Opinions of Thursday, 3 August 2017

Auteur: https://www.ishr.ch/

Relâcher Me Felix Agbor-Balla, le Dr Fontem Aforteka’a Neba et Mancho Bibixy

Les leaders anglophones, Me Felix Agbor-Balla, le Dr Fontem Aforteka’a Neba et Mancho Bibixy. Les leaders anglophones, Me Felix Agbor-Balla, le Dr Fontem Aforteka’a Neba et Mancho Bibixy.

Autant faire court car le temps presse : les autorités camerounaises n'ont pas d'autre choix que de relâcher dans les plus brefs délais les défenseurs des droits humains que sont Me Felix Agbor Balla, le Dr Fontem Aforteka’a Neba et le journaliste Mancho Bibixy.

Si tant est bien sûr que le Cameroun entende se montrer à la hauteur de ses propres engagements internationaux en matière de droits humains, ou du moins, faire preuve d'un minimum de respect pour les principes de base des droits humains. Car la détention arbitraire et prolongée de manifestant.es pacifiques constitue bel et bien un revers majeur pour les droits humains.

Comment se fait-il que l'avocat des droits humains Me Felix Agbor Balla, ainsi que le Dr Fontem Aforteka’a Neba et le journaliste Mancho Bibixy, et tant d'autres aient atteri en prison après avoir manifesté pacifiquement pour défendre leur droit d'utiliser l'anglais, leur langue maternelle (et seconde langue officielle du Cameroun), dans les systèmes éducatif et juridique? En quoi un tel acte pourrait-il relever du domaine des lois anti-terroristes et exposer ses auteurs à rien de moins que la peine de mort ? Et surtout, comment se fait-il que leur supposée détention provisoire dure maintenant depuis plus de six mois? Voici quelques-unes des innombrables interrogations soulevées par les cas en questions, et plus largement par la manière dont les autorités camerounaises ont répondu aux manifestations qui ont secoué l'ensemble des régions anglophones du pays.

Depuis novembre dernier, la partie anglophone du Cameroun est en proie à des troubles sociaux visant à dénoncer la prédominance de la langue française et de l'influence francophone dans des secteurs cruciaux tels que l'éducation secondaire ou le droit. Le mouvement a été lancé par une grève des enseignant.es anglophones, rapidement rejoint.es à travers plusieurs villes de la région par les étudiant.es et les avocat.es. La réaction des autorités camerounaises ne s'est pas fait attendre : très vite internet était coupé dans toute la région, et l'armée envoyée pour réduire les manifestant.es au silence par tous les moyens, quitte à faire usage de balles réelles.

Alors qu'ils venaient tout juste de co-signer une déclaration appelant les manifestant.es au calme, Me Felix Agbor Balla et le Dr Fontem Aforteka’a Neba, respectivement président et secretaire-géneral du Cameroon Anglophone Civil Society Consortium (CACSC) ont tous deux été arrêtés le 17 janvier dernier, de même que le journaliste Mancho Bibixy. Le CACSC quant à lui a été déclaré illégal dans la foulée.

Depuis, ces trois défenseurs des droits humains sont détenus à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé, toute possibilité de sortie sous caution leur étant refusée. Ils sont de surcroît privés du droit de bénéficier d'un procès équitable, les charges pesant contre eux restant imprécises, et leur cas ayant été pris en charge par un tribunal militaire et non civil. Leurs audiences, aussi multiples qu'expéditives, se sont toutes soldées par une prolongation de leur détention et par la violation de leurs droits les plus élémentaires. Des allégations font état de mauvais traitements de toute sorte qui leur auraient été infligés à eux, ainsi qu'à la vingtaine d'autres personnes arrêtées avec eux, et ce dès le début de leur détention. Et quiconque connaît la réputation de Kondengui en termes d'irrespect des droits des détenu.es et de conditions déplorables de détention, n'aura aucun mal à prêter foi à ces allégations.

La toute dernière audience a eu lieu la semaine dernière et n'a strictement rien apporté de nouveau. Me Balla et ses compagnons d'infortune demeurent en prison. Ils restent sous le coup de charges obscures et confuses les accusant d'avoir défié l'Etat. Leur cas relève toujours de la cour militaire et bien sûr, ils encourent toujours la peine de mort, sans aucune justification valable.

Malgré les nombreux appels lancés par plusieurs ONG internationales de défense des droits humains telles qu'Amnesty International, Frontline Defenders ou encore la Commission Internationale de Juristes; malgré les appels lancés par l'Union Africaine ainsi que plusieurs experts de l'ONU; malgré la présence attentive du Bar Human Rights Committee of England and Wales qui suit le cas de près et en a exposé publiquement les nombreux manquements; et malgré l'accueil supposément cordial que les autorités camerounaies ont réservé à certaines protestations de la communauté internationale, le Gouvernement demeure sourd à la voix de la raison.

Au vu de cela, on pourra s'étonner d'apprendre que, malgré les apparences, le Cameroun est bel et bien partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ainsi qu'à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Difficile à croire en effet étant donné, entre autres, la violation flagrante et continue de l'article 9 du PIDCP qui dispose expressément que "nul ne peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraire, [et que] tout individu arrêté sera informé, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation et recevra notification, dans le plus court délai, de toute accusation portée contre lui."

Nous demandons donc instamment au Cameroun de respecter ses propres engagements internationaux en matière de droits humains et d'abandonner sans délai les charges pesant contre Me Balla, le Dr Neba, Mancho Bibixy et toutes les personnes arbitrairement détenues pour avoir usé de leur droit de manifester pacifiquement, comme la Déclaration de l'ONU sur les défenseurs des droits de l'Homme les y autorise. Nous appelons à leur libération immédiate car chaque jour compte à la prison de Kondengui.

Nous appelons également l'ONU à demander des comptes aux autorités camerounaises sur toute violation qui aurait été commise pendant leur arrestation et/ou détention, et à prendre fermement position en faveur des défenseur.es des droits humains du Cameroun et de leurs familles.