Lorsqu’on arrive au Cameroun par les grandes villes du sud, Douala ou Yaoundé, on est frappé par l’impressionnant dispositif de lutte contre le terrorisme mis en place par les autorités. Des contrôles de sécurité dans tous les lieux publics et de fréquentes patrouilles policières dans les quartiers. Hormis cela, aucune information ne filtre sur ce qui se passe réellement dans les régions du nord et de l’extrême nord, où sévit la secte terroriste Boko Haram, venue du Nigeria voisin. Cette absence d’information laisse la place à tout type de rumeurs, la plupart alarmistes.
Pendant mon séjour, j’ai parcouru la presse camerounaise, très diversifiée, regardé informations et débats sur de nombreuses chaînes de télévision locales et régionales et écouté plusieurs radios : rien de précis sur la situation dans le nord du pays. Des opinions, mais pas de faits. Aucun reportage, aucun envoyé spécial pour décrire la situation sur le terrain.
Le 11 décembre 2015, alors que je me trouvais à Garoua et que j’apprenais sur les sites Internet de médias occidentaux que la ville de Kolofata venait d’être frappée par un attentat-suicide avec huit morts dont une fillette « kamikaze », au Cameroun, c’était simplement le silence radio. Même la presse du lendemain n’en faisait point mention. Les réseaux sociaux ont donc pris le relais, Facebook en tête. Des images des plus choquantes et dont il est difficile de vérifier la source circulent et alimentent la psychose dans les villes du sud.
Militaires américains
Ainsi, tous ceux qui m’avaient promis, avant mon arrivée au Cameroun, de m’escorter jusqu’à Maroua, voire plus loin dans le nord du pays, se sont désistés à la dernière minute. Un gendarme qui m’avait pourtant garanti sa protection m’a finalement signifié qu’il ne souhaitait pas mettre sa vie en danger et qu’il était insensé de ma part d’entreprendre un tel voyage.
Le gouvernement joue la carte du silence. A Garoua, un matin, les habitants se sont réveillés avec une présence militaire occidentale qu’ils croyaient française et qui était en réalité américaine. Le 14 octobre 2015, les Etats-Unis ont en effet décidé le déploiement de 300 soldats au Cameroun dans le cadre de la lutte contre le groupe islamiste Boko Haram.
Cette présence américaine sur leur sol est accueillie avec joie par les jeunes gens. Plusieurs d’entre eux m’ont confié espérer qu’une base militaire soit construite dans leur ville, ce qui créerait des emplois.
La tentation de la propagande
La dernière et rarissime information gouvernementale au sujet de la lutte contre le terrorisme date du 3 décembre 2015. L’armée camerounaise aurait libéré 900 otages, pour la plupart des jeunes gens enlevés dans des villages reculés, et aurait tué 100 hommes de la nébuleuse islamiste. Là encore, on est obligé de croire, ou plutôt de ne pas croire. Aucune preuve n’a été apportée.
Il faudra attendre près de deux semaines pour que seule la télévision nationale diffuse des images de personnes présentées comme des otages libérés par l’armée camerounaise. Ces images ont été suivies d’un reportage pompeux sur les dons alimentaires envoyés par le chef de l’Etat, Paul Biya, aux populations touchées par le terrorisme. Voilà qui sent la propagande, surtout lorsqu’on sait que le président ne s’est jamais déplacé dans le nord depuis le début des attaques des islamistes nigérians dans son pays.
Malgré tout, moi qui viens de passer deux merveilleuses nuits à Maroua, je peux témoigner du retour, à petit trot, de la sérénité dans cette ville semi-désertique.