Opinions of Thursday, 1 December 2022

Auteur: Jean Bruno Tagne

Samuel Eto’o : le génie déchu

La discussion entre les deux hommes est dure. La discussion entre les deux hommes est dure.

La discussion entre les deux hommes est dure. Personne ne veut lâcher ses positions. Volker Finke trouve une parade. « Ok, Samuel, dit-il. Je vais en parler avec Ibrahim Tanko [son adjoint] et il va me dire ce qu'il en pense. Nous avons un match à l'entraînement demain et après cela je vais décider de ce qu'il y a à faire. Chacun doit jouer son rôle, c'est comme ça. » Eto'o retourne à sa chambre et Finke reste dans la sienne.

Le lendemain jeudi 5 septembre 2013, les Lions ont une séance d'entraînement au stade Ahmadou Ahidjo. Samuel Eto'o commence à bouder lorsque le coach fait le classe-ment. Il se rend compte que Volker Finke est resté campé sur les choix de la veille. Dès lors, Eto'o n'a plus le cœur à l'ouvrage. Il fait la tête. Six ou huit minutes après le début du match que les joueurs se livrent entre eux, il simule une blessure et quitte le terrain. Le soir, il envoie le gendarme qui lui sert de BodyguardI appeler le coach. Celui-ci lui rétorque que, si le capitaine veut le voir, qu'il se déplace et que ce n'est pas à lui d'aller vers son joueur. Le servile gendarme fait la commission sans discuter. Samuel Eto'o a le visage défait quand il vient voir le coach.

Il semble bien préoccupé. « Vous êtes le premier à qui je l'annonce. Je mets fin à ma carrière internationale. C'est bon comme ça. J'arrête », dit-il. Cette annonce tonitruante a lieu (14) Samuel Eto'o a en effet un garde du corps qui le suit partout, en plein regroupement des Lions Indomptables. Ce n'est pas sa seule lubie. Il ne mange pas avec les autres joueurs et ne porte pas les mêmes maillots que ses coéquipiers. Ses équipements lui viennent directement de chez Puma. Il a fait inscrire quelque part sur le col, un petit passage de la bible. Il a pris ces décisions ubuesques sur les conseils de quelques sbires qui lui ont dit que des dirigeants de la Fé-cafoot planifiaient de le tuer par empoisonnement. Cette situation de joueur à part, cautionné par les dirigeants de la Fécafoot, un ministre des Sports couché et un coach désarmé agacent certains coéquipiers. Mais ils n'y peuvent rien. Ils souffrent en silence.

SAMUEL ETO'O FILS : LE GENIE DECHU

quelques minutes avant une de ces traditionnelles visites bidons du ministre des Sports dans la tanière, soi-disant pour apporter aux Lions « le soutien et l'encouragement des pouvoirs publics ». Adoum Garoua est le deuxième à qui Eto'o annonce la « triste » nouvelle. Le ministre panique et entreprend dès lors des démarches pour que le capitaine revienne sur sa décision qui ressemble fort bien à un chan-tage.

Le coach, quant à lui, demande au joueur d'aller se coucher et de se calmer, et qu'une décision aussi grave ne se prend pas sur un coup de tête. « Tu es emporté par la colère Samuel, parce que tu as observé ce matin à l'entraînement que je n'ai pas l'intention de changer mon plan de jeu. Je te comprends. Il faut bien réfléchir avant d'agir. Je suis convaincu d'au moins une chose ; toi et moi voulons le meilleur pour les Lions Indomptables. Mais, calme-toi et tout ira bien», lui conseille le sélectionneur. Ces paroles que Finke croit sages ne touchent pas le cœur en feu de son capitaine.

Il insiste pour que le classement soit changé, mais Finke ne cède pas. « Ok. C'est fini avec l'équipe nationale », martèle la vedette des Lions Indomptables.
7 septembre 2013. Veille du match. Les deux équipes ont jusqu'à 18 h pour déposer la composition des équipes retenues au commissaire du match. Tous les joueurs ont donné leurs passeports à Rigobert Song, le Team manager.

Sauf Samuel Eto'o. Lequel a pris son bâton de pèlerin pour faire le tour de quelques ministres de la République avec lesquels il partage une certaine complicité. L'objectif est de faire pression sur le coach afin qu'il accepte ses desiderata.

C'est seulement vers 20h que le gendarme obséquieux d'Eto'o va rencontrer Rigobert Song. Il est porteur du passeport du « 9 ». Le coach et Rigo se disent que Samuel Eto'o a changé d'avis. Il veut donc jouer. Tant mieux. Entre temps,

LA TRAGÉDIE DES LIONS INDOMPTABLES

le délai pour la communication de la liste des joueurs est passé. Eto'o ne doit en conséquence pas prendre part à la rencontre. Il est en quelque sorte forclos. Mais, on est au Cameroun. Rigobert Song s'est opportunément lié d'amitié avec le commissaire du match de nationalité malienne. Ils s'offrent des godets au bar de l'hôtel Mont Fébé en charmante compagnie. Le Malien ne voit pas le temps passer.
On s'occupe bien de lui.

Volker Finke va voir Eto'o dans sa chambre avec son passeport. Le gendarme-toutou du capitaine est là, presqu'au garde-à-vous. Finke lui fait savoir que la liste est close et qu'il n'est plus possible pour lui de jouer. « J'ai une mission. Je suis un soldat au Cameroun et tout ce que je fais c'est pour mon pays », dit le capitaine en bombant le torse tout en frappant la main sur la poitrine. Il propose un compromis au coach; il souhaite commencer la partie sur le banc de touche et ne rentrer qu'en cours de jeu. Cette idée ne passe pas dans la tête du sélectionneur. « Ce n'est pas possible. Soit tu commences le match et joues jusqu'au bout de tes forces, soit, on annonce que tu es blessé et tu ne joues pas du tout. Je ne peux pas te garder sans raison sur le banc de touche. 30 minutes après le match, quand la foule va commencer à crier Eto'o, Eto°o, ce ne sera pas bon pour les autres joueurs. Il n'y a que les deux options que je viens de te proposer », insiste Finke. « Ok. Dans ce cas, cela signifie que je ne joue pas ce match », s'énerve le capitaine. Il se retourne vers son gendarme posté dans la chambre comme un piquet. Il sermonne le lieutenant. « Qui t'a demandé de donner mon passeport au Team manager ?