Opinions of Thursday, 28 December 2023

Auteur: Amedee Dimitri Touko Tom

Réflexion sur la publication des revenus salariaux des agents de la Fecafoot

La FECAFOOT est une association, ses ressources sont donc privées, elle peut en disposer à sa guise La FECAFOOT est une association, ses ressources sont donc privées, elle peut en disposer à sa guise

La lumière sur les salaires mirobolants payés à la FECAFOOT, a suscité une vive indignation dans le peuple, d’autant que ce traitement contraste avec ceux des footballeurs camerounais, véritables gueux, utilisés comme des bêtes de foires, mais surtout sans aucun rapport avec le salaire moyen au Cameroun qui est de 102 375, 36 francs CFA.

Pour justifier un niveau de rémunération qui va de 2 à 15 fois le salaire médiant au Cameroun, des arguments chocs ont été mobilisés :
- la FECAFOOT est une association, ses ressources sont donc privées, elle peut en disposer à sa guise ;
- la publication des salaires est une violation des droits fondamentaux des salariés de la FECAFOOT.

SUR LE PREMIER MOYEN

Il faut dire rapidement que la FECAFOOT n’est pas une association ordinaire, son utilité publique fait qu’elle reçoit des financements du contribuable camerounais, ce qui ipso-facto donne à tout citoyen, un droit de regard sur sa gestion.

Je rappelle que même dans le cas des entreprise privées, l’État, dans certaines circonstances peut être amené à se pencher sur les traitements salariaux de l’entreprise.
Cet argument est donc à évacuer rapidement, car il ne procède que d’une démarche militante et non de la raison et du droit.

Ce droit de regard doit-il violer des droits fondamentaux et notamment le droit à la protection des données à caractère personnel ou la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle ?

SUR LE DEUXIEME MOYEN

Le droit à la protection des données à caractère personnel n'est pas un droit absolu et ne doit être considéré que par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d'autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité, en particulier le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, le droit à un traitement salarial équitable (discrimination entre salariés), le droit aux moyens de preuve...

La loi, et notamment le code de procédure civile, indique que, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé. Le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi.


Un salarié peut donc, se prévalant du principe d'égalité de rémunération entre salariés, ce qui suppose l'accomplissement d'un même travail ou d'un travail de valeur égale, être fondé à obtenir la communication des bulletins de salaires des autres salariés, occupant des postes de niveau comparable au sien ou inférieur, avec occultation des données personnelles, à l'exception des noms et prénoms, de la classification conventionnelle, de la rémunération mensuelle détaillée et de la rémunération brute totale.

Une démarche judiciaire peut s’avérer utile (référé) si l’employeur ne joue pas le jeu de la transparence.

DE LA PUBLICATION PAR LA PRESSE

Dans le cas de la FECAFOOT, la fuite sauvage d’informations sur le traitement salarial inégalitaire est manifestement le fait de salariés lésés, qui entendent par ce moyen, porter à la connaissance du public, l’injustice ou la discrimination subie.

En général, les situations de subordination, voire d’oppression dans lesquelles vivent les salariés, les contraints à utiliser des voies de contours pour exposer leurs situations d’injustices salariales, notamment, la presse. C’est par ce truchement, que des salaires astronomiques de patrons voraces sont portés à la connaissance du public et que des aménagements règlementaires interviennent. C’est aussi par ce moyen que les inégalités salariales hommes-femmes ont été réduites...

Il faut relever que ce qui est davantage protégé, ce n’est pas le montant des salaires, mais les mentions à caractère personnel contenus dans le bulletin de salaire : banque, état civil, adresse, composition familiale…

Le droit au secret de la rémunération n’est donc pas un droit absolu.