Opinions of Friday, 19 June 2015

Auteur: Marius Teussido

Unite nationale, une histoire d’interêts

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A l’origine, la réunification au Cameroun a été construite sur des bases fortement hypocrites. Les trois principaux acteurs historiques de ce processus n’ont véritablement pas posé les jalons de cette unité. Contrairement à ce que l’histoire nous a longtemps enseigné, Ils étaient tous confinés dans leurs intérêts égoïstes.

En réalité, leur souci ne résidait pas dans le désir de voir les peuples unis, mais surtout de pouvoir tirer un profit personnel d’une apparente unité. C’est ce qui explique les postures à la fois incohérentes et égoïstes qui ont caractérisé ces grandes figures de l’histoire.

AMADOU AHIDJO

Amadou Ahidjo, dans une appétence démesurée du pouvoir voulait absolument étendre son autocratie jusqu’au southern cameroun. Pour le parvenir, il fallut d’abord l’unification du premier octobre 1961, ensuite la réunification du 20 mai 1972 où le président Ahidjo joua un rôle capitale.

En véritable stratège politique, il usa de tact, de sagacité, de manipulation, et même de la violence pour persuader ses adversaires. En 1958, il fait tomber le gouvernement D’André Marie Mbida en démissionnant avec la totalité des ministres du grand NORD.

Il le remplaça ainsi à la tête de ce gouvernement en février de la même année. Mais ce qui est paradoxale, c’est que le même Ahidjo confisquera la victoire du PDC dans le Nyong et Sanaga, aux législatives de 1964 sous le fallacieux prétexte de l’unité nationale et du parti unique en gestation.

De plus, il ne faut pas omettre, que le président Ahidjo, grâce au soutien monumental de l’armée française, mènera une guerre sans merci contre les rebellions Bamilékés et Bassa de l’UPC. Ainsi il parvenait à réduire substantiellement l’activité insurrectionnelle de l’UPC.

NJOHN NGU FONCHA

Il est le tout premier ministre du Cameroun occidental, lorsque cette partie se réunifie avec l’ex Cameroun français pour former la république fédérale du Cameroun indépendant en octobre 1961. Njohn Ngu Foncha sera l’un des acteurs majeurs de ce processus d’unification.

En 1966, il verra son parti, le Kamerun National Democratic Party (KNDP) être phagocyté par l’UNC d’un certain Ahidjo, ce qui sonnera la fin du multipartisme.

En 1970, il commença à révéler sa volte -face et surtout son incohérence, notamment, lorsque Ahidjo le remplaçait au poste de vice-président du parti. La désillusion était tellement si grande pour lui, qu’il se retira de la vie politique pendant un moment.

Cette retraite ne dura pas pour longtemps puisqu’on lui retrouva au milieu des années 70, très proche des mouvements sécessionnistes du SCNC qui prônent un état indépendant.

Il conduira même en 1994, cette délégation du SCNC à l’ONU pour demander plus d’autonomie pour les provinces anglophones. Ce qui était plutôt étrange pour une personne qui, hier, était du côté de l’unification.

SALOMON TANDENG MUNA

Celui qui fût premier ministre du Cameroun anglophone de 1968 à 1972 aura aussi marqué d’une pierre angulaire le processus d’unification. Comme tous les deux autres, il ne sera pas épargné des batailles purement égoïstes.

En effet, après la réunification cet ancien instituteur trônera à la présidence de l’assemblé nationale pendant 20 ans. Cette longévité sera assimilée par beaucoup comme un accord secret de la réunification.

Cette incohérence historique est l’une des raisons pour laquelle notre unité nationale patauge. Nous ne lui avons pas insufflé assez d’énergie. Elle ne repose pas sur un véritable travail socio- anthropologique.

On s’est contenté d’organiser des réunions et conférences politiques où l’objet de l’unité a été pratiquement relégué au second plan. C’est pourquoi, on se retrouve aujourd’hui avec une unité qui se traduit uniquement dans les symboles et dans la construction des édifices. Nous n’y croyons vraiment pas à son intériorisation par le peuple.

Voilà ce qui explique qu’au moindre balbutiement, on parle de menace à la stabilité du pays. Notre unité est encore un vaste chantier d’une extrême fragilité et qui tient à peine sur des béquilles.

Le Cameroun est aujourd’hui coincé dans un tragique face à face entre d’un côté l’autopessimisme d’une majorité extrêmement pauvre et de l’autre le cynisme d’une oligarchie insolente et condescendante.

Les uns dans leur misérabilisme ambiant postulent pour le chaos. Tandis que les autres dans leur opulence fracassante entendent sauvegarder leurs intérêts. A partir de là, on comprend bien que l’intérêt général n’est pas la chose la mieux partagée au Cameroun, car les gens restent profondément attachés à leurs intérêts égoïstes et ne pensent qu’à la nation que lorsque leurs avantages semblent menacés.

Beaucoup utilisent l’étiquette « Cameroun » pour avancer leur agenda personnel. Le président Biya a vite compris ces jeux d’intérêts, c’est pourquoi il a inventé l’équilibre régional pour canaliser certains dans leurs revendications.

Même lorsqu’on parle de l’effort de guerre, la contribution la plus spectaculaire provient encore de la poignée d’individu qui tire leur épingle du jeu de ce système. L’objectif étant de pérenniser le système, de le sauver d’une éventuelle chute dans l’optique de continuer à se servir. En revanche, la participation de la majorité essentiellement pauvre est infinitésimale.

Ce qui paraît plutôt logique pour cette strate de la population pour qui la vie au quotidien se résume en un véritable parcourt de combattant.

La marche du 28 février organisée en guise de soutien à nos soldats a aussi révélé une autre forme de patriotisme que j’appellerai, le patriotisme alimentaire. Pour un même soutien à nos forces de défenses, on a eu droit une panoplie de manifestations disparates, les unes aussi suspectes que les autres.

Ainsi Luc Perry Wandji a bien raison lorsqu’il affirme qu’au Cameroun, le patriotisme vrai est fatalement otage de l’affairisme ambiant d’acteurs véreux, du conflictualisme imbécile des forces alternatives, mais surtout du totalitarisme pervers, arbitraire et criminelle de l’oligarchie de Yaoundé. Dans le même sillage, le patriotisme est un acte spontané.

Il ne découle pas des calculs politiciens ou des motivations suspectes. C’est un dévouement inconditionnel pour sa patrie.

In fine, pour être crédible, l’unité nationale au Cameroun doit s’exprimer au-delà des symboles. Elle doit se traduire dans les faits de la vie de tous les jours.