La récompense et la nouvelle sortie de l’artiste Ténor continuent de couler beaucoup d’encre et de salives. Depuis ce weekend, l’artiste se retrouve, malgré lui, au cœur d’une nouvelle polémique. Il est critiqué de gauche à droite. Sa nouvelle sortie ne passe pas. Mais il peut compter sur quelques plumes qui prennent le risque de le défendre. C’est le cas de Wilfried Ekanga qui a produit un texte riche.
TRÉSOR TÉNOR : Canal d’Or ou Cœur d’Or ?
Quand le vent et la tempête descendent enfin, on peut de nouveau regarder le ciel avec lucidité.
« Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre »
« Mais… cela ne signifie pas qu’il a bien fait de pécher »
Un homicide involontaire est différent d’un meurtre (puisque justement il est involontaire). Cela signifie que la personne concernée ne peut et ne doit subir les mêmes lapidations qu’un égorgeur ou autre tueur en série. Cependant, à défaut d’être coupable, on est responsable de ce qui est arrivé. Car si la personne décédée n’avait pas été avec nous au moment de l’accident, elle serait encore en vie (en l’occurrence si l’on n’avait pas roulé à tombeau ouvert en pleine nuit et en état d’ébriété), elle n’aurait pas quitté ce monde.
De ce fait, on tombe sur une deuxième responsabilité : celle du devoir de mémoire, sérieux et absolu, envers la victime et sa famille, loin de l’exhibition et surtout de l’inversion des positions, où l’on se donne au final le rôle de victime. Et il est d’autant plus dangereux de s’y adonner alors qu’un procès est en suspens et que la plaie du drame est encore béante dans le cœur des géniteurs de la (seule vraie) victime. Cela donne une impression de détachement, voire d’arrogance et de je-m’en-foutisme.
Le Cameroun n’a pas besoin de stars mais de modèles ; car les stars ne fleurissent qu’une ou quelques saisons (en particulier le temps de leur jeunesse), tandis que les modèles durent une éternité. Malheureusement, la volonté de demeurer au-devant de la scène coûte que coûte et la peur de tomber aux oubliettes va pousser beaucoup à sortir de leur coquille plus vite qu’il ne le fallait, pensant de ce fait que tout est déjà revenu à la normale.
Or c’est loin d’être le cas ; fichtrement loin !
Il ne s’agit pas d’interdire de vivre à une personne qui n’a pas commis de meurtre à proprement parler, mais surtout de la protéger en l’empêchant d’être coupable d’une faute finalement aussi grave que le meurtre lui-même, à savoir, le mépris subtil et voilé de la mémoire du défunt. En ce sens, si l’on demande une minute de silence et qu’on récolte des applaudissements, il faut recommencer la minute de silence en interdisant tout bruit. Le fait d’applaudir est l’exact contraire de ce qu’on appelle « silence ».
C’est donc un anachronisme total et surtout, il ne fait pas bon d’être la famille éprouvée à ce moment-là. Leur blessure et leur rancoeur n’en est que plus grande.
Car ne nous y trompons pas : le Cameroun est un pays où le crime est célébré. C’est-à-dire que même les vrais assassins, les violeurs, les pédophiles etc… sont souvent assis aux premières loges et reçoivent des récompenses, sous les acclamations du public. Il ne faut donc pas penser que c’est parce qu’on se fait aduler par la foule qu’on devient de facto quelqu’un de bien. La masse est manipulable et regarde plus souvent l’artiste que la personne. Ca s’appelle le déni populaire.
Dans cette situation, la différence entre une star et un modèle est que l’un va surfer sur ces clap-clap et s’oublier dans le tourbillon de fans, tandis que l’autre sait qu’il a le devoir de rappeler à la foule :
« Ce n’est pas moi qu’on doit célébrer aujourd’hui. Au contraire je suis venu exprimer mes regrets les plus profonds et m’excuser de mon imprudence sur le drame dont j’ai été à l’origine. Je promets que j’en ai tiré une grande leçon qui me marquera à vie, et j’en profite pour demander à genoux un pardon solennel aux parents, en plus de l’appel privé que j’ai effectué l’autre jour. Je ne veux pas de prix ; je ne veux pas de Hourras. J’attendrai mon procès et j’accepterai le verdict, quel qu’il soit. Ensuite je vous reviendrai plus fort. »
Ça ne ramène pas les morts à la vie, mais c’est un début de retour. C’est une marque de grandeur indélébile, tant il est vrai que l’humilité précède la gloire. Ça marque les esprits à vie et non pas le temps d’un instant sur la toile. Ça neutralise en amont les polémiques, car mieux qu’un canal d’or, ça démontre que l’on a un cœur d’or.
EKANGA EKANGA CLAUDE WILFRIED
( Et les canal d’or se jettent à la poubelle, les cœurs d’or non )