Laurent Esso à 75 ans, Paul Biya, 85 ans. J'ai eu à défaut d'écraser une larme - je les reserve pour des émotions plus gratifiantes - eu pitié pour mon pays. En pensant alors qu'au sein du pouvoir, puisque c'est le camp du ministre d'Etat en charge de la Justice, il y'aurait donc un Sahara, un tel désert de figures crédibles entre 45 et 60 ans, que la fameuse succession, serpent de mer du règne de Biya, echoierait à une des ces personnalités que seul nous impose cet interminable et pesant bail à la tête de l'Etat, depuis 35 ans.
Ces " hommes d'Etat " qui n'ont de grâce et de légitimité que par la force du décret, trépigneraient dans leurs coins, tout en affichant une loyauté de sangsue au président, espérant décrocher la timbale de ses faveurs. Crevette dans le Ndolé de cet exercice de prospective de Jeune Afrique, spécialiste des dauphins au Cameroun, il appartiendrait selon la légende urbaine camerounaise, à une de ces ethnies dites minoritaires, au milieu des plus de 260 qui peuplent le triangle national, qui garantirait une gestion " non hégémonique " du pouvoir. Tant pis donc pour ceux qui croient dépassées ces catégories de la science politique en Afrique basées sur la lecture régionaliste, ethniciste ou tribaliste du pouvoir.
On apprend aussi qu'après la nomination de Jean Foumane Akame au Conseil Constitutionnel, la principale hypothèque à l'accélération des arrestations à l'Opération Epervier serait levée. Un avantage pour le présumé dauphin qui disposerait là de l'arme nucléaire pour " éliminer " des adversaires, détournant leur chemin vers Etoudi pour celui plus sinistre de Kondengui. Tant pis donc pour les naïfs qui croyaient encore que les griffes d'Epervier étaient sans arrière-pensée.
Chose étonnante, dans un pays où l'on doit mener de front l'urgence des réformes et le temps long de la transformation structurelle de notre pays, on se surprend également à lire que pour ce vieux routier des gouvernements Biya, " les urgences, c'est à l'hopital ". Une punchline de tube de musique urbaine, un bon mot efficace, mais affligeant pour la célérité qu'exige une gouvernance de qualité.
Laurent Esso, l'une de ces personnalités qui ont par leurs propos et attitudes raides et arrogants, ont contribué à radicaliser les positions dans la crise anglophone comme lors de ce voyage catastrophique en Belgique, est un haut commis de l'Etat aux remarquables qualités intellectuelles, avec l'un des parcours les plus brillants du Renouveau. Il a certainement par son flegme et sa discrétion, un sens de l'Etat et une expérience qui peuvent être un atout. Mais, il y'a des moments où le souffre du passé devient explosif pour un pays qui veut repenser son avenir.
Hélas, l'hypothèse Laurent Esso n'est pas une chimère. L'extraordinaire dispersion des forces de l'opposition, où seuls comptent le selfie et le selfish, favoriserait en cas de départ de Paul Biya de tels profils. Ceux qui veulent s'organiser pour combattre par les idées, l'action, le débat et des initiatives; ceux qui veulent fédèrer pour un changement en profondeur du Cameroun, savent donc ce qu'il leur reste à faire : cesser le bruit, mettre en place un orchestre où les musiciens, aux multiples talents, joueront la même partition et parleront d'une seule voix, autour d'un dénominateur commun. Au pays du Soul Makossa, c'est possible !