Opinions of Wednesday, 15 March 2023

Auteur: Arol Ketch

Tête arrachée et emportée : il y a 57 ans le crapuleux assassinat de Osende Afana

Son assassinat a créé émoi et consternation Son assassinat a créé émoi et consternation

15 mars 1966 – 15 mars 2023, cela fait exactement 57 ans que Osende Afana a été froidement assassiné. Cette matinée du 15 mars 1966, un groupe d’hommes se promènent dans un petit village de pygmées à une dizaine de kilomètres du fleuve Ngoko. Exténués après de longues heures de marche, ils sont visiblement à la recherche de quoi manger. Ils s'approchent discrètement des huttes des pygmées pour se fondre dans le village et bénéficier de l’hospitalité légendaires des hommes de petites tailles qui vivent de la chasse, la pêche et la cueillette.

Ce que nos hommes ignorent c’est qu’ils sont attendus et épiés depuis longtemps. On les a repérés. Ils sont en réalité victimes d’un guet-apens. A peine ont-ils emprunté la piste menant au village qu’ils sont victimes d’une série de coups de feu ciblés. L’un d’entre eux, le dénommé Louis Wamba se met à crier pour demander à ses camarades de prendre la fuite. Les armes crépitent et une pluie de balles les assaille.

Entraîné et rompu aux exercices de combat, le dénommé François Fosso bondit immédiatement dans la forêt pour prendre la fuite. Il reçoit une rafale de balles à la jambe. Son genou gauche est atteint. Mais habité par l’instinct de survie du désespoir, il réussit tout de même à se faufiler dans les profondeurs de la forêt sous une salve de balles. Dans sa fuite, il est mitraillé pendant une dizaine de minutes par des soldats embusqués.

Miracle! Il réussit à prendre la fuite. Ses camarades n’auront pas la même chance. Ils sont froidement abattus. Caché derrière un bananier, François Fosso peut entendre siffler les rafales de balles qui achèvent ses camarades blessés. Wamba et Osendé Afana ont donc été froidement assassinés.

Le camarade Fosso François grièvement blessé, réussit à s'échapper et à se cacher non loin du lieu du massacre. Lorsqu’il revient sur les lieux le 17 mars, le camarade Fosso François découvre l’horreur : le corps de ses deux amis en état de putréfaction. Leurs têtes ont été arrachées et emportées.

Le maquis créé par Osendé avait été formellement repéré dès le mois de février 1966 et le président Ahmadou Ahidjo avait envoyé des troupes pour mater ceux qu’il qualifiait de rebelles et de terroristes. La consigne est claire, ramener Osende Afana mort ou vivant. Les têtes de Osendé et Wamba sont exposées devant le bureau de gendarmerie. Une cigarette allumée sera mise entre les lèvres de Osendé Afana.

Les deux têtes ont par la suite été mises dans un récipient (la tête de Wamba en bas, celle de Osendé en haut) et ramenées à l’hôpital du village de Nguilili dans l’arrondissement de Moloundou. Les têtes seront confiées à monsieur Boubas joseph, infirmier.

Celui-ci va uniquement formoliser la tête de Osendé Afana. Celle de son ami Wamba n’a pas été formolisée. La nouvelle de l’assassinat de Osendé Afana est accueilli avec beaucoup de tristesse par la population car il aidait les villageois, les éduquait et les soignait.

Mais qui est cet Osendé Afana dont la mort suscite autant d’émoi ? Né en 1930, Castor Osendé Afana est un brillant nationaliste camerounais, très tôt happé par le virus du militantisme. Il milite au sein de l’Union des populations du Cameroun (UPC) et se bat activement pour la libération du Cameroun.

Il est le tout premier camerounais à avoir obtenu un Doctorat ès Sciences Économiques, thèse portant sur "l'économie de l'Ouest-Africain", parue aux éditions Maspero.

Son militantisme débordant et la densité de son activité politique inquiètent les autorités françaises qui vont le traquer

Avec les assassinats de Um Nyobé et de Félix Moumié à l’intérieur et à l’extérieur du pays, Osende Afana et Ernest Ouandié constatent amèrement qu’ils peuvent être tués à l’intérieur du pays comme à l’extérieur. Autant mieux rentrer au pays mener le combat sur le terrain. L’un et l’autre prennent respectivement la direction du “ front de l’Ouest ” et du “ front de l’Est ”.

Le Congo est sa base arrière.

Osende Afana entre au maquis dans la forêt du Sud-Est Cameroun à partir de Ouesso (Congo Brazzaville). Il est à la tête d’un modeste détachement constitué de partisans et militants de l’UPC.

S’il est clair que Osende Afana a été exécuté par les forces néocoloniales, il ne fait pas l’ombre d’un doute qu’il a été trahi.

Quel est le parcours de Osendé Afana ? Qui a trahi Osendé ?

Qui a tué Osendé Afana ? où se trouve sa dépouille ?

Où est donc passé la tête de Osendé afana ? A-t-elle été ramenée à Ahidjo ?

L’écrivain revient sur cet événement tragique dans son livre: “Rivière de sang : Enquêtes sur les morts non élucidées qui ont marqué le Cameroun”