Opinions of Tuesday, 10 October 2017

Auteur: camer.be

Qui est anglophone, qui ne l'est pas?

La seule réponse proche de la vérité est que, sans le vouloir, nous sommes tous des anglophones La seule réponse proche de la vérité est que, sans le vouloir, nous sommes tous des anglophones

Ce serait assurément impropre de parler d’une crise anglophone pour évoquer la situation conflictuelle qui traverse les régions du Sud-ouest et du Nord-ouest du Cameroun. Depuis novembre 2016. Enseignants et avocats de ces parties du pays ont ouvert le bal de la contestation.

En prime des revendications corporatistes visant à exiger une amélioration de leurs conditions de travail et amener l’appareil gouvernant à prendre des mesures fortes pour réparer des injustices et autres insuffisances dont les sous-systèmes éducatif et judiciaire ont été l’objet depuis plusieurs décennies. En toile de fond, de ces revendications légitimes des ouvriers de la craie et des avocats, une volonté réelle de s’opposer vertement à la francophonisation d’un espace anglo-saxon par des pratiques d’une administration néocoloniale dont les tares et avatars sont de nos jours métastasés.

Par la suite, des masses populaires sont entrées dans la danse pour exiger des pouvoirs publics l’amélioration du cadre et des standards de vie. Plus de routes bitumées, plus d’eau potable, plus d’électricité, plus d’hôpitaux dotés de plateaux techniques à même de prendre en charge les citoyens malades, plus de pain, plus des aires de jeux… Ces revendications populaires ont débouché sur des exigences et des desiderata focalisés sur la forme de l’Etat, avec l’entrée en scène d’un consortium qui ne passe pas par monts et vaux, pour solliciter le retour au fédéralisme, une espèce de fétichisme à même de sortir les régions du marasme économique, selon les thèses des tenants.

Très vite, un glissement s’opère à 180°. D’autres groupuscules montent au créneau pour entonner l’hymne de la partition du pays avec la sollicitation de la reconnaissance de la souveraineté de la Southern Cameroon dont l’indépendance était supposée être proclamée le 1er octobre dernier, un jour de toutes les peurs et d’incertitudes, un dimanche de tous les dangers que certains oracles avaient cru devoir prédire.

C’est au gré de cette montée d’adrénaline et de poussée vertigineuse des tensions exacerbées dans les localités de Bamenda, Oku, Kumba, Kumbo, Buea, Limbe, Mutenguene, Tombel, Tiko et autres que d’aucuns ont cru devoir baptiser ces secousses sociales sous le vocable inapproprié de crise anglophone. Selon certains esthètes de la science politique, il est préférable de parler du climat sociopolitique tendu dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest, que de dire «crise anglophone». Car en effet, plusieurs francophones sont des anglophones. Tout comme plusieurs anglophones sont francophones. Bien plus, qui est anglophone, qui ne l’est pas ?

La seule réponse proche de la vérité est que, sans le vouloir, nous sommes tous des anglophones

Au nom de la multi-culturalité, au nom de notre histoire commune, plusieurs familles issues des couches dites francophones ont leurs progénitures scolarisées dans le système anglo-saxon et vice versa. Plusieurs mariages, plusieurs brassages sociologiques ont été scellés entre les membres de ces deux importantes communautés linguistiques que sont les francophones et les anglophones au point où, parler de francophones ou d’anglophones, dans ces conditions s’est entretenir un flou artistique, un amalgame de mauvais aloi, une confusion voulue par les colons d’hier qui ont divisé les Camerounais pour asseoir leur hégémonie coloniale et s’emparer de nos valeurs pour nous en imposer les leurs.

Beaucoup de nos peuples du grassfield ont en partage des fondements culturels identiques, leur patrimoine immatériel et matériel résonne comme trait d’union entre ces peuples issus d’une même souche et ayant en partage plusieurs traditions, us et coutumes. Des danses au pagne, des mets aux spécificités alimentaires, des activités ludiques aux techniques et outils de communications que sont le tam-tam, tambour, balafon… des rites traditionnels aux cérémonies funèbres, du rituel d’installation des chefs, garants de la tradition, au fonctionnement même de ces chefferies, des pratiques culturales aux modes de vie économiques, c’est quasiment une affaire de réciprocité.

Vouloir aujourd’hui nier ces évidences, c’est remettre en cause les fondements naturels de l’unité nationale, de l’intégration nationale, malgré les insuffisances d’une gouvernance tatillonne qui ne garantit pas à souhait, un mieux-être, un mieux vivre ensemble.

Toutes choses qui sont porteuses des germes de la contestation et pourvoyeuses de velléités séparatistes entretenues par des vendeurs d’illusions qui profitent des manquements criards de l’Etat dépassé par les évènements.

Ces carences du reste, stigmatisées et décriées à hue et à dia, pour conduire les populations dans une logique insurrectionnelle devant déboucher sur l’in-gouvernabilité d’un pays jusque-là stable, jaloux de son unité et considéré comme un havre de paix dans une Afrique centrale, laminée par des instabilités, en proie à des crises sociopolitiques, démographiques et économiques sans précédent.