Opinions of Thursday, 25 November 2021

Auteur: Luc Perry Wandji

Un journaliste de la CRTV à propos du livre de Libii: 'il n'est pas assez ambitieux à mon goût'

La couverture du livre de Cabral La couverture du livre de Cabral

Dans une tribune publiée ce jeudi 25 novembre 2021, Luc Perry Wandji, journaliste à la CRTV donne son point de vue sur le livre "Le fédéralisme communautaire" de l’honorable Cabral Libii, président du PCRN. Pour l’homme des médias, écrire ce livre demande un sacré courage, mais Cabral Libii aurait péché au niveau de la "fétichisation du fait ethnique et communautaire" au Cameroun.

Ci-dessous, la tribune de Luc Perry Wandji

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"Je n'ai pas encore lu son livre. Mais, j'ai écouté le président du PCRN dans une interview, plutôt bien menée, par Hyppolite Sylvestre Zangawou, sur Radio Audace, relayée sur la toile.

Il faut saluer l'effort de réflexion de M. Libii sur cette question délicate. Par les temps qui courent, il faut du courage pour adresser une problématique aussi fine. Il l'a fait. Je l'en félicite.

Mais, disons-le tout de suite; et sans détour : il se plante. Manifestement.

Pour la définition qu'il en donne, le fédéralisme communautaire ressemble à s'y méprendre, à une consécration des tribus et des ethnies, en tant que telles.

Le péché originel du fédéralisme communautaire, c'est la "fétichisation du fait ethnique et communautaire".

Libii parle de l'ethnie et de la communauté (la nuance entre ces deux notions est mince, même s'il s'obstine à la consacrer) comme des choses. Un horizon indépassable.

Il en parle comme de choses données, immuables, et fixées ; alors que précisément elles ne doivent être vues que comme des construits permanents. Une matière première. À transformer…

Si la perception communautaire, et l'idée d'appartenance, sont construites, elles sont donc dépassables !

Il existe bien d'autres horizons à la construction des formes de socialité et de citoyenneté nourries à la mamelle de tribu ou des communautés.
Le problème du fédéralisme communautaire, c'est qu'il érige les identités primaires, en finalité de l'identité nationale.

Or, les identités premières ne sont pas faites pour se constituer en finalité du roman national. Elles peuvent tout au plus en être l'une des sèves, celle que l'on adossé à l'utopie, pour créer du neuf.
Et, en ce qui concerne le Cameroun, les identités premières, du fait de l'histoire, et de la conjoncture politique, ont tendance à toujours nous cloîtrer; et n'organise pas assez les conditions d'un festin national, plus englobant et innovant, au plan identitaire et des appartenances.
Il ne campe pas le décor d'une nation suffisamment formé, pour répondre aux défis d'une société mondiale imbriquée, métissée, et d'un panafricanisme d'inclusion.

Le Cameroun moderne doit se penser comme un monde à miniature. Tel devrait être notre idéal.

Pour l'idée que je m'en fais, au moment où je couche ces mots, le fédéralisme communautaire n'est pas assez ambitieux, à mon goût. Il lui manque le coup d'éclat et l'étincelle de génie qui permettent d'inventer le futur autrement, et d'inaugurer des passerelles, en vue d'une rencontre conviviale et pacifiée des peuples du Cameroun.

Pour tout dire, le fédéralisme communautaire est une régression. Elle ne peut pas introduire le Cameroun dans sa modernité.

Parce que la modernité du Cameroun, c'est d'inventer une Ethnie nationale, à partir d'un matériau neuf qui ne nie pas les ethnies, mais les dépasse".