Le titre «Coller la petite» de l’artiste Franko a le vent en poupe au point où il se retrouve au sommet de plusieurs hit-parades. Tout à côté, d’autres titres tels «Pala Pala» de Mani Bella, «Ça sort comme ça sort» de Maalhox, «Là là là» de Lady Ponce, entre autres, connaissent le même succès. Ces titres très populaires sont devenus incontournables en discothèques, à la radio et à la télévision. Ces chansons très dansantes sont en effet très appréciées et sont devenues de véritables hymnes, au grand dam des âmes sensibles qui n’y décèlent que de l’obscénité. De plus en plus dans les médias audiovisuels, l’ouïe du mélomane a droit à ce genre de registre musical.
Chose bien curieuse, vu le contenu et les textes que comportent ces chansons. «Au Cameroun, il suffit désormais de chanter des banalités pour se hisser au sommet de la popularité», déplore Marie Paul Atangana, choriste et mélomane. Le chanteur Ama Pierrot regrette quant à lui que pour qu’une musique marche actuellement au Cameroun, il faille y mettre «des conneries, des obscénités qui ne se limitent qu’au bas de la ceinture et tournent autour du sexe et des fesses». Un point de vue partagé par Ange Ebogo Emerent. L’artiste de bikutsi révèle que la musique qui connaît actuellement du succès auprès du public camerounais est celle qui est «vide de toute moralité».
«La musique camerounaise actuellement n’a plus de sens et de repères. On se demande jusqu’où elle ira avec autant de dérives. On se rend bien compte que ce n’est plus celui qui prend de la peine à travailler sa musique qui est le plus en vue. Il suffit tout simplement de taper fort dans des casseroles et y ajouter une voix approximative pour que vous ayez le succès et le public à vos pieds», analyse Donatien Bilounga, un jeune artiste chanteur. Un autre mélomane regrette l’époque des années 80-90, où la musique populaire camerounaise rimait avec éthique et moralité.
Censure
«L’époque des musiques bien travaillées est révolue. A présent, c’est la musique banale faite de chansons et chorégraphies obscènes qui captivent toutes les attentions», avance un observateur averti. Des propos que relativise Mathematik 2 Petit-Pays. Pour le chanteur de makossa, les ingrédients d’une musique populaire sont notamment «un bon texte, une bonne chorégraphie, une bonne promotion et un coup de grâce». Ces maux qui plombent la musique populaire seraient donc causés par les influences étrangères. La musique populaire camerounaise connaît «une chute brutale avec des influences extérieures. Les artistes ne veulent plus travailler. Ils adorent la facilité, surtout avec la prépondérance des ordinateurs», argumente Blaise Essame, ingénieur de son.
«La plupart possèdent des home-studios. Donc, ils peuvent directement enregistrer à la maison et ne veulent pas recevoir de conseils, parce qu’ils pensent tout connaître. Les rythmes locaux sont tellement influencés au point où les anciens n’arrivent pas à les suivre», déclarait-il dans une interview en ligne. Or, comme le souligne Ama pierrot, la chanson est comme une rédaction. Elle demande une bonne introduction, un développement et une conclusion pour que le résultat soit impeccable. Mais aujourd’hui, le texte n’est plus pris en compte, estime l’auteur de «Ingratitude».
«Mauvais grain»
«L’artiste s’est éloigné de son rôle de moralisateur. Si tu cherches à moraliser, tu n’es plus écouté. Personne ne te prend en compte», déplore Ama Pierrot. Avant d’ajouter : «Que vont alors devenir les artistes à textes ? Devons-nous croiser les bras en regardant mourir notre musique, cet art que nous avons tant aimé et que nous pratiquons depuis plusieurs décennies ? Le peuple doit sanctionner le mauvais grain de la culture comme il a l’habitude de le faire dans les urnes lors des différentes élections». Ange Ebogo Emerent pense avoir la solution pour inverser la tendance. Il faut une commission de censure, affirme le père de «Folo Folo». «A notre époque, lorsqu’on commençait à chanter, il y avait la censure. Lorsque votre musique était contraire à l’éthique de la société, on ne la diffusait nulle part. Les chansons qu’on passe le temps à diffuser de nos jours ne promeuvent pas nos valeurs sociales», se remémore-t-il.
«Au Brésil par exemple, et dans plusieurs autres pays, avant la diffusion d’une chanson, il y a une commission qui la valide et ce modèle doit être copié au Cameroun. Les sociétés de gestion des droits d’auteur doivent avoir en leur sein des commissions d’éthique pour faire ce travail», poursuit-il. «C’est vrai que l’artiste peint ou est le reflet de la société, mais celui-ci ne doit pas se greffer à la bêtise. Il est un modèle qui doit prôner l’éthique et la morale», soutient le chanteur de bikutsi, Ledoux Marcellin.