Opinions of Monday, 29 January 2018

Auteur: Vincent Sosthène Fouda

Vincent Fouda tacle sévèrement Patrice Nganang

Patrice Nganang a été expulsé  après sa libération en décembre dernier Patrice Nganang a été expulsé après sa libération en décembre dernier

La banalisation du mal par le vocabulaire énigmatique d’une part et ordurier d’autre part ! Voilà ce qui nous est servi sur la place publique. Qui mieux que Hannah Arendt a compris la banalisation du mal ? Elle qui couvrit de bout en bout le procès de Eichmann à Jérusalem ? Le mal véhiculé par le discours de Nganang et de Mathias Eric Owona Nguini n’est pas seulement le mal radical dont parle Kant et qui est la subordination de la raison aux passions.

Nous avons en face de nous deux produits du système éducatif camerounais qui vivent et se revendiquent membres de cette communauté de gens ordinaires de la société camerounaise. Nous pouvons d’ailleurs le voir dans la réception qui est faite de leurs « textes, de leurs injures et insultes » dans l’espace public. Chacun prend ce qui lui convient, comme des supporters des équipes de football, les gradins sont partagés.

Ceux et celles qui accueillent les écrits, le regard, le gestuel de Nganang et de Owona Nguini comme eux, je veux dire comme nous, ils leurs ressemblent, nous leurs ressemblons, « ni pervers, ni sadiques » pour reprendre l’expression de Hannah Arendt, nous sommes « effroyablement normaux ».

Voilà le danger de la banalité du mal ! Car ce discours, ces mots, ces gestes qui font corps avec nous déconstruisent notre personnalité morale, ils entraînent l’individu à perdre toute référence individuelle aux notions de « bien » et de « mal ». Ce qu’on nous impose comme vocabulaire, comme crimes sur la place publique, l’exposition de la nudité, le viol, le massacre, l’humiliation du corps et de la mémoire historique, la perversion de la mémoire historienne, effacent en nous toute moralité. Nos deux protagonistes et leurs fans clubs ne sont plus eux-mêmes capables de regarder leurs sujets d’expérimentations que nous sommes devenus au fil du temps comme des êtres qui leurs ressemblent.

Oui nous ne sommes plus leurs semblables. C’est ce qu’exprime Primo Levi dans le recueil fort admirable dans lequel il rapporte l’horreur de la déportation : Si c’est un homme ! Comment peut-on traiter l’autre de « viande dans la sauce bien pimentée ! » comment traiter l’autre de « wolwoss de la République à l’utérus en pleine putréfaction ! » là est la banalisation du mal. Voilà où réside le danger ! Oui notre silence, que produira-t-il demain ?

Au bout du petit matin dira Césaire encore et toujours actuel « ici la parade des risibles et scrofuleux bubons, les poutures de microbes très étranges, les poisons sans alexitère connu, les sanies de plaies bien antiques, les fermentations imprévisibles d’espèces putrescibles. » et par notre silence, notre complicité retrouvée, nous pouvons dire que ce pays est calme, tranquille, disant que l’esprit de Dieu est dans ses actes.