Opinions of Friday, 19 May 2023

Auteur: Jean-Paul Pougala

'Voici comment la France a piégé Amadou Ahidjo d’abord et Paul Biya ensuite'

Ahidjo et Biya Ahidjo et Biya

Question : Pourquoi un dirigeant africain accepte-t’il sans réagir la prédation systémique du Franc CFA ?

Réponse : Parce qu’il n’a aucune idée du mécanisme de construction d’une telle prédation que je vais vous expliquer maintenant.

Le mode opératoire est connu d’avance : inciter les présidents naïfs africains à mettre la charrue avant les bœufs.

Au Cameroun, les conseillers français ont fait croire à la partie camerounaise qu’il suffisait de créer autant d’entreprises publiques qu’on le désirait, sur un bout de papier, sans se préoccuper de leurs capacités à vivre et à résister à la force du marché.

Dépourvus de capacités en Intelligence Economique et Stratégique et ne possédant aucune notion de Guerre Economique, le premier président du Cameroun s’est facilement laissé berner par la France, qui lui a fait croire l’impossible.
Prenons l’exemple de la compagnie aérienne, dénommée Cameroon Airlines qui faisait la fierté de tout un pays.

Oui, mais juste parce que c’est tout le pays qui était naïf, crédule, pour ne pas comprendre que dans l’ordre des priorités, ni en 1971 à sa création, ni aujourd’hui en 2022, le Cameroun n’a besoin d’une compagnie aérienne publique, tout simplement parce que non seulement il n’en a pas les moyens, mais aussi parce qu’il n’a pas les experts nationaux en Guerre Economique pour faire durer une telle compagnie et la rendre économiquement tenable, viable.

Pire, il y a des priorités plus vitales que satisfaire le caprice de quelques bourgeois camerounais qui ne veulent pas voyager par bateau pour aller prendre le vol pour Londres ou Paris depuis Lagos, au Nigeria voisin.

En 2022, même le nom de la nouvelle compagnie aérienne qui a succédé à l’ancienne, Camairco, montre que la compagnie n’a pas des gens compétents pour mener la moindre bataille même de l’image pour ne pas comprendre le grand gâchis de recourir à un tel nom au lieu même de profiter du nom Cameroun.
En Belgique, Sabena a laissé la place à Brussels, pour profiter de la publicité du nom de la capitale belge.

En suisse, Swissair a laissé la place à Swiss, là aussi, on veut profiter du nom du pays. En Italie, Alitalia a laissé la place à Ita, reprenant les 3 lettres qui symbolisent le pays.

Et Camairco rime avec quoi ? Ca doit rappeler quoi au client ?
Aujourd’hui, aucune compagnie aérienne qui va à l’international n’est rentable sans alliance.

Quelles sont les alliances de Camairco ? Comment compense-t-elle les mauvais chiffres de la saison basse ?

La vérité est que nous sommes devant un trou financier permanent et il n’existe aucun économiste qui peut prétendre avoir la baguette magique pour sauver une telle compagnie, car ce sont ses fondements mêmes qui ne sont pas solides depuis 1971 et qui font qu’elle ne peut pas tenir debout de façon stable, même en 2022.
Par conséquent, celui qui nous a prêté l’argent en 1971, pour nous endetter et créer Cameroon Airlines, savait depuis l’origine qu’il ne s’agissait en fait que d’un puits sans fond, d’un trou financier qu’il aurait fallu combler pendant des années, contribuant de fait ainsi non seulement à appauvrir l’Etat du Cameroun, mais aussi à le priver de la force de négociation avec ses bailleurs de fonds français et européens.

C’est comme cela qu’un pays soi-disant indépendant en 1960, en moins de 11 ans est déjà totalement mis sous la dépendance financière de la France dont il croyait s’être libéré.

L’avion, le train ou la route ne tiennent debout sur le long terme que s’il y a une activité économique intense qui le finance de façon autonome. L’économie de rente coloniale tournée vers l’extérieur ne pourra jamais faire émerger les ressources nécessaires pour financer un tel train de vie d’un Etat normal.

Je viens de prendre l’exemple d’un seul cas, celui de la compagnie aérienne non viable qui devient un gouffre financier permanent aspirant et déviant vers le nul, le peu de ressources à la disposition de l’état qui par conséquent ne peut pas assurer son rôle républicain de pourvoyeur des services de base comme l’eau potable, l’électricité, l’école et la santé pour tous.
(...)