Biya à une nouvelle candidature à la tête du pays. Et de fil en aiguille, c’est tout le pays qui est pris dans le tourbillon de cette farce collective. La Lékié, emmenée par le ministre Henry Eyébé Ayissi l’a déjà fait, le Sud avec pour chef de fil le ministre Jacques Fame Ndongo a suivi et les autres s’y préparent activement.
Que Jacques Fame Ndongo plaide pour que le président Paul Biya meurt au pouvoir n’a pas de quoi surprendre ; il protège ses privilèges et qu’importe l’avenir du Cameroun. Que Henry Eyébé Ayissi appelle à une nouvelle candidature du plus vieux dirigeant de la planète est le moindre prix à payer pour que celui-ci continue de fermer les yeux sur le foutoir qu’il a créé au ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières, où un titre foncier ne vaut plus rien du tout…
7 ans de plus pour quoi faire ?
Ce qui est en revanche incompréhensible c’est l’attitude de ces nombreux Camerounais de toutes les régions, privés d’eau potable, d’électricité, de routes, d’écoles dignes, de sécurité, de justice sociale, d’emplois, etc. qui se laissent embarqués tels des moutons de Panurge dans cette agitation calculée et intéressée des thuriféraires et profiteurs du régime.
A 92 ans, Paul Biya veut un nouveau bail à la tête du Cameroun. Pour quoi en faire ?
Le 7 octobre 2024 marquait la sixième année de sa réélection à en 2018. L’événement est passé sous les radars aussi bien de la presse indépendante que de nos Pravda locales. Personne n’y a fait grand cas, même pas ses soutiens si souvent bruyants à la moindre occasion. Comme si tout le monde s’était passé le mot pour ne pas embarrasser le vieux, tant son bilan, à un an de la fin de son septennat est indigent, indéfendable. Presque rien à se mettre sous la dent.
Quelle gloire le président Paul Biya tire-t-il à s’accrocher aussi piteusement au pouvoir alors même que ses forces le lâchent et qu’il ne peut plus apporter grand-chose ni pour lui-même, ni au quotidien difficile et à l’avenir angoissant des Camerounais ?