Opinions of Wednesday, 12 August 2015

Auteur: Daniel Ndjodo Bessala

Réseaux sociaux: Le journalisme pris dans la toile

De nombreuses données collectées par les hommes de médias sur plateformes numériques tels que Facebook, Twitter ou Youtube s’avèrent souvent fausses.

C’est une nouvelle dont Stéphane Mbia, l’actuel capitaine des Lions indomptables, se serait bien passée. En stage de préparation pour la nouvelle saison avec son dernier club de « Trabzonspor », en Turquie, l’international camerounais a appris à ses dépens que son équipe aurait permis à sa famille, originaire d’un village attaqué par Boko Haram, de se réfugier en Turquie.

L’intox a été diffusée le week-end dernier sur le réseau social Facebook. D’autres médias en ont fait écho. Même la très « sérieuse » France 24 est tombée dans le piège.La chaine de télévision française a vite fait de titrer, hier, à travers son site internet: « Trabzonspor, le club turc de Stéphane Mbia met sa famille à l’abri de Boko Haram ».

Après vérification auprès du principal concerné (Stéphane Mbia), « il s’avère que cette information est fausse », écrit hier sur sa page Facebook, le journaliste sportif Emile Zola Ndé Tchoussi. Joint au téléphone par ce reporter, le capitaine des Lions, l’air surpris par cette annonce se confie : « C’est du sabotage (…) aucun membre de ma famille n’a été attaqué par Boko Haram ».

Le démenti de l’ancien pensionnaire de Fc Séville en Espagne ne s’est pas arrêté là. Pour désamorcer ce qui passait alors pour un scoop médiatique, Stéphane Mbia n’a pas hésité à apporter ce démenti formel sur sa page Facebook : « Contrairement à ce que j’ai pu lire dans les journaux concernant la visite de mes parents, je tiens à préciser que mes proches ont toujours eu l’habitude de me rendre visite depuis que j’évolue de façon stable en Europe et cette visite n’a absolument rien à voir avec tout ce que j’ai pu lire sur une quelconque instabilité au Cameroun », corrige-t-il.

Psychose

Le 02 août dernier, c’est la publication d’une « information » sur l’arrestation de trois terroristes de Boko haram, à la paroisse St Esprit de Bepanda à Douala, qui a crevé la toile. La nouvelle, initiée par Serge Espoir Matomba, homme politique, président du Purs (Peuple uni pour la rénovation sociale), a été reprise pour la Une du quotidien La nouvelle expression dans son édition de lundi 03 août 2015.

Le journal de Séverin Tchounkeu croyait bien faire en relayant ce qui apparaissait alors comme une « information fiable à 100% », selon ceux qui l’ont relayée. L’administrateur de l’espace numérique « Infos de guerre ou guerre de l’info ? » n’est pas le seul à avoir repris cette fausse information. Comme lui, des journalistes très respectés tels que Dipita Tongo, Achille Assako ou encore Martin Camus Mimb sont passés à côté de la plaque.

« J’ai personnellement discuté par téléphone avec deux au moins des témoins qui donnent tous les détails de cette affaire, assure sur Facebook, Martin Camus Mimb, promoteur de la chaîne Rsi (Radio sport info) basée à Douala. Il a fallu une « mise au point » de Denis Nkwebo pour mettre un terme à cette campagne médiatique de mauvais goût.

« Facebook n’est pas une agence de presse, rappelle le président par intérim du Syndicat national des journalistes camerounais (Snjc) sur son mur Facebook. (…) Ceux qui alimentent cette rumeur (sur les trois présumés terroristes arrêtés à Douala), porteront l’entière responsabilité de leurs agissements ». (..) Il y a meilleurs endroits pour exprimer ses certitudes. Là, on éviterait de provoquer la psychose, et le naufrage collectif ».

Vérification

«Le message d’un internaute sur Facebook, Twitter ou Youtube, n’est pas une parole d’évangile », tranche Dorothée Danedjo, journaliste et spécialiste des Technologies de l’information et de la communication (Tic). « Les réseaux sociaux peuvent être une source d’informations à laquelle on ne doit pas se limiter.

On doit pouvoir vérifier ces informations, les recouper mais surtout aller sur le terrain. On ne peut s’asseoir dans une salle de rédaction et mettre de côté le travail élémentaire de terrain », conseille-t-elle.

L’on apprend également que l’exploitation d’une information tirée d’un réseau social nécessite au préalable l’accord de son auteur. Dorothée Danedjo recommande, entre autres, de toujours faire une « capture d’écran » (enregistrer la page web) de la publication.

Etant donné que l’information peut être modifiée ou supprimée plus tard. « Il faut toujours tirer la couverture de son côté », conclut l’experte.