Je croyais rêver devant cette scène surréaliste : la jeunesse burkinabé applaudissant le président de la France ! Etait-ce bien cette jeunesse d’avant-garde admirée par les africains, celle- là même qui a obligé la France à exfiltrer Blaise Compaore pour le soustraire à la colère de son peuple, ou était-ce un groupuscule docile trié sur le volet pendant que la jeunesse d’avant-garde était tenue en respect à l’extérieur de l’amphithéâtre Ki Zerbo ?
LA FRANÇAFRIQUE
« Il n’y a plus de politique africaine de la France », a dit M. Macron. Et les jeunes burkinabé ont applaudit. Tintin au Congo, Macron à Ouaga.
La France va donc désormais naviguer à vue dans un continent vital pour elle ? Qui peut croire à un si gros mensonge ?
Peut-être voulait-il dire qu’il a aboli ce qu’on appelle « la Françafrique » ? Il ne le peut pas, à supposer qu’il le veuille. Le banquier qu’il est ne peut ignorer l’existence des ramifications de cette pieuvre « françafricaine » dans les milieux d’affaires et la classe politique en France, ni les énormes intérêts financiers contre lesquels il ne pourra rien, à supposer qu’il ne soit pas à leur service.
Ce n’est pas le gouvernement français qui mettra fin à la Françafrique mais la lutte des peuples africains contre le néo-colonialisme.
CAMP DE THIAROYE
Le Président français Macron a ensuite demandé à la jeunesse burkinabé d'applaudir les soldats français qui se battent en Afrique.
Les africains n’ont pas à le faire car ces soldats se battent pour la France et non pour les africains. Ils se battent pour couper l'herbe sous les pieds des terroristes « islamistes » pour qu'ils ne fondent pas au Mali un " Etat voyou" qui pourrait devenir une base de lancement d'opérations terroristes en Europe, et qui pourraient aussi attaquer les intérêts français en Afrique occidentale. Que le Mali en ait tiré profit incidemment n’y change rien. C’est à Kidal qu’il y aurait des gisements d’or, de pétrole et d’uranium. C’est à Kidal que se trouve l’armée française. Quand M. Macron va inspecter ses troupes à GAO, au Nord Mali, il ne passe même pas à Bamako !
Pourquoi la jeunesse africaine devrait-elle applaudir les soldats français et pas les soldats tchadiens dont les prouesses dans le massif des Ifoghas n’ont pas été assez soulignées ?
Pourquoi les africains devraient-ils applaudir les soldats français se battant soi-disant pour eux, alors que la France a assassiné des soldats africains qui se sont battus pour elle contre les nazis pendant la deuxième guerre mondiale?
Oui. C’était au camp militaire de Thiaroye au Sénégal en 1944. Les soldats sénégalais revenus chez eux à la fin de la guerre demandaient tout simplement que leurs soldes leur soient versées ! En réponse, l’armée française les massacra. M. Macron répondra qu'il n'était pas né. Dérisoire! Le président de la République française ne peut ignorer l'histoire de la France et encore moins se débiner
devant les responsabilités du pays qu’il gouverne. La France n'a pas encore reconnu les massacres du camp de Thiaroye, ni n'en a donc indemnisé les victimes.La France n’a pas changé.
LE FRANC CFA
Ça faisait mal de voir la jeunesse burkinabé applaudir le chef d’un état qui l’affame au quotidien. Oui, la France affame l’Afrique parce qu’elle confisque son argent. Ça c’est officiel ; il faut y ajouter les sociétés françaises qui ne paient pas d’impôt dans les pays où elles gagnent de l’argent, les transferts illimités des profits vers la France, et les évasions fiscales (voir « Paradises Papers »). M. Macron a fait semblant de ne pas comprendre la question du jeune étudiant à propos de l’or de son pays, retenu en France. Le jeune ne savait sans doute pas que l’or n’est plus le garant des monnaies depuis 1973.
Si M. Macron ne sait pas où est caché l’or du Burkina en France, il sait parfaitement où se trouvent 65% (50 % depuis 2005) des réserves burkinabé en devises depuis son indépendance en 1960 et même avant. Ils sont dans un compte d’opération au trésor français ! Est-il prêt à les rendre au Burkina si le président Kabore décide de sortir du franc CFA comme il le lui a malicieusement suggéré ? Ces réserves en devises seraient alors une solide garantie pour une monnaie nationale burkinabé. Imaginez que tous les pays du fameux pré carré effectuent la même démarche. Un cauchemar pour la France !
Quand M. Macron dit, en le pointant du doigt devant sa jeunesse, que si le Président Kabore veut sortir du CFA il est libre, il parle comme le général De Gaulle devant Sékou Touré et le peuple guinéen massé face à eux, en 1958. Et chacun sait tout le mal que de Gaulle a fait à la Guinée après que, le prenant au mot, Sékou Touré choisit l’indépendance de la Guinée plutôt que son adhésion à l’Union française à laquelle De Gaulle, sentant que la domination coloniale ne pouvait plus durer, invitait les anciennes colonies française.
La Guinée résista à la tempête et le franc guinéen, que Sékou Touré avait alors créé, existe toujours. Un autre pays africain, le Mali précisément, avait aussi créé sa monnaie en juillet 1962; elle succomba après quelques années d’existence ; on parla de mauvaise gestion, mais l’innocence de la France dans cette affaire est loin d’être établie. Ce n’est pas par hasard que le Mali retourna tout simplement dans le carcan du CFA en juillet 1984.
La France n’a pas changé. Coloniale elle l’était, coloniale elle reste, mutatis mutandi.
M. Macron peut-il la changer ?