Que devons-nous savoir sur le professeur Joseph Tchundjang Pouemi? Qu'est ce qu'on ne nous a pas dit sur cet enfant de la misère Bangoua dans le Ndé, lui qui pouvait difficilement dire qui étaient ses camarades dans le secondaire? Lui qui avait un parcours si particulier lui le solitaire? Qui l’enfant unique de sa maman avec cependant des frères et des sœurs de même père comme il est de tradition dans ce petit village ? Lui qui a divorcé deux ans après son mariage et qui meurt finalement sans laisser d’enfant ! Lui qui pourtant soutiendra une brillante thèse sous la direction du professeur Pierre Massé, le père des plans français, sous le titre Les critères de choix des projets d’investissement en pays sous-développés par les organismes internationaux, fondements théoriques et problèmes d’applications. Sa thèse complémentaire comme on disait à l’époque, soutenue en 1970, s'intitulait Considérations sur les comptes nationaux du Cameroun.
Pierre Massé est mort en décembre 1987 il avait 109 ans. Joseph Tchundjang Pouemi a regagné le Cameroun le 21 octobre 1967 sitôt sa thèse soutenue pour se mettre au service de la Nation. Il a été enseignant, conseiller économique, il a quitté le Cameroun pour se mettre au service du président ivoirien et ce pendant deux ans c’est-à-dire de 1975 à 1977.
Il a ensuite travaillé pour le fond monétaire international FMI de 1977 à 1979 avant de regagner à nouveau le Cameroun pour se mettre à la disposition du président Ahmadou Ahidjo. Ahmadou Ahidjo avait beaucoup d’estime pour lui, voilà pourquoi à son retour il est envoyé à Douala pour aider à la mise en place du Centre Universitaire de Douala. Bref, il est rappelé à Yaoundé pour la rentrée universitaire 1984-1985.
A la vérité le professeur Joseph Tchundjang Pouemi n’a jamais publié sa thèse, les exemplaires déposés notamment à la Bibliothèque nationale en France, à l’université de Clermont-Ferrand, à l’Ecole Nationale de la Statistique et de l’Administration Economique (ENSAE) et à l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) ont disparu. Aucune bibliothèque camerounaise aujourd’hui n’a les deux thèses de Tchundjang Pouemi.
"Monnaie, servitude, liberté", la répression monétaire de l’Afrique est paru pour la première fois en 1980 aux éditions Jeune Afrique. Certains universitaires camerounais feront disparaître cet ouvrage pendant de nombreuses années jusqu’à sa réédition par Ménaibuc en 2000. De nombreuses thèses que nous avons pu consultées sont donc une reprise des deux thèses de Joseph Tchundjang Pouemi en économie, en monnaie et en finance.
Qui a assassiné le professeur Tchundjang Pouemi ?
Il ne fait aucun doute que Joseph Tchundjang Pouemi a été assassiné – mais par qui et pourquoi ? Avec qui a-t-il fait le trajet Yaoundé Douala la veille de son décès ? Est-il mort à Douala ou à Yaoundé ? S’est-il donné la mort dans un hôtel de Douala ? Est-il décédé dans une clinique à Douala ? Son frère cadet avec qui il aurait dîné la veille de son décès pourquoi s’est-il exilé aux USA ? Quel a été le rôle des « frères » qui ont distrait ses travaux et ses thèses travaux ? Pourquoi au Cameroun personne n’a jamais voulu ouvrir le dossier du décès du professeur Tchundjang Pouemi ? Pourquoi les professeurs de sciences économiques camerounais qui savent presque tout sur le maquillage des travaux de Tchundjang Pouemi n’ont jamais rien dit et se contentent de faire circuler ses travaux sous cape en ayant pris soin d’effacer son nom? Voilà autant de questions que nous devons nous poser aujourd’hui au moment où beaucoup s’interrogent sur la place de l’intellectuel dans notre pays ?
L’intellectuel négatif
Le terme est de Pierre Bourdieu, nous le reprenons à notre compte aujourd’hui pour interroger les égorgeurs de la pensée, ceux qui forgent l’ignorance et l’enfermement de l’esprit en pensant être capable de retenir le lever du jour. Ces intellectuels d’un autre temps, d’un triomphe de la médiocrité apôtres de la médiocratie eux qui sont à cheval sur la loi, raides sur l’état de droit, quand il s’agit de défendre la perception de leurs droits aux prébendes et autres primes, viennent de reconstituer leurs castes en « isme ». Ils s’excluent d’une mission, celle qu’ils devaient hériter de nos pairs, s’informer, informer, former et forger ; comprendre et faire comprendre une réalité complexe, combattre l’indifférence ou le tribalisme voire le triomphe d’un clan. Ils nous enferment dans la confusion en nous disant que le simple fait d’être allé à l’école nous condamne déjà comme ce fut le cas pour Samba Diallo. Nos universitaires sont donc devenus l’antithèse de l’intellectuel, ils n’ont plus aucune liberté à l’égard des pouvoir, aucune distanciation avec les idées reçues ou qui leur sont imposées. Ils sont aujourd’hui les démolisseurs de toutes alternatives eschatologues d’un monde qu’ils ne connaissent pas. Le professeur Joseph Tchundjang Pouemi était un intellectuel de plein exercice qui n’a point eu besoin d’être consacré par les journalistes de la onzième heure. Il s’est heurté cent fois, à ces forces obscurantistes, chacune son ordre et avec ses moyens, car elles savent chasser en meute. Il a visiblement été détruit par les adeptes des petits rapports légers ou malvaillants, par des opportunistes et des convertis de la onzième heure, ceux qui s’obstinent à écrire toujours à la marge des travaux les plus nobles, ceux qui nous inondent d’un vocabulaire médiatique sans aucune signification. Mais Joseph Tchundjang Pouemi a tenu, il a fait avancer notre temps et notre époque ce qui n’est pas la même chose, il a fait avancer le rocher de Sisyphe.