Joseph Charles Doumba est mort le 5 mars, à 81 ans. Il était l’un des ministres et des conseillers les plus influents du président, Paul Biya.
«En novembre 1982, lors de l’entretien au cours duquel Ahmadou Ahidjo [à la tête du pays depuis 1958] annonça à Paul Biya qu’il lui cédait le pouvoir, nous étions quatre?: Ahidjo, Biya, Dieu et moi… » Peut-être apocryphes, ces propos, rapportés par l’un de ses confidents, sont prêtés à Joseph Charles Doumba, l’un des derniers témoins de cette passation de pouvoir, et résument bien le personnage, qui s’est éteint le 5 mars dernier, à l’âge de 81 ans.
Ils disent tout de la vanité qui caractérisait cet amoureux de bons mots, qui aimait mettre en scène son pouvoir. Ils révèlent aussi l’apparatchik, souple de l’échine, qui aura traversé sans se mouiller l’impitoyable guerre de succession que se sont livré Ahidjo et Biya. Ce qui conduisit l’opposant Yondo Black à le qualifier de « girouette patentée » et de « porteur d’eau de celui [des rivaux] qui l’emporterait ».
Chef du rassemblement sous Biya
Ministre chargé de mission à la présidence lors du départ d’Ahidjo – dont il était par ailleurs l’une des plumes –, cet administrateur civil rebondit auprès du nouveau président, Paul Biya, dont il devint l’un des ministres et l’un des conseillers les plus influents. Son ascension culmine entre 1992 et 2007, quand ce natif de Yabassi (Littoral) eut la classe politique à ses pieds en sa qualité de chef du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir).
Nommé au lendemain des élections législatives perdues par le parti au pouvoir, il parvint néanmoins à constituer une majorité parlementaire inespérée autour du RDPC, en nouant des alliances avec des petits partis.
Très influent
Prétendre qu’il fut l’idéologue du régime est exagéré. Grand manœuvrier, fin connaisseur de la géopolitique « ethnique » du pays, il en a été l’un des stratèges. Et surtout, l’un des architectes de ce système où la haute fonction publique marche sur une corde raide tenue par le parti au pouvoir.
En tant que secrétaire général du comité central, il murmurait à l’oreille du président, révélait des talents ou les étouffait, suscitait des promotions ou brisait les carrières… Il valait mieux être dans ses bonnes grâces.
Chassé de son propre camp
Dans la salle d’attente de son bureau, au 6e étage du palais des Congrès, de nombreux ministres se bousculaient. Concevant le parti comme un monolithe, ce baron, qui avait accepté à contrecœur le pluralisme, ne tolérait nul courant en son sein.
En 2006, ses ennemis le disaient trop affaibli pour assumer sa charge, et la lecture confuse de son discours – qu’un aigrefin de son cabinet imprima en caractères à peine lisibles –, lors du congrès du parti en juillet, provoqua l’hallali. Le vieux lion fut chassé du groupe neuf mois plus tard, humilié par un système qu’il avait contribué à façonner. Il n’a pas reparu jusqu’à son décès.