Dans une capsule largement diffusée sur les réseaux sociaux et extraite d’un entretien accordé à une chaîne de télévision de la place par M. Anani Rabier Bindzi, celui-ci a cru devoir s’exprimer sur Maurice Kamto en rapport avec l’affaire Bakassi. De l’aveu de Monsieur Bindzi, l’objectif de sa sortie serait de rectifier des propos attribuables « aux amis de Maurice Kamto » faisant valoir que ce dernier aurait été « admis à la Cour internationale de Justice. » Les parties pertinentes des affirmations de Monsieur Bindzi sont les suivantes :
‘’A partir des années 2001 Paul Biya pense très sincèrement à amener l’affaire de Bakassi devant les juridictions internationales. Il commence à être préparé à sa manière. Donc Monsieur Kamto se trouve être un des conseillers à la Présidence qui s’occupe sûrement des problèmes juridiques puisqu’il est juriste. Et, une occasion s’offre à Paul Biya. Il y a deux postes vacants sur le plan international pour les pays africains, destinés aux africains. Il y a un poste à l’organisation mondiale du commerce et un poste à la Cour internationale de Justice. Paul Biya se lance donc dans la conquête.
Il va proposer M. Manga Massina, un ancien directeur des douanes. Et à la Cour internationale de Justice il va proposer M. Maurice Kamto. Pour lui c’est une aubaine. M. Maurice Kamto ira donc à la Cour internationale de Justice et il va donc connaître tous les méandres, tous les rouages avant que lui Paul Biya n’amène l’affaire Bakassi devant les juridictions internationales. Il va faire un dossier en béton pour M. Maurice Kamto et pour Manga Massina.
Et le hasard du calendrier veut que les débats sur ces postes, le premier se passe à l’Organisation mondiale du commerce. La diplomatie camerounaise va gagner le poste. Et maintenant quand on arrive aux débats sur la Cour internationale de justice, vous allez voir ici sur Mutations sous la plume de Alain Blaise Batongué. Batongué dit ceci : « New York : Paul Biya en campagne pour Maurice Kamto » (10/09/2008). Le Chef de l’Etat Camerounais s’en va préparer l’élection à la Cour Internationale de La Haye.» Alain Blaise Batongué. Et en bas ici, vous allez voir une copie du journal Le Messager qui renchérit. « Le Cameroun en campagne pour Maurice Kamto. Le Ministre des Relations extérieures a sollicité mercredi l’appui du doyen Omar Bongo au nom de Paul Biya. » C’est ça. Donc Paul Biya ne lésine sur aucun moyen diplomatique.
Mais malheureusement, vous savez que l’Afrique est divisée en plusieurs sphères géographiques. Vous avez l’Afrique du Nord, la Corne de l’Afrique, l’Afrique Australe, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale. Malgré que Paul Biya ait mis en place toute cette batterie diplomatique, les égoïsmes humains vont surgir. Les africains ; une coalition d’africains estiment qu’il n’est pas normal que le Cameroun récupère tous les deux postes qui ont été mis pour l’Afrique cette année-là sur le domaine international. Que ce n’est pas normal. Il faut avouer entre nous que c’est humain entre ces gens-là même si la candidature de Maurice Kamto était meilleure par rapport à celle du Somalien. Rien que les égoïsmes ont fait ça. Il ne fallait pas que le Cameroun récupère les deux postes qui étaient mis en compétition. Donc on va barrer la route à M. Maurice Kamto malgré tous les efforts que Paul Biya va faire. Maurice Kamto n’a donc pas été admis à la Cour internationale de La Haye. Il faut le dire avec force. Il n’a pas été admis.
Mais Paul Biya ne baisse pas les bras. Il voit qu’il y a à côté le tribunal arbitral ; une juridiction internationale qui donnera son avis sûrement quand le dossier de Bakassi arrivera à La Haye. Il fait tout : Maurice Kamto va y rentrer. Maurice Kamto est donc entré plutôt au Tribunal arbitral mais pas à la Cour internationale de La Haye comme la plupart de ses amis le racontent.
Alors, Paul Biya va passer à la deuxième phase. Il faut composer la délégation des gens qui iront à la Cour internationale de La Haye pour défendre le dossier Cameroun.’’
PAROLE AUX FAITS
Plutôt que de « faire la lumière » sur ce qu’il considère comme étant « une affaire », Monsieur Bindzi s’est malheureusement livré à des déclarations sur un dossier qu’il ne connaît manifestement pas et sur lequel il n’a curieusement pas effectué le travail de base de collecte et d’analyse de données qui est attendu d’une personnalité de ce profil exerçant la profession de journaliste et ayant un certain intérêt pour l’histoire du Cameroun. Le résultat est un tissu d’anachronismes, de contre-vérités, d’imprécisions, d’affabulation ou de manipulation qu’il convient de dénoncer en donnant simplement la parole aux faits.
1.ANACHRONSMES : D’après Monsieur Bindzi, « A partir des années 2001 Paul Biya pense très sincèrement à amener l’affaire de Bakassi devant les juridictions internationales. Il commence à être préparé à sa manière. Donc Monsieur Kamto se trouve être un des conseillers à la Présidence qui s’occupe sûrement des problèmes juridiques puisqu’il est juriste.» Il convient de rappeler d’emblée que le Cameroun avait saisi la Cour internationale de Justice (CIJ) dans l’affaire Bakassi par une requête en date du 29 mars 1994, et que l’arrêt de ladite Cour dans cette affaire a été rendu le 10 octobre 2002, après huit années de procédure. Comment M. Biya pouvait-il en être à réfléchir « sincèrement » à saisir la Cour en 2001, dans une affaire dont la Cameroun en avait saisi la Cour depuis 1994 et dans laquelle elle rendit son arrêt en 2002 ?
Les informations rappelées ci-dessus sont publiques et en accès libre sur le site internet de la CIJ. Toute personne intéressée par la question pourrait donc les vérifier, a fortiori tout professionnel de la communication. Cette précaution minimale devient un impératif pour un individu impliqué par ailleurs dans l’œuvre utile de vulgarisation de certains éléments de l’histoire du Cameroun. Faute de sacrifier à cette exigence de rigueur, on verse non seulement dans le révisionnisme, mais on désert la personnalité à laquelle on s’emploie à attribuer systématiquement le meilleur rôle quoi qu’il en coûte. On finit ainsi par faire de Monsieur Biya une personne attardée qui, sept années après la saisine de la CIJ par le Cameroun et peu avant le rendu de son arrêt en faveur du Cameroun, réfléchit encore à former ceux qui porteraient un jour l’affaire Bakassi devant les juridictions internationales !
2.CONTREVERITE : On prend aussi la liberté d’attribuer à Monsieur Biya des conseillers qu’il n’a jamais eus, car le Professeur Monsieur Maurice Kamto n’a jamais occupé un poste quelconque à la Présidence de la République. C’est pourtant facile à vérifier, sauf s’il un tel mensonge est intentionnel et sert d’autres desseins.
3.AFFABULATIONS ET INEXACTITUDE : La seconde série d’affirmations, que nous reprenons, met en relief une méconnaissance évidente des sujets traités : « Et, une occasion s’offre à Paul Biya. Il y a deux postes vacants sur le plan international pour les pays africains, destinés aux africains. Il y a un poste à l’organisation mondiale du commerce et un poste à la Cour internationale de Justice. Paul Biya se lance donc dans la conquête. Il va proposer M. Manga Massina, un ancien directeur des douanes. Et à la Cour internationale de Justice il va proposer M. Maurice Kamto. Pour lui c’est une aubaine. M. Maurice Kamto ira donc à la Cour internationale de Justice et il va donc connaître tous les méandres, tous les rouages avant que lui Paul Biya n’amène l’affaire Bakassi devant les juridictions internationales. Il va faire un dossier en béton pour M. Maurice Kamto et pour Manga Massina. Et le hasard du calendrier veut que les débats sur ces postes, le premier se passe à l’Organisation mondiale du commerce. La diplomatie camerounaise va gagner le poste. »
Rappelons que si Monsieur Manga Massina a bel et bien accédé à un poste de directeur au sein d’une organisation internationale le 30 juin 2007, il s’agissait de l’Organisation mondiale des douanes et non de l’Organisation mondiale du commerce comme on le fait croire[1].
4.PRECISIONS : Les candidatures au poste de juge de la Cour internationale de justice ne sont pas présentées par un gouvernement ou par le chef de l’Etat. De telles candidatures sont présentées par les groupes nationaux de la Cour permanente d’arbitrage, sur invitation du Secrétaire général des Nations Unies (Voir articles 4 et 5 du Statut de la CIJ). Dans une des publications à l’intention du grand public, la CIJ résume cette procédure dans les termes suivants : « Le droit de présenter des candidats appartient à tous les Etats parties au Statut. Les présentations sont faites non par le gouvernement de l’Etat concerné mais par le groupe des membres de la Cour permanente d’arbitrage (CPA) désignés par cet Etat – c’est-à-dire par les quatre jurisconsultes susceptibles d’être appelés à faire partie d’un tribunal arbitral dans le cadre des conventions de La Haye de 1899 et de 1907 » (page 22 du Manuel de la CIJ, https://www.icj-cij.org/sites/default/files/documents/handbook-of-the-court-fr.pdf). Au moment de la présentation du Professeur Maurice Kamto comme candidat au poste de juge à la Cour internationale de Justice, les personnalités suivantes étaient membres du groupe national camerounais de la Cour permanente d’arbitrage : M. Alexis Dipanda Mouelle, M. Paul Bamela Engo, Pr. Joseph-Marie Bipoun Woum et Pr. Ephraïm Ngwafor (PCA-annual-report-2008.pdf (pca-cpa.org).
5.MANIPULATION : Monsieur Bindzi fait l’éloge des efforts diplomatiques vains de Paul Biya en vue de faire « admettre » Maurice Kamto à la Cour internationale de Justice : « Donc on va barrer la route à M. Maurice Kamto malgré tous les efforts que Paul Biya va faire. Maurice Kamto n’a donc pas été admis à la Cour internationale de La Haye. Il faut le dire avec force. Il n’a pas été admis. » Comment expliquer l’échec alors que « Paul Biya (n’a lésiné) sur aucun moyen diplomatique, y compris en allant à New York « en campagne pour Maurice Kamto », et que ce dernier avait un dossier « plus solide » que celui de son concurrent ? Les excuses les plus habituelles sont retenues : les divisions de l’Afrique, les égoïsmes humains, le Cameroun ne pouvait pas récupérer les deux postes prétendument destinés à l’Afrique cette année-là, etc.
6.INEXACTITUDE ET CONTREVERITE : Rappelons que M. Bindzi se trompe sur le découpage conventionnel de l’Afrique en zones géographiques en faisant à tort de la Corne de L’Afrique une zone, en oubliant l’Afrique Australe et en jumelant l’Afrique de l’Ouest et celle du Centre. Soulignons ensuite que les postes pour lesquels devaient concourir M. Manga Messina, d’une part et M. Maurice KAMTO, d’autre part, n’étaient pas ouverts la même année. La désignation de Monsieur Manga Massina à l’une des directions de l’Organisation mondiale des douanes a eu lieu en juin 2007 comme on l’a indiqué plus haut, tandis que l’élection à la Cour internationale de Justice s’est tenue en novembre 2008 aux Nations Unies à New York. De plus, il n’est pas inhabituel que deux nationaux, ou plus, d’un même pays africain aient obtenu au cours d’une même année des postes de haute responsabilité au sein des organisations internationales. Pour rester dans le domaine du droit international, on sait que des juges de nationalité ougandaise siègent ou ont siégé de manière concomitante et pendant au moins une dizaine d’années au sein des trois institutions judiciaires internationales que sont la Cour internationale de Justice (Mme la juge J. Sebutinde, juge depuis 2012 réélue en 2020), la Cour pénale internationale (Mme la juge Bossa, élue en 2017), le Tribunal spécial pour le Liban (M. le juge Nsereko) ou, en son temps, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (Mme la juge Bossa de 2003 à 2013) ou son excroissance qu’est le Mécanisme international exerçant les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux (Mme la juge Bossa, feue Mme la juge Nahamya). En ce moment précis, deux juges ougandaises siègent en même temps à la CIJ et à la CPI ! Se pourrait-il donc que, malgré les apparences, Paul Biya et sa diplomatie n’aient vraiment pas battu campagne pour Maurice Kamto ? Au lieu des incantations habituelles, on aurait plutôt besoin d’actes concrets illustratifs des efforts véritablement entrepris par Paul Biya et la diplomatie camerounaise en l’espèce. S’agissant par exemple d’une élection officiellement ouverte en janvier 2008, qu’a fait (ou n’a pas fait) la diplomatie camerounaise pour faire endosser la candidature de Maurice Kamto par l’Union Africaine ? La question des candidatures africaines à des postes dans le système international a pourtant bel et bien été à l’ordre du jour de deux réunions du Conseil exécutif de l’Union Africaine en janvier 2008 à Addis Abeba (voir EX.CL/Dec. 405(XII)) et juin 2008 à Sharm El-Sheikh (voir Doc. EX.CL/449(XIII))[2].
7.CONTREVERITE ET MANIPLUATION : Le quatrième groupe de déclarations de M. Bindzi fait état de supposés efforts de Paul Biya pour placer Maurice Kamto dans une institution internationale après l’échec de la candidature à la CIJ. Il affirme : « Paul Biya ne baisse pas les bras. Il voit qu’il y a à côté le tribunal arbitral ; une juridiction internationale qui donnera son avis sûrement quand le dossier de Bakassi arrivera à La Haye. Il fait tout : Maurice Kamto va y rentrer. » On ne sait pas de quel tribunal arbitral parle M. Bindzi. On suppose, qu’il pourrait s’agir de la Cour permanente d’arbitrage, en raison de la proximité physique avec la CIJ, les deux institutions étant toutes abritées au Palais de la Paix. Malheureusement pour lui, la Cour permanente d’arbitrage n’est pas un tribunal arbitral, mais une structure apportant les services comparables à ceux d’un greffe à divers tribunaux arbitraux constitués pour connaître de certains différends. En fait donc de Cour, la CPA n’en n’est pas une. Le bureau international de cette institution tient simplement une liste de personnes désignées par leurs Etats et susceptibles d’être choisies par des parties à un différend. Il s’agit donc simplement d’arbitres potentiels, chaque Etat partie pouvant désigner jusqu’à quatre personnes pour une durée de six ans renouvelable. Il n’y a aucune campagne à battre pour être inscrit sur la liste des « Membres de la Cour », les noms communiqués étant automatiquement inscrits, sans garantie d’être désigné comme arbitre. Maurice Kamto a été inscrit sur la liste de la CPA le 19 octobre 2010 (PCA-annual-report-2010.pdf (pca-cpa.org)). L’affaire de Bakassi était close, comme on l’a déjà dit, depuis 8 ans. Il n’y avait donc rien à y apprendre, la CPA n’étant par ailleurs pas l’antichambre de la CIJ et n’aurait donc eu aucun mandat pour « donner son avis quand le dossier de Bakassi (arriverait) à La Haye. »
8.EXERCICE VAIN DE M. BINDZI : Au-delà des anachronismes et des contrevérités qui viennent d’être démontrés, l’intention ultime de M. Bindzi dans son entretien était de « dire avec force » que Maurice Kamto « n’a pas été admis » à la CIJ « comme la plupart de ses amis le racontent.» Les activités professionnelles de Maurice Kamto sont de notoriété publique et sont disponibles sur internet. A aucun moment, ni par écrit, oralement ou par tout autre canal, Maurice Kamto n’a prétendu être juge à la Cour internationale de Justice. On ne peut en revanche ignorer le fait que le Professeur Maurice Kamto intervient devant la Cour internationale Justice depuis plus de deux décennies. Il a été co-agent, conseil et avocat du Cameroun dans l’affaire dite de Bakassi de 1994-2002. Il a été conseil et avocat de la République du Niger dans deux affaires, à savoir celle relative à la Frontière terrestre (République du Bénin/République du Niger) de 2003 à 2005 et celle relative au Différend frontalier (Burkina Faso/Niger) de 2010 à 2012. Le Professeur Maurice Kamto a assumé des responsabilités similaires pour le compte de la Guinée (Conakry) dans l’affaire Diallo (Guinée c. République Démocratique du Congo) de 2003 à 2004. Il a, enfin, été Conseil et Avocat de la République de Guinée Equatoriale dans l’affaire relative aux Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France) de 2016 à 2020. Toutes les informations ci-dessus sont publiquement disponibles à quiconque prend la peine de les chercher.[3]
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9.LE GENIE DE MAURICE KAMTO : Il semble encore difficile pour certaines personnes d’accepter l’évidence du rôle central du Professeur Maurice Kamto dans l’aboutissement heureux du traitement par la Cour internationale de Justice de La Haye du dossier Bakassi. Cette attitude malsaine, malheureusement alimentée par des personnes disposant de l’information de première main ne saurait davantage prospérer. Sans le génie de Maurice Kamto, le Cameroun n’aurait simplement pas eu qualité pour saisir la Cour internationale de Justice et cette dernière n’aurait pas eu la compétence pour examiner l’instance introduite par le Cameroun. En effet, le consentement des parties en cause est nécessaire pour que la CIJ puisse examiner un différend qui les opposerait. Parmi les différents moyens par lesquels les Etats peuvent consentir à ce que leurs différends de nature juridique soient jugés par la CIJ, figure la déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour qui est définie par les paragraphes 2 et 3 du Statut de la CIJ. Le groupe d’Etats qui font de telles déclarations se trouvent, vis-à-vis de la CIJ « dans une situation quelque peu comparable à celle des habitants d’un pays à l’égard de leurs propres tribunaux. En principe, chaque Etat de ce groupe a le droit de citer un ou plusieurs autres Etats du même groupe devant la Cour en lui soumettant une requête et, inversement, il accepte de se présenter devant la Cour au cas où il serait cité par un ou plusieurs de ces Etats. »[4]
10. Le 03 septembre 1965, le Nigéria a « recon[nu] comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l’égard de tout autre Etat acceptant la même obligation, c’est-à-dire sous la seule condition de réciprocité, la juridiction de la Cour internationale de Justice … » La déclaration d’acceptation de la compétence obligatoire de la Cour par le Cameroun a quant à elle était introduite le 2 mars 1994[5], soit 27 jours avant la soumission à la CIJ de sa requête introduisant une instance contre le Nigéria relative à la question de la souveraineté sur la presqu’île de Bakassi ! Comme il fallait s’y attendre, le Nigéria s’est vigoureusement opposé à l’invocation par le Cameroun de sa déclaration d’acceptation de la juridiction de la Cour comme base de compétence de cette dernière pour connaître de la requête du Cameroun. Par son arrêt du 11 juin 1998, la CIJ a reconnu la validité de la base de compétence utilisée par le Cameroun et s’est dit compétente pour statuer sur le différend introduit par le Cameroun. Le fond de l’affaire Bakassi pouvait dès lors être examiné. L’affaire Bakassi serait arrêtée à ce niveau-là, en 1988, si la base de compétence avait été rejetée. Le génie initial de Maurice Kamto a été de mettre au point et de soumettre aux autorités de l’Etat l’arme juridique de destruction massive que fut la rédaction et l’introduction séquencée et subtiles des deux actes suivants : la déclaration d’acceptation de la clause de compétence obligatoire de la CIJ le 3 mars 1994 et de la requête introductive d’instance le 29 mars 1994. Le reste relève bien sûr de l’histoire. L’histoire retiendra aussi que dès le 30 avril 1998, quelques semaines après les audiences de la CIJ sur les exceptions préliminaires du Nigéria, ce pays a modifié de manière substantielle sa déclaration d’acceptation de la compétence obligatoire de la CIJ en l’assortissant de réserves. Depuis lors, cette déclaration ne peut plus servir de base de compétence pour certains types de différends, qui font penser aux circonstances similaires à l’affaire Bakassi, y compris les suivantes : « i) Lorsque l'une des parties au différend a accepté la juridiction de la Cour par une déclaration déposée moins de 12 mois avant l'introduction d'une requête portant le différend devant la Cour, après la publication de la présente déclaration modifiée ; » ; « viii) Lorsque le différend porte sur l'attribution, la délimitation ou la démarcation d'un territoire (qu'il s'agisse d'un territoire terrestre, maritime ou lacustre ou d'une partie de l'espace aérien sus-jacent) sauf si le Gouvernement nigérian accepte expressément la juridiction de la Cour et dans les limites de cette acceptation ; ».[6]
Dans le même ordre d’idées, la chaîne de télévision VISION 4 s’est répandue dans des contre-vérités sur lesquelles nous reviendront très rapidement.