Opinions of Tuesday, 11 August 2015

Auteur: Michel Biem Tong

Vers une plainte contre l’Agence française pour le développement?

Sollicitée par l’Ong Comité de libération des prisonniers politiques au Cameroun (Cl2P) pour une audience aux fins d’assister l’ancien ministre des Travaux publics et député dans une procédure auprès des instances judiciaires camerounaise et internationale après sa condamnation à vie en juin dernier par le Tribunal criminel spécial à Yaoundé, l’Agence française pour le développement (Afd), principal bailleur de fonds du projet de réhabilitation du pont sur le Wouri, brille par un mutisme et un ponce-pilatisme qui date d’ailleurs du déclenchement de l’affaire dite « Ambassa Zang » en 2009.

Dieudonné Ambassa Zang est accusé par l’Etat du Cameroun du détournement de près de 5 milliards de F Cfa mis à la disposition du Cameroun par l’Afd pour la réfection du pont du Wouri. L’Ong entend se constituer partie civile en cas de poursuites judiciaires de M.Ambassa Zang contre l’Afd au cas où son silence persiste.

Nouveau rebondissement dans l’affaire Dieudonné Ambassa Zang. Du moins hors des palais de justice. L’ancien ministre des Travaux publics (24 août 2002-8 décembre 2004) et ancien député (22 juillet 2007-7 août 2009), réfugié politique en France depuis 2010, a été condamné à vie par contumace le 18 juin 2015 par le Tribunal criminel spécial (Tcs) anti-corruption du Cameroun pour des malversations financières de l’ordre de 5 820 645 438 F CFA dont 4 891 407 226 F CFA mise à la disposition du Cameroun par l’Agence française pour le développement (Afd) pour le financement du marché de réhabilitation du pont sur le Wouri (Douala).


Dans une correspondance datée du 25 juin dernier et adressée à l’Afd, l’Ong française Comité de libération des prisonniers politiques au Cameroun a sollicité une audience auprès de l’Afd en vue de« voir de manière concertée avec l’afd les dispositionsmatérielles pouvant alléger la charge financière liée aux différentes procédures engagées par M.Dieudonné Ambassa Zang pour recouvrer ses droits et son honneur bafoués au Cameroun ».

La correspondance signée du président du CL2P, Joël Didier Engo, indique par la suite que « l’échec de la solution concertée obligera inévitablement son avocat Me Charles Achakele Taku à recourir à toute voie de justice pouvant permettre à son client d’obtenir réparation du préjudice moral et matériel consécutif à l’indifférence coupable de l’afd dans la condamnation à vie par contumace puis l’exil de son client en France ». Traduction en français, Ambassa Zang entend porter plainte à l’international à l’afd pour son mutisme dans l’affaire Ambassa Zang.

Le « niet » de l’Afd

En guise de réponse à ce qu’elle qualifie de « menace » à son encontre, l’Afd, fait savoir (voir ci-dessous l’accusé de reception du 30 juillet 2015) qu’elle n’entend pas accéder à la demande du Comité et promet d’ailleurs une action en justice en cas de diffamation. Dans une autre correspondance datée du 3 août 2015 , le Cl2p revient à la charge en soulignant que :

« Placé devant la fin de non recevoir formelle de l’Agence Française de Développement (AFD), il appartient désormais à M. Dieudonné Ambassa Zang et uniquement à lui seul, d’apprécier de la suite qu’il veut lui donner; même si rien absolument rien sur un plan juridique – y compris les menaces et les intimidations déguisées – n’interdira à une organisation de la société civile comme la nôtre de se porter partie civile à tout procès éventuel en France ou à l’étranger ».

De façon plus concrète, l’Ong française Cl2p attend de l’Agence française pour le développement notamment de sa direction générale, qu’elle s’engage plus activement, à l’instar du fonds mondial sur le dossier Olanguena, lors du procès en appel de l’Affaire Ambassa Zang devant la cour suprême du Cameroun et qu’elle envisage toutes les formes d’aides, notamment financières, dans le cadre des différentes procédures, notamment devant les instances internationales. Mais l’Afd reste de marbre face à ces nombreuses sollicitations.

Pourtant, en janvier 2014, la directrice générale de l’Afd avait transmis une lettre à l’Union interparlementaire (organisation internationale qui défend les droits des parlementaires dans le monde) dans laquelle elle disait n’avoir formulé aucune plainte à l’encontre du ministre camerounais pour de malversations financière dans le projet de réhabilitation du pont sur le Wouri financé par elle. Mais la correspondance n’a pas été transmise à M. Dieudonné Ambassa Zang.

La loi de blocage

Après la levée de son immunité parlementaire le 7 août 2009, se trouvant en France, l’ancien député camerounais tout comme son conseil Me Eba’a Manga ont tenté en vain d’obtenir de l’Afd certains documents devant permettre au réfugié politique d’asseoir sa défense devant la justice camerounaise. A leur demande, l’Agence a opposé la loi de blocage 68-­678 du 26 juillet 1968.


Cette loi « interdit à toute personne de demander, de rechercher ou de communiquer, par écrit, oralement ou sous toute autre forme, des documents ou renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique tendant à la constitution de preuves en vue de procédures judiciaires ou administratives étrangères ou dans le cadre de celles­-ci ».

En guise de rappel, dans son ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi du 9 juin 2014, le juge d’instruction près le TCS, Jérôme Kouabou, reproche à l’ancien ministre des Travaux publics, concernant l’affaire de la réhabilitation du pont sur le Wouri, d’avoir « par collusion et manœuvres frauduleuses…attribué de gré à gré en 2003 à l’entreprise Udecto, une Pme togolaise en déconfiture et en période suspecte de faillite, ne présentant pas de garanties techniques suffisantes…le marché de réhabilitation du pont sur le Wouri ».

Pourtant ce marché, du reste autorisé par le Premier Ministre, a reçu des avis de non-objection de l’Agence française pour le développement (voir lettre ci-dessous), bailleur de fonds du projet. D’autres organismes français tels que le SETRA (Bureau d’Études du Ministère Français de l’Équipement) et la société Egis oute scetautoroute auprès de laquelle le Cl2p a entrepris une démarche similaire à celle vis-à-vis de l’Afd, ont été des acteurs-clés dans la passation de ce marché.