L’ancien ministre des Finances (Minfi) a royalement ignoré un ensemble de directives du chef de l’État relatives à la gestion des actifs résiduels de l’ex-Office national de commercialisation des produits de base (Oncpb), de l’ex-Régie nationale des chemins de fer du Cameroun (Regifercam) et de l’ex-Office national des ports du Cameroun (Onpc).
Depuis des semaines, dans les médias, les défenseurs d’Essimi Menye propagent la thèse d’une cabale médiatique orchestrée par certains barons du régime, qui en ont après l’ex-Minfi.
Las, ce mensonge a volé en éclats depuis la sortie du dossier lié aux actifs résiduels des défuntes sociétés étatiques (Oncpb, Regifercam et Onpc) évalués à plus de 100 milliards de Fcfa.
Viré du gouvernement le 02 octobre, admis à l’hôpital de la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps), sous le coup d’une inculpation, l’ancien grand argentier national est rattrapé par ses frasques.
Petit retour en arrière : le 12 novembre 2007, le secrétaire général de la présidence de la République, exécutant les hautes instructions du chef de l’État, adresse une correspondance à Essimi Menye, alors Minfi, par laquelle il l’enjoint: «de mettre sur pied une commission d’audit de toutes les liquidations effectuées au Cameroun, qui devrait être composée non seulement des représentants des départements ministériels concernés, mais également des représentants des services du Premier ministre et de la présidence de la République». Laurent Esso de poursuivre : «Il [le chef de l’État ndlr] vous demande, par ailleurs, de procéder à la mise en sécurité des biens résiduels des liquidations de l’ex-Oncpb, de l’ex-Onpc et de l’ex-Regifercam, par la création d’un point focal centralisant toutes les opérations y afférentes».
155 millions pompés
La réaction d’Essimi Menye à cette correspondance ? Comme une bourrique entêtée, il choisit d’en faire à sa tête. Récidiviste, Essimi Menye passera outre d’autres instructions du chef de l’État, celles du 16 janvier 2008, lui demandant de rapporter sa décision de suspendre le cabinet Atou (initialement chargé de la sauvegarde de gestion des actifs et le recouvrement des créances).
Il va aussi botter en touche la création d’une commission d’audit comme l’exige Paul Biya. Pour mieux narguer le président de la République, l’ex-Minfi procède au recrutement du cabinet Challenger Corporation, qui plus est par voie de gré à gré et en violation flagrante du code des marchés publics.
Comme il fallait s’y attendre, le cabinet Challenger Corporation, représenté par François Tchakui qui serait une vieille connaissance d’Essimi Menye, va pomper plus de 155 millions de Fcfa via de prétendus inventaires du patrimoine des ex-Regifercam, ex-Onpc, et ex-Oncpb.
Pis, dans l’une de ses annotations manuscrites, Essimi Menye demande aux responsables du cabinet Challenger Corporation de multiplier par 1000 le montant total, 748 200 Fcfa, du budget de la mission de sauvegarde et de gestion des actifs résiduels des liquidations, qui est allée du 10 avril au 31 décembre 2008. Faut-il chercher pourquoi ?
L’arroseur arrosé
Dans sa soif de prébendes, l’ex-grand argentier national a collé un procès au cabinet Atou, qui l’empêchait certainement de piller en rond. Mal lui en prendra, le Cabinet Atou ne s’en laissera pas compter. Et justice sera rendue à ses efforts.
Le ministre des Finances dans une lettre, datée du 25 avril 2014, au ministre d’État, ministre de la Justice Garde des Sceaux (Minjustice) a dit renoncer aux poursuites judiciaires initié par son prédécesseur contre Lazare Atou au sujet des allégations de pillage des actifs résiduels de ces anciennes sociétés d’État évalués à plus de 100 milliards Fcfa.
« J’ai l’honneur de vous faire connaitre que dans le cadre de la gestion et la sauvegarde des patrimoines résiduels des ex-Oncpb, Onpc et Regifercam, mon département ministériel n’a aucun grief à formuler contre le Cabinet conseil Atou, Monsieur Lazare Atou et ses préposés», signe par délégation Urbain Noël Ebang Mve, le secrétaire général du ministère des Finances.
Et de poursuivre : «Il se désiste par conséquent de toute action civile ou pénale, directement ou indirectement liée à la validité du mandat dudit cabinet, antérieurement engagée ou actuellement en cours au nom ou pour le compte du ministère des Finances qui collabore convenablement avec ledit cabinet auquel un mandat vient d’être accordé».
Une nouvelle qui a sonné comme un camouflet pour l’ex-Minfi. Essimi Menye est aujourd’hui dans la position d’accusé. Quelle ironie de l’histoire !