Trois ans après sa libération, l’ancien directeur général de la Cnps est toujours aux prises avec la justice pour des poursuites déclenchées en 2005.
Madame Engo a eu du mal à dissimuler ses larmes hier, 11 janvier 2017 au Tribunal criminel spécial (Tcs). Hier, le juge Francis Claude Moukouri qui conduit le procès qui oppose Pierre Désiré Engo au ministère public a concédé un 19èmerenvoi de cette cause pour les mêmes fins : « exécution du complément d’enquête (commission rogatoire) instruit sur le compte de Pierre Désiré Engo dans une banque en France ».
Trois ans que le parquet attend le rapport de la commission rogatoire, trois ans qu’on assiste à des reports d’audience pour un rapport qui n’arrive toujours pas. Trois ans que Pierre Désiré Engo n’est pas jugé. Trois ans qu’il est sous le coup d’une liberté conditionnelle. « Le parquet recherche la lune en plein jour. C’est impossible que la lune apparaisse en plein jour. Vous allez renvoyer cette affaire dans un an on reviendra vous dire la même chose. A force de renvoyer et d’attendre vainement un rapport ça donne l’impression d’une cabale. Le fait d’accorder autant de renvoi au parquet n’est ce pas là lui accorder trop de concession », s’est offusqué Me Bayebec, conseil de Pierre Désiré Engo.
Dans cette affaire, l’ancien ministre Engo est accusé d’un détournement de 25 milliards FCfa issus des fonds alloués pour la construction en 1998 de l’immeuble de la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps) à Douala. Une première expertise dirigée par le lieutenant de la police française Laure Thibault et transmise aux autorités judiciaires camerounaises conclut dans son rapport d’enquête sur « l’absence d’opération de crédit du montant de 25 milliards FCfa sur l’ensemble des relevés de comptes de M. Pierre Désiré Engo ».
Mais l’accusation va se fonder sur une deuxième expertise pour baser ses poursuites contre l’ancien directeur général de la Cnps. D’après le procès verbal du capitaine Philippe Gérard mandaté par un juge d’instruction français à la suite d’une commission rogatoire internationale, le compte de Engo ouvert dans les livres comptables du Crédit lyonnais en France a fait l’objet en date du 19 mai 1999 d’un ordre de paiement de 25 milliards FCfa porté au crédit.
Une accusation qui survient en 2005 au moment où Engo se trouve déjà en prison pour une première affaire de détournement de deniers publics (les déboires de l’ex-dg de la Cnps commencent le 3 septembre 1999, date où il a été mis aux arrêts pour une affaire des frais de recouvrement des loyers d’immeubles et meubles appartenant à la Cnps. Pierre Désiré Engo va écoper de 15 ans de prison ).
Liberté conditionnelle
M. Engo va se voir décerner un deuxième mandat de détention provisoire pour cette autre accusation qui sera instruite au Tribunal de grande instance du Mfoundi par le magistrat instructeur Pascal Magnaguemabe. Le 26 septembre 2012, suite à la mise en place du Tcs, ce dossier d’accusation de Engo qui porte sur 25 milliards FCfa va être transféré dans cette juridiction pour y être jugé.
L’affaire sera appelée au Tcs en avril 2014. A l’audience du 4 mai 2014, le parquet va solliciter un complément d’informations au procès verbal de Philippe Gérard qui, selon lui, n’indique pas les modalités de l’ordre de paiement des 25 milliards FCfa querellés. Dans la foulée, l’accusation va demander à ce que Engo soit libéré « compte tenu de ce que l’enquête va mettre long ».
En effet, après le décret de février 2014 du président Paul Biya portant remises de peines, Pierre Désiré Engo, lui, n’a pas pu recouvrer la liberté du fait de cette affaire des 25 milliards FCfa qui demeurait pendante au Tcs. La décision des juges de cette juridiction de le libérer suite à la demande formulée par le parquet lui a permis de bénéficier de la mesure du chef de l’Etat.
Toutefois, le Tcs ne lui accordera qu’une liberté conditionnelle en attendant les conclusions du complément d’enquête prescrit. A ce jour, le rapport de cette enquête étant toujours attendu, Engo reste sous surveillance judiciaire avec interdiction de quitter le territoire national. Trois ans après sa libération et après avoir passé 16 ans en prison, la justice ne lâche toujours pas Pierre Désiré Engo. Il est encore attendu devant cette même justice le 11 juillet 2017 dans l’espoir (le énième qu’il va surement fonder) que le rapport tant attendu tombera et qu’il sera enfin fixé sur son sort.
Dans le cas contraire le Tcs a la possibilité de passer outre le rapport de ce complément d’enquête et de juger Engo. Ce qui reviendrait à l’acquitter faute d’éléments de preuve. Mais Jusqu’où le Tcs ne peut-il pas aller dans ce dossier ?