Opinions of Thursday, 28 July 2016

Auteur: camer.be

Radioscopie de la diaspora de la nuit

Diaspora camerounaise Diaspora camerounaise

38 ans se sont vite écoulés depuis le départ du 237 d'une génération de camerounais pour des études à l'étranger avec la ferme certitude qu'ils rentreront, nantis de diplômes, au bercail et accueillis avec un tapis rouge, pour occuper des fonctions éminemment importantes avec les avantages qui vont avec.

Confortés dans leur rêve, par des fréquents séjours vacanciers au cours desquels, la vie, pour être temporaire, semblait facile eu égard aux 30 glorieuses économiques que traversait notre pays.

Mais rattrapés par la crise économique, la dévaluation du franc des colonies françaises, communément appelés aujourd'hui franc de la communauté financière d'Afrique, d'une gouvernance défaillante après l'avènement du multipartisme, certains d'entre d'eux optèrent pour une résidence permanente dans leurs pays d'adoption.

Ont-ils fait le bon choix ? N'ont-ils pas fait un choix égoïste et de confort pendant que d'autres choisissaient d'aller mettre leurs mains dans le cambouis local ?

N'ayant pas la prétention de juger les choix éminemment personnels, je souhaiterais simplement, au travers des portraits, vous décrire le comportement, sans être représentatif de notre diaspora dont tout le monde peut déduire qu'elle n'est point uniforme, de certains d'entre eux notamment dans la « Night ».

Mon choix porte sur ceux et celles, qui, pour décompresser après des semaines de durs labeurs, vont s'amuser dans les soirées organisées, de préférence dans la salle devenue mythique de l'« Espace Chevreuil » à Nanterre, banlieue parisienne, notre Olympia à nous, avant la conquête de la salle éponyme de Coquatrix, avenue de l'Opéra à Paris.

Mais un retour en arrière, 38 ans avant, vous permettra d'appréhender l'évolution tant du comportement des diasporiens que des scènes sur lesquels ceux-ci s'expriment ou exaltent leur vie.

De boum dans les petits logements aux sorties dans des boîtes de nuit tels que la « Plantation », « le Keur Samba », la « Panthère rose », le « Timmy's club », le « Black & White », l'« Alizé », le « Copacabana » et bien d'autres, ont succédé des soirées dans des espaces transformés en salles de spectacles à Saint Denis, Noisy le Sec, Montreuil, Pierrefitte, Nanterre pour finir aujourd'hui dans des resto ou villas mués, l'espace d'un week-end en cabaret- dancing.

Finie la discrétion, la finesse mais place au spectacle avec ses strasses et paillettes.

Des hommes, sans le physique, à l'allure de Denzel Washington et de Spike Lee, dans le célèbre film de Malcom X.

Les uns se découvrant une vocation ou un style de « Dandy » avec des vestes et pantalons cintrés alors que la nature tropicale ne leur a pas toujours donné de telles prédispositions.

Les autres mimant une attitude bourgeoise dont le nec le plus ultra ou le chic pour eux, serait d'arborer à la bouche, un cigare, de préférence une havane, acheté le jour ou la veille de la soirée et dont ils ignorent la genèse de la fabrication, pire la manière de le couper, de le conserver. D'ailleurs comment pourrait-il en être autrement puis qu'ils ne disposent même pas de boîtes a cigares chez eux ?

Cette transfiguration va plus loin lorsqu'ils s'essaient dans l'univers du vin ou du champagne voire du whisky.

Tout se ramène à l'âge du Whisky avec les noms qui reviennent sans cesse dans leur bouche comme si, à force de les répéter, l'exercice vous confère, une épithète de connaisseurs. Lagavulin, Chivas, Cardhu etc...

En dehors du 8, 12, 15 et 18 ans d'âge, point de salut.

L'œnologie n'est pas leur tasse de thé. Connaissent-ils au moins les différents vignobles ? Sont-ils capables de distinguer un bordeaux d'un bourgogne, les cépages, les cuvées. Là aussi le bouche à oreilles fait office de choix. On passera facilement du cabernet ou rosée d'Anjou des années 80 au Mouton cadet des années 90 tout comme du Dom Pérignon au Ruinart.

Sob Ndata Edmond, le grand myope de la place ne me démentira pas. Pas plus qu'Hilaire Sopie, celui qui n'a de cesse de nous faire voyager dans les différents univers de cette diaspora sans oublier, ce témoin oculaire privilégié qu'est Abdelaziz Moundé Njimban.

Les dames ne sont pas en reste. A défaut de participer aux défilés de mode, ces lieux sont devenus leur espace d'exhibition.

On y rencontre de tout. Une peuplade bigarrée. Des femmes jolies, sobres aux dames excentriques, disgracieuses et m'as-tu vu. Certaines ne sachant même pas se déplacer avec leurs chaussures aux talons compensés. Pourvu que le bas des semelles ait la couleur adéquate, suivez mon regard pour ne point faire la publicité. D'autres, perdant, soit leur droiture en raison d'une poitrine préfabriquée soit leur cambrure du fait de Majanja disproportionné.

Oui la nuit parisienne black en général et camerounaise en particulier a bien changé en l'espace de 40 ans. Les espaces dédiés au Djocka ont vu leur étoile dégringolée pour passer du 5 au 2 étoiles malgré une timide volonté de retrouver le lustre d'antan à travers quelques initiatives.

De nouveaux personnages sont apparus, certainement émulés par les nouvelles technologies (Facebook, Instagram, Whatsapp, Viber etc). Tout dans l'instantanéité et immortalisé par des photos de soi que l'on diffuse.

Sommes-nous devenus vieux jeu ou est-ce seulement une évolution qui ne mérite pas d'un comité de normalisation?