Pour moi, le problème anglophone c’est : ‘’Comment contraindre les gens qui sont en haut à nous rendre compte ?’’ Ainsi posé, on voit que les francophones ne sont pas logés à meilleure enseigne. Les Camerounais occidentaux posent un problème politique, à savoir que seul le fédéralisme peut les sortir de la marginalisation. Le moment a été bien choisi : nous sommes à deux ans de l’élection présidentielle de 2018 ; Paul Biya n’a plus la vigueur de 1982 et dénonce luimême la mauvaise gestion du pays ; il a tout tenté : Décentralisation, Opération Epervier, Tribunal Criminel Spécial, ... Si par exemple la décentralisation était une panacée, pourquoi les maires manifesteraient eux-aussi une mauvaise humeur ?
#PaulBiya Les anglophones ont été élevés dans la décentralisation avec l’Indirect Rule (‘’three-tiers local government’’). Nous les francophones, refusons d’accepter la diversité, pourtant source de richesse. Nous voulons absolument tout centraliser à Yaoundé, tout homogénéiser depuis Yaoundé. Au plan politique, le RDPC qui a verrouillé tout l’espace public camerounais semble avoir atteint son seuil d’incompétence. En témoignent ses multiples conflits internes illustrés par toutes ces réconciliations post-renouvellement des organes de base dont la CRTV assure une recension lassante. Des membres du comité central du RDPC critiquent d’un plateau TV à l’autre l’incurie de leurs camarades de parti. La corruption structurelle, les contraintes prochaines des APE, l’importation de la friperie et de la brocante comme horizon ultime de notre politique économique, le bendskin comme modèle paradigmatique de réussite post-diplôme, tout cela indique à suffisance une espèce d’impasse.
Pistes de sortie de crise
A problème politique, réponse politique : ce qui se passe à Bamenda et à Buea n’est pas une question administrative de maintien de l’ordre, mais une demande éminemment politique. C’est ce que dit subtilement le très réservé Laurent Esso par son énigmatique ‘’Un train peut en cacher un autre’’. La réaction brutale des sécurocrates est une mauvaise réponse à un vrai problème. Quelques pistes possibles de sortie de crise existent : Première piste : Mettre un Camerounais occidental comme président de la République en 2018 C’est l’option la plus facile : le RDPC se réunit pour investir son candidat à l’élection présidentielle de 2018 ; Paul Biya annonce qu’il ne se représente pas et adoube son candidat, un Camerounais occidental.
La machine du RDPC s’ébranle et la ‘’bombe’’ du fédéralisme comme solution à la marginalisation supposée ou réelle des Camerounais occidentaux est désamorcée. Deuxième piste : Instituer l’alternance francophone et anglophone à Etoudi Le RDPC peut régler en son sein l’alternance francophone et anglophone à la présidence de la République, sans modification constitutionnelle, en inscrivant dans ses statuts que son candidat à l’élection présidentielle est alternativement un Camerounais occidental puis un Camerounais oriental.
Ces deux pistes sont des solutions à l’intérieur du RDPC. Paul Biya a les coudées franches pour les mettre en oeuvre car il ne doit rien à personne. Il a reçu, seul, le Cameroun en héritage. Il peut dé-créer tous ceux qu’il a créés. Il n’a pas les mains liées comme son ‘’illustre prédécesseur’’. Ahmadou Ahidjo avait ses compagnons de route pour qui le Cameroun n’était pas mûr pour l’indépendance, et qui ont assassiné ou contribué à assassiner nos patriotes, mais que le maître colon avait décidé de mettre à la tête du pays. Paul Biya n’écrit-il pas dans son livre que l’indépendance ne nous a pas été donnée cadeau ? Le problème est que ne s’étant entouré que de ses propres créatures, Paul Biya n’a pas de contrepoids.
Et comme dit l’adage, le pouvoir absolu… Ahidjo avaient ses compagnons qui pouvaient lui parler : les Fouda André, les Kamé Samuel, les Charles Assalé ; les Moussa Yaya Sarkifada... On raconte que quand Fouda André quittait ses bureaux de l’hôtel de ville de Yaoundé pour aller tancer Ahidjo, il commençait à tonner depuis le ministère de la Justice actuel. Les portes du palais s’ouvraient et Fouda allait directement au bureau d’Ahidjo. A 13 heures, Radio Cameroun publiait le décret réglant ce qui avait provoqué le courroux de Fouda André camer.be. Il y avait donc des instances politiques et des instances techniques que sont les ministres, chargées de la mise en oeuvre des options politiques arrêtées par Ahidjo et ses compagnons et inscrites dans le Plan quinquennal. C’est la raison pour laquelle le père Andzé Tsoungui disait que ce sont les hommes qui font les lois et que ces mêmes hommes peuvent les modifier ! Et quand un fonctionnaire voulait se présenter à une élection quelconque, il commençait par solliciter une mise en disponibilité couvrant la durée de son mandat.
Mais voilà qu’en bon fonctionnaire, Paul Biya a ‘’fonctionnarisé’’ la politique avec les fonctionnaires décrétés politiciens, ce qui a permis aux ‘’fonctionnaires’’ qui contrôlaient déjà la bureaucratie d’État de s’emparer de la politique, créant ainsi les conditions de ce que Mesanga Nyamding appelle le coup d’État scientifique de la technostructure administrative. Car, un fonctionnaire est un exécutant qui applique les règles, les normes et les procédures auxquelles les politiques sont parvenus. Il est juge de la légalité, pas de l’opportunité. En hissant les clercs au rang de politiciens, Paul Biya coupe le lien avec la base. Alors, ses créatures se permettent tout, à condition de justifier leurs forfaitures comme contribuant à le maintenir à Etoudi. Conséquence, les fonctionnaires, ces préposés aux écritures, s’en donnent à coeur joie : ils sont à la fois fonctionnaires, commerçants, entrepreneurs, importateurs, exportateurs, prestataires de services dans leurs propres administrations.
Les fonctionnaires se sont institués juges et parties, et sombrent de délits d’initiés en conflits d’intérêts. Troisième piste de sortie de crise : Supprimer le sénat et créer un poste de vice-président avec option de continuer le mandat en cours L’absence de visibilité de l’après-Biya est une préoccupation partagée. C’est l’occasion pour lui de faire d’une pierre plusieurs coups : modifier la constitution pour supprimer le sénat, introduire le poste de vice-président qui soit un Camerounais occidental, solliciter un dernier mandat en 2018 et une fois élu, démissionner pour laisser son vice-président continuer ledit mandat.
Autres pistes possibles de sortie de crise
L’accession d’un Camerounais occidental à la présidence de la République serait une vraie rupture, même comme le chantier est vaste, par exemple:
Supprimer les fonctions de gouverneur de région nommé et les remplacer par le président de région élu. Le préfet, dépositaire de l’autorité de l’État, représente déjà le président de la République, le Premier Ministre et tous les ministres. Le gouverneur a les mêmes prérogatives, ce qui en fait un superpréfet dispendieux et inutile. Supprimer les fonctions de sous-préfets nommés et les remplacer par des maires élus. Certes, certains maires ne savent même pas que l’État fonctionne sur la base des procédures et n’en font qu’à leurs têtes, mais c’est gérable puisque le préfet garantit la légalité. Supprimer le Sénat et affecter les ressources y relatives à la région. On dit qu’au Sénégal Macky Sall a supprimé le sénat pour financer la plus grande centrale d’énergie solaire en Afrique au Sud du Sahara. En fait, il s’agit de renforcer l’État au ras-du-sol en réduisant les fonctions qui concentrent les énergies et les ressources à Yaoundé et assèchent l’arrière-pays. Les grands commis d’État ne seront pas au chômage car ils viendront animer la vie locale, ce qui décongestionnera Yaoundé où on trouve parfois des classes de trois à quatre enseignants alors que dans l’arrière-pays on a des écoles à cycle complet avec seulement deux à trois enseignants qualifiés. Réduire les prérogatives exorbitantes des fonctionnaires qui sont juges et parties. Instituer les candidatures indépendantes à toutes les fonctions électives : conseiller municipal, maire, député, président de région, président de la République. La question posée lors de la Tripartite avait été soutenue par feu le Ministre d’État Kwayeb Enoch. Juriste de renom camer.be, il estimait qu’il était anticonstitutionnel d’obliger les citoyens à ne s’exprimer que dans le cadre d’un parti politique alors que la constitution garantit la liberté d’expression. Les partis politiques d’opposition s’étaient alliés au RDPC pour combattre cette idée. En conséquence, n’importe quel troubadour peut composer avec sa femme et ses enfants la liste des membres de l’organe dirigeant de son parti politique et obtenir l’autorisation du ministre de l’Administration territoriale, ce qui donne des personnages fantasques comme le premier TRIUMVIR Essaka ! Instituer la majorité électorale à 18 ans. Cette autre demande avait été formulée à la Tripartite, mais farouchement combattue, ce qui avait valu ce commentaire sarcastique du Cardinal Tumi : ‘’Donc, vous estimez qu’à 18 ans un Camerounais est mûr pour être condamné à mort, mais qu’il n’est pas mûr pour voter !’’. Où sont les hommes et les femmes pour la relève?
Au sein du RDPC comme hors de ce parti dominant, les ‘’ressources humaines’’ provenant du Cameroun occidental ne manquent pas. Nous avons de très brillants Camerounais occidentaux qui peuvent tenir le destin du Cameroun dans leurs mains. Anglophonie et francophonie Pourquoi nous autres francophones, sommes-nous plus royalistes que le roi ? Ne diton pas qu’à la Sorbonne on voit des Français de France soutenir des thèses universitaires en anglais aves des abstracts en français ?
Au lieu de vouloir franciser toujours plus les anglophones, pourquoi nous ne pouvons pas angliciser le Cameroun tout entier ? Nos frères Camerounais occidentaux demandent le fédéralisme comme solution à leur marginalisation. Si un anglophone est président de la République, le Cameroun va-t-il tomber ? Nous devrions revisiter
notre histoire. Le Cameroun n’est pas né en 1961. Nous autres du Grassfieldsland savons qu’avant l’arrivée des Allemands, quand un nouveau Fo (Fon) accédait au trône, il devait au cours de son règne faire le pèlerinage initiatique de Mantoum et de Kom où il recevait l’initiation ultime. Quand les Camerounais orientaux ont commencé à être persécutés par les colons français, c’est à Kumba, Mamfé, Buea, Bamenda qu’ils trouvaient refuge.
D’ailleurs, les Ndé Tumaza n’avaient-ils pas rebaptisé l’UPC du nom de ‘’One Cameroon’’ (OK) ? J’ajouterai deux petites choses : sécuriser Paul Biya en l’exemptant de toutes poursuites judiciaires pour le reste de sa vie et régler le sort des nos frères en diaspora. Si nous voulons un pays stable, il nous faut renoncer à tout règlement de comptes et opter pour l’intersubjectivité villageoise (la volonté d’être ensemble malgré les conflits). Parole de l’orphelin d’un père membre fondateur du Kumzsë (assemblée traditionnelle bamiléké), militant de l’UPC/OK (Union des Populations du Cameroun/One Kamerun) et du KNDP !