A défaut du ministre, c’est le secrétaire permanent de la Commission d’agrément des manuels scolaires qui s’est offert pour un vertueux office de rédemption, destiné à la justification canonique des versets sataniques versés au pro- gramme de la classe de 5ème. De la sainte bouche du Pr Marcellin Vounda Etoa, l’on apprend ainsi que le Satan soudain découvert et querellé aujourd’hui est, en fait, dans nos murs depuis 4 ans, en compagnie d’autres, qui rivalisent d’égale activité pandémoniaque. L’expert continue en soutenant qu’il ne pouvait d’ailleurs en être autrement, puisque les livres ne sont que la version matérielle des orientations politiques arrêtées par les pouvoirs publics en matière de formation de la jeunesse camerounaise.
En clair, les contenus pornos sont dans nos programmes et livres scolaires de longue date, et pas seulement en 5ème. Le vrai désastre c’est de feindre de le découvrir seulement aujourd’hui. Alors, des deux choses l’une ; soit, nous ne suivions pas les études de nos enfants jusque-là, dangereux aveu ; soit, nous avons un autre problème, et il faudrait savoir lequel ?
Il convient, à ce niveau, de commencer par rompre avec un certain mélange de genres, comme de considérer que le livre querellé l’est à cause de la forme de l’Etat. Fadaises. Quelle curieuse arithmétique que de vouloir réduire le problème au nombre d’enfants exposés à une pratique immorale, à leur situation administrative, ou à leur localisation géographique… Erreur ! L’Etat est un, au-delà de sa forme, pour l’épanouissement individuel et collectif de ses enfants. Plus loin, pour répondre encore aux mêmes, disons leur tout net que l’Etat fédéral n’est ni un sanctuaire, ni un para- dis. Dans le même ordre d’idées, balayons aussi d’un revers de la main la version de ceux qui, probablement à tort, soutiennent que la querelle qui enfle n’a rien de pédagogique, mais tout de commerciale, puisqu’elle actualise les rivalités frustrées lors de la compétition pour le livre unique au programme. Disons aussi Niet à ceux qui veulent absolument rattacher la soudaine irruption de la crise du livre porno dans l’opinion avec l’agenda de l’alternance politique au sommet de l’Etat, à la veille de la présidentielle. Ah bon ? Faribole !
Et c’est justement l’occasion d’interroger la place de l’école en société. Notre école est-elle le phare qui montre le chemin, selon son dogme fondateur qui stipule de former des hommes enracinés ici, mais ouverts au monde ; ou alors, elle est le wagon qui suit ser- vilement une société qui tend, de plus en plus, à renier son être propre pour le world coca cola ? Sinon, existe-t-il une voie mitoyenne, pour nous expliquer, par exemple, qu’une réalité inter- dite par le code pénal national soit néanmoins enseignée, même comme anti valeur ? Et si c’était cela la vraie leçon de l’affaire ? Bref, ce dialogue entre l’école et la société mérite lui aussi une actualisation innovante, pour éviter à l’avenir les cris d’indigna- tion que l’on entend aujourd’hui, en pure perte. Au fait, comment se comportent les parents qui aident leurs enfants à faire les devoirs à la maison, quand arrivent les nouvelles joyeusetés ?
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Aux parents qui crient, on a envie de dire salut, puisqu’ils récoltent ce qu’ils ont semé, là où ils l’ont semé. C’est pure banalité de dire que, toutes les chaînes de télévision aujourd’hui, même celles prétendument tournées vers la jeunesse, tous les téléphones androïdes, l’immense majorité des textes des chansons populaires comportent tous une forte charge de suggestion sexuelle, de sorte qu’à peine descendus du berceau, nos enfants en savent autant que nous sur le sexe, la pratique en moins, pour quelques chan- ceux… Conséquence, l’école est obligée d’apporter à la société la réponse aux questions que cette dernière lui adresse. Car, sans vous le dire, les enseignants sont tous les jours poussés dans les cordes par des esprits qui ne savent plus être espiègles, pour devenir carrément curieux, inquisiteurs, avertis, pointus sur ces secrets que les adultes croient leur cacher, mais que eux, pour mieux se payer la tête des adultes, prennent plaisir à singer, à imiter, ou à reproduire, juste pour être adultes au milieu de leurs camarades d’âge. C’est en réponse à cet environnement, marqué par ailleurs par la démission des parents, que le nouvel acte pédagogique a été pensé et mis en programme, puis dans le contenu des enseignements. Inutile donc de casser le thermomètre, il n’est point cause de la montée de fièvre ; il en est juste le miroir, le témoin.
Cette affaire arrive simplement en son temps pour rappeler combien notre société a besoin de consensus, pour une idéologie nationale camerounaise, par-delà la diversité des sensibilités politiques et des styles de gouvernance. Faute de cela, le pire appellera toujours le pire, et l’on s’avancera inexorablement vers le pire, avec la complaisance de tous ceux qui veulent s’indigner aujourd’hui, parce qu’il y a élection. Foutaises !