Avec une nostalgie mêlée de délectation, j’ai récemment écouté un camarade s’exprimer au cours d’une émission télévisée diffusée sur une chaîne camerounaise. Cependant, cette chaîne, dont la ligne éditoriale semble dangereusement saper les fondements du vivre-ensemble prôné par tous – mais pratiqué de manière sélective –, apparaît comme un vecteur de division plutôt que d’unité nationale.
Tout en saluant avec respect et déférence la mémoire des pères fondateurs du nationalisme camerounais, dont je suis et demeure un fervent disciple, je ne peux cacher ma gêne face à la récupération opportuniste des propos malencontreux de M. Abel Elimbi Lobe. Il est regrettable de voir ces déclarations instrumentalisées par des individus dont les pratiques sont aux antipodes des idéaux pour lesquels nos héros se sont sacrifiés. Ruben Um Nyobe, Félix-Roland Moumié, Ossendé Afana, Abel Kingué, Ernest Ouandié et tant d’autres combattants de la libération nationale n’étaient pas des tribalistes. Leur lutte ne se limitait pas à une appartenance ethnique ou régionale ; elle était portée par des Camerounais de toutes origines, unis dans un même combat pour l’émancipation.
Or, aujourd’hui, ceux qui prétendent incarner cet héritage révolutionnaire trahissent en réalité ses fondements. Aucun des leaders politiques qui jouent les indignés n’épouse véritablement l’idéal révolutionnaire de nos héros. Ils sont, pour la plupart, membres d’une néo-bourgeoisie compradore, héritière d’un système ayant transformé notre lutte pour la souveraineté en une décolonisation avortée.
Quant à Elimbi Lobe, il apparaît davantage comme un militant identitaire, défendant la cause des communautés autochtones du Littoral face aux spoliations foncières et politiques. S’il est dans son droit de mener ce combat, il a toutefois commis l’erreur de salir le glorieux nom du camarade Émile en l’associant à une démarche qui, fondamentalement, sert des intérêts contraires aux idéaux révolutionnaires de nos martyrs. Ernest Ouandié lui-même n’aurait jamais cautionné une telle déviation.
Mais au-delà de cette polémique, il est crucial de rappeler aux opportunistes qui cherchent à tirer profit de ce dérapage à des fins politiciennes que le peuple camerounais n’est pas dupe. Les disciples sincères de Ouandié savent reconnaître les imposteurs : ces politiciens opportunistes, véritables valets de l’impérialisme international, qui continuent d’orchestrer la prédation du Cameroun. Bien avant d’arriver au pouvoir, ils ont déjà vendu le pays aux forces néocolonialistes, non pas pour l’émancipation des masses laborieuses, mais pour assurer leur propre confort dans la continuité du système qu’ils prétendent combattre.
La véritable lutte pour la souveraineté du Cameroun ne se fera ni dans le tribalisme ni dans la récupération cynique d’un héritage dont beaucoup aujourd’hui ne sont que de pâles caricatures. Elle nécessite une fidélité inébranlable aux principes de nos héros nationaux et une mobilisation sincère pour un avenir affranchi des chaînes du néocolonialisme.