Opinions of Thursday, 6 August 2015

Auteur: Benjamin Zebaze

RDPC: Paul Biya a piègé Jean Nkueté et Albert Dzongang

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Les anciens disaient : si quelqu’un te dépasse, porte son sac. Oui, Paul Biya dépasse les camerounais, une bonne dose de cynisme étant néanmoins nécessaire pour y parvenir. En mettant définitivement hors d’état de nuire Albert Dzongang, ridiculisant au passage Jean Nkueté, Victor Fotso, Sylvestre Ngouchingué, Pascal Monkam et Luc Sindjoun, il a réussi un coup de maître.

Revenons sur les diverses correspondances au cœur de cet épisode. On peut dire ce que l’on veut, mais Paul Biya est sans doute celui qui connait le mieux notre classe politique composée de toutes sortes d’aigrefins.

La manière avec laquelle il vient de réduire à néant l’avenir politique d’Albert Dzongang, en jetant en pâture auprès des ressortissants de l’Ouest des personnalités telles que Jean Nkueté, Victor Fotso, Sylvestre Ngouchingué, Pascal Monkam et Luc Sindjoun mérite le respect.

Un travail d’artiste signé Paul Biya

Bien qu’on aimerait voir le président national du Rdpc déployer son énergie aussi efficacement dans la gestion globale du pays, force est de reconnaitre que les évènements autour du ralliement chaotique d’Albert Dzongang au Rdpc mérite qu’on s’y attarde sérieusement.

Au préalable, il est à noter que cela nous fait de plus en plus mal de tirer sur l’ambulance Victor Fotso. Qui réussira, parmi les siens, à convaincre ce patriarche que l’heure de la retraite politique a sonné ?

Quant à Sylvestre Ngouchingué, qui lui dira que le fait de vendre du poisson plus ou moins frais ne fait pas automatiquement de lui un leader politique incontestable dans la Région de l’Ouest, au point de participer à des manipulations que les camerounais découvrent, ébahis ?

L’enseignement principal de cet épisode montre, hélas, comme nous l’avons toujours affirmé, que Jean Nkueté n’est pas le patron du Rdpc. Même s’il a tendance à rappeler que son chef Paul Biya et lui ne forment qu’un au sein du rassemblement du peuple camerounais, ce qu’il faut bien appeler « l’affaire Dzongang » indique clairement qu’il n’a pas, et c’est le moins que l’on puisse en dire, la confiance de son président national.

Pour preuve : lorsqu’il écrit à ce dernier avec assurance pour lui rendre compte de la « déculottée » d’Albert Dzongang, il ne se doute pas un instant que le manque de confiance dont nous parlions plus haut va pousser le mari de Chantal Pulchérie à coter le dossier au Secrétaire général adjoint de la présidence de la République, Peter Agbor Tabi.

Celui-ci, bien qu’ « Anglo » n’est pas tout à fait « bami », va utiliser cette opportunité pour adresser une véritable gifle au Secrétaire du comité central de son parti, ainsi qu’aux autres comploteurs que sont Victor Fotso, Sylvestre Ngouchingué, Pascal Monkam et Luc Sindjoun.

Si l’on observe avec attention la note signée Peter Agbor Tabi à l’intention de son président national, on constate que Paul Biya a particulièrement apprécié un passage du document en y apposant la mention « oui ». Le passage en question est un véritable camouflet pour Jean Nkuete : « Nous suggérons respectueusement que les concertations pour trouver son remplaçant (allusion à Françoise Foning) se fasse au sein du Rdpc à Douala, en liaison avec les autorités administratives ». Ce « gros malin » d’Agbor Tabi a vite flairé la combine : cette manœuvre ne viserait qu’à capter l’héritage politique de cette dernière par des gens qui ne la portaient pas, de son vivant, dans leur cœur.

Le plus amusant dans cette histoire est que c’est dans la presse que le Secrétaire général du comité central et tout son staff ont découvert cette note d’Agbor Tabi et le jeu trouble que Paul Biya a joué dans leur dos. C’est en harcelant les journalistes qu’ils espèrent depuis lundi retracer l’itinéraire de ces courriers qui jettent sur eux un immonde discrédit.

Une nécessaire analyse des deux correspondances

Il serait trop facile de survoler les deux notes en question sans aller en profondeur. Ce qui frappe d’emblée, c’est la confusion entre les intérêts du parti Rdpc et ceux du pouvoir. Le Secrétaire général adjoint de la présidence de la République utilise l’en-tête de ce secrétariat pour rédiger une lettre partisane. Il signe le même document en tant que « Ministre secrétaire général adjoint ».

Candidement, presque comme un benêt, il ne se rend même pas compte qu’il franchit une ligne rouge en suggérant que le remplacement de Françoise Foning « se fasse au sein du Rdpc à Douala, en liaison avec les autorités administratives ». L’intrusion de l’administration dans les affaires d’un parti ne lui pose visiblement aucun problème.

Il est à noter cependant que lorsque Peter Agbor Tabi précise « qu’il nous semble difficile que des militants fidèles et dévoués acceptent subitement le leadership de quelqu’un qui a trahi leur parti et qui ne revient qu’en raison de nombreux déboires dans l’opposition », il frappe Jean Nkueté là où cela fait particulièrement mal et prend l’ascendant sur lui, parce que le 27 juillet 2015, Paul Biya signe la circulaire N°001/RDPC/PN relative au renouvellement des bureaux des organes de base du Rdpc en insistant sur les arguments de Peter Agbor Tabi.

Il écrit notamment : « Le parti a besoin d’hommes, de femmes et jeunes loyaux, fidèles, convaincus, voués avec abnégation à son service… » Militant dont Albert Dzongang est le contre exemple suprême. Peter Agbor Tabi semble finalement avoir plus d’influence que Jean Nkueté au sein du Rdpc.

Jean Nkueté indique qu’Albert Dzongang a choisi de manière irréversible et sans condition de rejoindre le Rdpc. Il apparait que la mission assignée au transfuge sera de combattre des opposants « incontrôlables » à l’instar de Pierre Kwemo à Bafang, Maurice Kamto et surtout Jean Michel Nintcheu à Douala V.

Lui aussi ne se rend pas compte que cet argument se retourne contre le « déserteur » car, on ne peut que tirer la conclusion que ce dernier n’était qu’un « opposant contrôlable ». On comprend aisément pourquoi Albert Dzongang n’a jamais eu de cesse que de vilipender l’opposition. Pourquoi, alors qu’il n’avait aucune chance pendant les élections présidentielles, il s’est servi du mode de scrutin pour siphonner des voix à ladite opposition. De là à penser qu’il était en mission commandée…

Le principal souci de Jean Nkueté, Victor Fotso, Sylvestre Ngouchingué, Pascal Monkam, Luc Sindjoun

Cette note de Jean Nkueté montre en définitive, comment au sommet de l’Etat ou du « parti-Etat », des individus complotent non pas pour des questions d’intérêt général, mais pour les leurs propres. Le souci principal du Secrétaire général du Comité Central du Rdpc et ses « complices » n’est pas, dans ce dossier, de trouver la personne idoine pour remplacer la défunte Foning ; Il faut un bamiléké, même si c’est le pire qui soit avec pour mission de vaincre le bamiléké Nintcheu.

Bien que l’ex maire ait en son temps, constitué une équipe autour d’elle, nos « comploteurs » n’ont rien à y faire. Le maire actuel Ebanda n’est pas bamiléké ? Il n’est pas à sa place à Douala V. Voilà le raisonnement de gens qu’on croyait normalement constitués.

Que des ressortissants d’une ethnie s’accordent dans un complot pour lancer une véritable chasse à l’homme contre des gens qui viennent de la même région qu’eux, tout simplement parce que ces derniers ont une orientation politique différente de la leur, est très inquiétant pour l’avenir de notre « jeune démocratie ». En définitive, ces individus n’œuvrent ni pour leur parti, ni pour celui de ses militants, ni pour les bamilékés dont ils se servent pour leurs intérêts personnels, ni pour la communauté nationale. L’histoire les jugera sévèrement.

Fru Ndi avait vu juste

Il est curieux de constater que c’est l’une des personnes les plus moqués par Albert Dzongang à savoir Ni John Fru Ndi qui avait vu venir le personnage depuis longtemps. Quelle triste fin de carrière politique pour Albert Dzongang ! Le ton adopté par les militants du Rdpc et les supporters de Paul Biya depuis ce début de semaine montre clairement qu’il n’est pas le bienvenu dans ce parti. Aussi bien rejeté par le camp présidentiel que par celui de l’opposition et des bamilékés qu’il a longtemps instrumentalisé, il n’est pas certain que cette affaire ne se termine par un drame humain.

L’aplomb avec lequel il s’exprime depuis le début de cette affaire nous fait sérieusement douter de sa capacité de discernement. A-t-il encore les moyens d’agir et d’entendre ? Qu’il ose traiter les opposants politiques de son nouveau maître de menteurs et de voleurs dépasse notre entendement. On en arrive à éprouver finalement de la pitié pour ce pittoresque personnage qui n’a jamais compris qu’il n’était, en définitive, qu’une espèce de bouffon du roi.

Personne n’a le droit de lui interdire l’intégration du parti politique de son choix. Opter de devenir une nouvelle créature de Paul Biya est son droit le plus absolu. Mais nous avons aussi le droit de dénoncer ce type de personnage. Il ne faut tout de même pas oublier que c’est cet homme, lors de la dernière décennie, qui a littéralement appelé à « bouffer du béti » qui à travers Paul Biya, confisque tous les principaux postes dans ce pays.

Des camerounais qui ont fait confiance à des politiciens de sa trempe, se sont opposés violemment au pouvoir : certains y ont malheureusement laissé leur vie. S’il a le droit aujourd’hui de revenir à ses premiers amours dont certains pensent qu’il n’avait jamais quitté, il n’a pas le droit de salir la mémoires de ces nombreuses victimes du « Renouveau ».

Le « Social Democratic Front » de Fru Ndi avait vu venir

Cet homme est fini. Comment peut-il encore avoir un avenir politique dans ce pays ? Nous ne voyons pas comment il pourra rebondir. Il se lance depuis quelques temps à une véritable diatribe contre les opposants qui selon lui, sont des menteurs, des voleurs et des bandits.

Qu’il n’est pas si loin le temps où il se moquait à tout va de l’actuel ministre de la communication Issa Tchiroma Bakary pour avoir emprunté le chemin qu’il suit aujourd’hui ? Mais à la décharge du ministre, les deux situations sont peu comparables. Issa Tchiroma Bakary n’a jamais intégré le Rdpc et maintient, bon gré malgré, son parti en vie.

Si l’on en croit la correspondance de Jean Nkueté, dont les termes ne sont du reste pas contestés par Albert Dzongang, ce dernier rejoint le parti présidentiel « sans conditions et de manière irréversible ». Issa Tchiroma a au moins pu négocier un poste de ministre ; on voit mal comment un personnage qui apparait comme un bouffon pourrait en faire autant. Aujourd’hui, à ses visiteurs, il annonce qu’il retourne au Rdpc parce que ce parti a un projet contrairement aux partis de l’opposition. Le projet de ce parti n’est il plus, comme il aimait à le rappeler, de bouffer du bamiléké ? Ce n’est plus d’instituer des quotas iniques qu’il dénonçait hier ? D’instaurer un tribalisme d’Etat ?

Le seul aspect de ce projet Rdpc qui apparait à nos yeux est celui de récupérer le maximum de traîtres parmi les opposants, dans l’optique de montrer qu’on peut acheter tout le monde.

Le problème avec ce monsieur, c’est qu’il se croit plus malin que les autres. Ce qu’il essaye de faire aujourd’hui avec le Rdpc, il l’a essayé avec le Sdf il y a quelques années. Ni John Fru Ndi et ses collaborateurs l’ont éconduit gentiment mais fermement. Ils n’ont pas été aussi naïfs qu’un Jean Nkueté pour croire qu’un homme au comportement aussi ondoyant et divers, pouvait être un « honnête homme ».