Comme si la crise dite anglophone ne suffisait pas. Comme si la lutte contre Boko Haram avait déjà été gagnée. Comme si la situation à la frontière avec la République Centrafricaine ne constituait plus une source d’inquiétudes, les Camerounais s’amusent à se faire peur en faisant courir les rumeurs les plus folles sur l’état de santé de leur président. Certains vont plus loin en annonçant sa mort, qui serait survenue à l’étranger. Que l’on soit partisan de Paul Biya ou pas, il n’est jamais sain de souhaiter la mort d’autrui ou de colporter des rumeurs sur sa mort. La mort est le passage obligé que nous finirons tous par emprunter tôt ou tard. En laissant derrière nous des personnes aux yeux desquelles nous étions un être cher. Ces dernières années, annoncer la mort de gens avant l’heure est devenue une tendance lourde. Des anonymes aux personnes connues comme Pierre de Moussy, Guy Lobe…… Chacun.e a eu droit à son traitement de faveur en la matière. Au-delà de cette dérive sociétale, il y a l’attitude des autorités camerounaises.
L’on ne peut donc pas dire que les autorités camerounaises, outre le démenti traditionnel par voie de communiqué de presse, auquel les Camerounais n’accordent que très peu de crédit, sont dépourvues de moyen de riposte face aux fake news.
Lutter contre les fake news
Une rumeur sur la mort du président Paul Biya avait déjà circulé en juin 2004. Le site internet African Independent et le bouche à oreille avaient entretenu les ragots pendant des jours. Quelques années plus tôt (1997), le quotidien Le Messager, avait évoqué dans ses colonnes un malaise cardiaque du locataire du Palais d’Etoudi lors de la finale de la Coupe du Cameroun de football masculin. A l’époque, le gouvernement avait poursuivi en justice et condamné à la prison ferme le directeur de publication du journal, le défunt Pius Njawé. L’on ne peut donc pas dire que les autorités camerounaises, outre le démenti traditionnel par voie de communiqué de presse, auquel les Camerounais n’accordent que très peu de crédit, sont dépourvues de moyen de riposte face aux fake news. Pourtant elles donnent l’impression désagréable de ne pas être équipées pour rassurer les Camerounais sur l’état de santé de leur président. Et d’attendre que le « fantôme » d’Étoudi fasse son « retour triomphal » quand bon lui semblera. L’éventuelle formule qu’il lancerait à l’occasion serait largement commentée et occuperait ainsi l’esprit et les conversations des Camerounais durant de nombreux jours. Tout cela dans le contexte d’un calendrier électoral historique pour le Cameroun, puisque 4 scrutins s’y tiennent cette année : municipales, législatives, présidentielle et sénatoriales. Le président Biya ayant promis récemment encore l’accélération de la décentralisation pour « le parachèvement de la mise en oeuvre des institutions prévues par la constitution », il n’est pas exclu que le total de ces scrutins s’élève à 5. Cinquante milliards de francs CFA (76 923 077 euros ) ont d’ores et déjà été mobilisés, pour permettre à ELECAM (Élections Cameroon), d’accomplir sa « noble mission électorale ». Le grand absent de cette photo de famille, c’est l’opposition camerounaise.
Le plus inquiétant c’est de s’imaginer que si le président Biya venait à effectivement mourir dans l’exercice de ses fonctions, son décès pourrait être caché aux Camerounais et à la classe politique camerounaise aussi longtemps que la famille et l’administration présidentielle le voudront.
Si Paul Biya venait à mourir
Les politicien.ne.s camerounais.e.s ne jurent que par l’élection présidentielle. Comme s’ils faisaient l’impasse sur toutes les autres échéances électorales, ou alors les considéraient comme des scrutins mineurs. Ils ne vivent que pour ce rendez-vous septennal. C’est du moins l’impression qu’ils/elles donnent. Sauf que dans leur rapport à la fonction présidentielle, ils semblent subir les événements plus qu’autre chose. À chaque élection, l’impression qu’ils dégagent est celle d’une volonté de dégagisme sous la forme exclusive du pousse-toi de là que je m’y mette. Une volonté masquée à chaque fois par le pseudo-principe selon lequel si leur programme est dévoilé longtemps avant les élections, il sera copié par les concurrent(e)s. Comme si les Camerounais n’étaient pas capables de faire la part des choses entre les créateurs et ceux qui les plagient. C’est dire toute l’estime dans laquelle ils tiennent les électeurs dont ils sollicitent le suffrage.
À ce jeu-là, le RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais), ne fait pas mieux que ses rivaux de l’opposition. Son candidat « naturel » est pourtant aux affaires depuis un peu plus de trois décennies. Le plus inquiétant c’est de s’imaginer que si le président Biya venait à effectivement mourir dans l’exercice de ses fonctions, son décès pourrait être caché aux Camerounais et à la classe politique camerounaise aussi longtemps que la famille et l’administration présidentielle le voudront. Cette situation est inacceptable. Y compris au Cameroun.
Paul Biya a servi le Cameroun à sa manière. L’histoire se prononcera sur cette manière. À l’âge qui est le sien, il peut prendre sa retraite politique ou s’éteindre à n’importe quel moment. Les institutions camerounaises et l’opposition camerounaise doivent se tenir prêtes à faire face à cette éventualité.
Paul Biya a servi le Cameroun
Loin de demander aux opposants de présenter un candidat unique lors de la présidentielle ou d’organiser des primaires (qui n’ont pas que des vertus), l’urgence est de définir un statut de leader de l’opposition. Vu que les communiqués de la Présidence ne parviennent pas à dissiper les doutes sur l’état de santé ou la mort éventuelle du président de la République, le/la leader de l’opposition pourrait être associé.e au processus de constat de la vacance du pouvoir. Ses pairs pourraient ainsi lui déléguer le pouvoir d’exiger une rencontre, en présence d’un pool de journalistes, avec le président en exercice. Notamment quand celui-ci se trouve à l’étranger et que son absence prolongée fait courir des rumeurs persistantes. Paul Biya a servi le Cameroun à sa manière. L’histoire se prononcera sur cette manière.
À l’âge qui est le sien, il peut prendre sa retraite politique ou s’éteindre à n’importe quel moment. Les institutions camerounaises et l’opposition camerounaise doivent se tenir prêtes à faire face à cette éventualité. Pas uniquement pour remplacer un homme, mais aussi et surtout pour assurer la continuité de l’État. Pour que les engagements pris sous la présidence de Paul Biya soient tenus. Par exemple : la lutte contre Boko Haram, l’approvisionnement sécurisé du Tchad et de la République Centrafricaine, l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations de football masculin… Le Cameroun est plus grand que tous ses enfants, pris collectivement ou individuellement. Il peut et doit leur survivre. C’est pourquoi il doit se donner les moyens de survivre au natif de Mvomeka’a.