Le président de l’Alliance des Forces Progressistes, Cyrille Sam MBAKA revient dans cette tribune sur les difficultés rencontrées par Messanga Nyamding au sein de sa propre famille politique, le RDPC.
Qui va faire le panégyrique ou l’éloge funèbre du vivant de Messanga Nyamding? Rassurez-vous. La bête politique n’est que blessée. Sa peau n’est pas à vendre. Ce soutien inconditionnel du chef de l’Etat, ce membre quasi permanent du comité central du RDPC est dans la tourmente. Qui veut la peau politique du Pr Pascal Charlemagne Messanga Nyamding? Universitaire, polémiste, défenseur acharné du chef de l’Etat, Messanga Nyamding s’est illustré dans des débats par son franc-parler. L’homme ne mâche pas ses mots. Ce n’est pas un partisan de la langue de bois.
Autant, il vénère la figure paternelle et tutélaire de son père spirituel, Paul Biya, qu’il encense depuis longtemps et depuis toujours...Autant il reste intraitable sur l’entourage de celui-ci qu’il exècre et qu’il voue aux gémonies. Messanga Nyamding n’a de cesse de dénoncer les roitelets, les arrivistes, les opportunistes qui gravitent dans les allées du pouvoir et qui grenouillent pour s’en emparer. Le vieux chef est dit-on affaibli et les appétits s’aiguisent autour de la table. La guerre des clans est impitoyable et Messanga Nyamding en a fait un leitmotiv.
Il n’a de cesse de nous le rappeler quand d’autres détournent les yeux ou font le dos rond. Quand d’autres, attendent que la tempête se calme, en espérant qu’ils vont lui survivre et conserver leurs marocains ou leurs avantages. Caustique à souhait, mordant quand il le juge nécessaire, indulgent aussi. Messanga Nyamding a longtemps su passer entre les gouttes. Cet animal politique est un excellent client des médias. Il dit haut ce que d’autres pensent tout bas. On le dit trop veule, trop obséquieux vis à vis de la figure de son champion. Il n’en a cure. Il est ainsi. Son soutien est sans faille. Jusqu’à l’aveuglement.
Ou presque. Si jusqu’à présent il a su tirer son épingle du jeu, force est de constater que ses adversaires les plus téméraires sont dans son propre camp. Ses ennemis les plus affamés sont de son parti, le RDPC. Sont-ils décidés à le faire taire? A lui faire rendre gorge? Messanga Nyamding aime l’affrontement. Il sait prendre des coups. Il sait en donner aussi. Son physique de catcheur n’y est pas pour rien. C’est une force de la nature.
La politique de la terre brûlée.
« Mon Dieu, gardez-moi de mes amis du RDPC, quant à mes ennemis, je m’en charge! » L’expression empruntée à Voltaire et remise au goût du jour dans le marigot local pourrait prêter à sourire. Il n’en est rien. Songez que les coups de boutoir, les attaques que subit cet homme viennent de son propre camp. Pas de l’opposition. Pas des partis de l’opposition. Qu’on se le dise. La férocité des attaques contre un membre imminent du parti montre à suffisance dans quel état de déliquescence ce pays se trouve. Si des membres du régime et pas des moindres peuvent à ce point combattre l’un des leurs, imaginez ce qu’il en serait de l’opposition. Parler de cruauté ou de bestialité serait édulcorer la réalité. Le débat d’idées, la confrontation des opinions, la recherche d’un consensus, le dialogue exigeant ne semblent pas être l’apanage de ceux qui gravitent dans les allées du pouvoir et qui entendent s’en emparer. A tous les prix. Et à n’importe quel prix.
Une préfiguration de la confiscation du pouvoir.
Nous observons ébahis une guerre fratricide entre des alliés de longue date. Comment en est-on arrivé à de telles extrémités? Et que préfigure cette guerre interne? Chacun aura compris que Messanga Nyamding par ses prises de positions, par ses saillies verbales et même par son courage à dire ce que certains veulent taire est devenu un gêneur. Un empêcheur de tourner en rond. Il met le doigt ou ça fait mal. Il prend à témoin ses concitoyens et hurle sa colère et son dégoût.
Ce Saint-Just qui a été dans la mare aux crocodiles se défend avec l’énergie du désespoir. Il nous alerte sur les dérives à venir. Cette voix encore autorisée n’est pas celle d’un enfant de chœur. Loin s’en faut. Reconnaissons-lui le mérite d’être une voix discordante. Si celle-ci est tue, c’est une part de notre démocratie balbutiante qui sera mise à mal. Les saillies verbales du Pr Nyamding, ses envolées lyriques, ses coups de gueule, ses mots mordants parfois obséquieux, complaisants avec son maître à penser, ses colères parfois sur-jouées sont aussi l’expression de notre vivre ensemble.
Hésitant. Tâtonnant. Imberbe. Immature. Notre vivre ensemble malgré nos divergences. Un mot galvaudé. Usé. Périmé. Un mot qu’il convient par ces temps de tumulte et de fracas, de remettre au goût du jour. Dans une démocratie comme dans une élection, chaque voix compte. C’est à l’aune de celle-ci que l’on mesure sa maturité. Notre démocratie est menacée. Ne détournons pas le regard quand le feu couve dans la maison commune.