L’édition 2015 de la journée mondiale de la santé mentale a pour thème : «Dignité et santé mentale». Une thématique qui vient rouvrir le débat sur la question de la prise en charge des malades mentaux. Appelées diversement dans nos communautés, des «fous», «des malades de la tête», des «aliénés», des «tarés», des «cinglés», ces personnes qui ont perdu leur libre-arbitre font partie de notre décor quotidien.
Dans les rues, dans les dépotoirs d’ordures, devant les édifices publics, leur présence est devenue banale.Victimes de dépression, de schizophrénie et d’épilepsie ou d’alcoolo-dépendance (pour ne citer que les plus courantes), les personnes souffrant des troubles mentaux sont de plus en plus nombreuses. Leur nombre sans cesse croissant, ces dernières années, pose l’épineuse question de la prise en charge des pathologies mentales.
Au Cameroun, la plupart des formations sanitaires ne disposent pas d’unité de prise en charge psychiatrique. Depuis des décennies, l’hôpital Jamot basé à Yaoundé est l’unique établissement spécialisé où sont référés et traités les malades mentaux. A Douala, l’hôpital Laquintinie, accueille quelques cas avec plus ou moins de bonheur.
Aujourd’hui plus qu’hier, la prise en charge des malades mentaux est confrontée à plusieurs défis. Au Cameroun comme ailleurs en Afrique, l’ensemble des dépenses publiques consacrées à la santé est principalement orienté vers les maladies telles que le VIH/Sida, le paludisme, la tuberculose ou la santé de reproduction.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 75 à 85 % des personnes souffrant de troubles mentaux graves ne reçoivent aucun traitement dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, contre 35 à 50 % dans les pays à haut revenu. L’insuffisance en moyens humains et logistiques ajoutée au nombre sans cesse croissant des malades mentaux limitent énormément les capacités d’accueil de l’hôpital Jamot de Yaoundé.
Malgré l’ouverture d’une filière de psychiatrie en 2010 à la Faculté de médecine et des sciences biomédicales de Yaoundé, le nombre de psychiatres reste insignifiant. Aujourd’hui, le pays en compte moins de dix.
Ce déficit de structures de prise en charge et de spécialistes ouvre la voie à la stigmatisation et la marginalisation des victimes des troubles mentaux. Dans la plupart de nos sociétés, les pathologies mentales, assimilées au vice plutôt qu’à la maladie, sont objets d’étonnement, de réprobation, de crainte et parfois tournées en dérision. Le phénomène explose aussi à cause du manque de soutien de la communauté.
Certaines familles, épuisées et désespérées, ne se donnent plus la peine de s’occuper de leurs malades et finissent par baisser les bras. D’autres, de guerre lasse, n’arrivent pas à contenir les violences et les comportements étranges de leurs «fous».
Ce délaissement familial explique en partie la prépondérance des pratiques traditionnelles et ésotériques dans le traitement des malades mentaux. C’est parfois l’inverse. C’est après avoir fait le tour des églises, des marabouts et autres que la famille décide d’amener le malade à l’hôpital. Le mauvais état de la psychiatrie s’explique enfin sous nos cieux par l’absence d’une véritable politique de prévention des facteurs qui constituent les principales causes des maladies mentales.
Comment s’effectue la prise en charge des malades mentaux à l’hôpital et dans la communauté? Quelles sont les capacités d’accueil des structures publiques de prise en charge? Comment les pouvoirs publics entendent-ils améliorer le financement de la santé mentale? A travers reportages, interviews, CT rentre dans l’univers de la prise en charge des malades mentaux au Cameroun.