Le 14 avril dernier, les enfants de Jean-Pierre Amougou Belinga recevaient leur première communion. C’était l’occasion pour le promoteur de la chaîne de télévision Vision 4 de célébrer avec faste le deuxième sacrement de ses enfants et de publiciser par la même occasion sa proximité avec les pontes actuels du régime. À la lumière du reportage qui en fait écho, on peut imaginer que si Amougou Belinga venait à célébrer à nouveau ses noces, c’est tout le gouvernement qui y assisterait.
Trêve de plaisanterie. Quand on est sait qu’en politique et plus largement dans l’espace public « tout est manufacture, […ie] que la perception est ce qui fabrique la réalité », on ne peut s’empêcher de réfléchir sur les « sous-entendus », le « non voir » de ce qui se donné à voir. Il n’y a rien d’anodin dans la diffusion de ce reportage. La célébration des sacrements reçus était le prétexte pour transmettre un message. Que dit ce massage ? Plusieurs choses de mon point de vue.
Mais avant d’aller plus loin, on peut comprendre pourquoi Parfait Ayissi nargue, fanfaronne et s’endort paisiblement en dépit de lourdes accusations (abus sexuels sur mineur) qui pèsent sur lui.
Quand tu regardes, ces images, tu comprends pourquoi les sanctions du Conseil national de la communication concernant Vision 4 sont nulles et sans effet. En l’état actuel des choses, elles ne peuvent prospérer.
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Quand tu regardes, ces images tu comprends pourquoi Xavier Messè À Tiati, ce journaliste respecté et respectable, ne pouvait pas faire long feu auprès de ce « géant » aux pieds d’argile. Il a été viré comme un malpropre après quelques moins.
Quand tu regardes, ces images tu comprends pourquoi le jeune journaliste Bruno Bidjang a été licencié de Vision 4 après avoir (entre autres) rédigé et publié un bref réquisitoire sur la politique du régime en place.
Quand tu observes attentivement ces images, tu comprends pourquoi Ernest Obama, journaliste phare de Vision 4 peut inciter au meurtre des manifestants anglophones sans se faire inquiéter « Que le gouvernement arrête de jouer au malin avec ces terroristes écrivait-il. Quand il s’agit de rétablir l’ordre et que vous êtes considéré comme un terroriste on vous tue (…) Qu’il y ait des rafles dans toutes les parties anglophones ».
Quand tu analyses ces images, tu comprends pourquoi Jean jacques Ze, un autre journaliste, pourtant très apprécié des camerounais, peut à propos de la crise anglophone parler sans gêne de « dératisation » sans être rappelé à l’ordre par la puissance publique.
Quand tu regardes ces images, tu comprends pourquoi en dépit des forts soupçons d’enrichissement illicite qui pèsent sur le promoteur du groupe l’Anecdote, aucune enquête n’a pour l’instant été ouverte à son endroit.
Quand tu regardes ces images, tu comprends pourquoi sur demande de Jean-Pierre Amougou Belinga, les journalistes David Eboutou et Patrice Sapack ont été brutalement interpellés, puis jetés en prison jusqu'aujourd’hui.
Au demeurant, cette anecdote (reportage) disais-je, n’est pas si anecdotique que ça. Car ce qui est en jeu n’est pas tant ce qui se donne à voir, mais ce qui se donne à penser. Jean-Pierre Amougou peut en effet se lier d’amitié avec n’importe quel membre du gouvernement et le recevoir chez lui comme bon lui semble. Il en a le droit. S’il est vrai que dans un obscur recours au droit prétorien (procès Marafa) le crime de complicité intellectuelle fût créé, il n’existe pas encore pas de délit d’amitié au Cameroun.
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En revanche, comme le dit si bien la vulgate « le Cameroun c’est le Cameroun ». Comme m’a fait remarquer un ami récemment, un jour on a demandé à un opposant pourquoi il avait arrêté de critiquer le gouvernement après sa nomination en tant que Ministre ? Ce dernier a répondu qu’en « Afrique, c’est impoli de parler quand on mange ».
Qui peut imaginer un seul instant à la lumière de ce copinage affichée, de ce lien quasi-incestueux, de cette endogamie politico-médiatique ou à tout le moins, de cette déférence mutuelle célébrée à travers ce reportage que Vision 4 et l’Anecdote agiront avec impartialité, indépendance et objectivité dans le traitement de l’information se rapportant au régime en place ou à ses hiérarques ?
Aussi, on ne peut s’interdire de penser à la lumière de ce reportage que Belinga n’est probablement que le prête-nom, la personne-écran, la façade d’un conglomérat politico-financier « invisible » plus large et étendue qui entend protéger et fructifier ses positions, privilèges et avoirs. On peut également soupconner que Vision 4 ne serait finalement que le vuvuzela, le porte-voix, la pièce d’un immense puzzle de ceux qui au sein du régime se positionnent déjà à la veille des élections pour le contrôle de l’opinion et le maintien du statu-quo même après le départ éventuel de Biya.
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Vu à quel point certains sont près à maintenir leur régime de privilèges, il faut craindre le pire dans les mois et années à venir. Et ce pire viendra, si on n’y prend garde, de la popularisation à dessein d’une supposée théorie du complot ethnique pour la conquête du pouvoir et de la tribalisation du débat politique.
A y regarder de très près, cette pollution des esprits à des fins de conservation du pouvoir RDPCiste est déjà en marche. Comme la CRTV, Vision 4 n’en est que la caisse de résonance et Belinga, la pointe de l’Iceberg.