« Le nom Bamiléké que nous leur donnons, pour désigner cette trentaine de tribus des régions montagneuses de l'Ouest du Cameroun, doit son origine au mot pa’mbleke. Ainsi étaient désignées toutes les tribus jadis installées dans la vallée du Noun et qui furent repoussées de l’autre côté du fleuve par la très belliqueuse tribu Bamoun.
Les tribus autochtones les traitaient ainsi d'hommes sortis de la vallée. Ils leur laissèrent toute la région de la grande Mifi et allèrent sur les rives du Nkam nord pour les Bafang, du Noun Nord pour les Baleng et du Noun Sud pour les Bangangté. Il faut remarquer que les Bamiléké n’ont pas dans leurs différents dialectes ce mot par lequel on les désigne.
Ils se reconnaissent être des Graffi déformation de grass Fields appellation par laquelle les colons anglais désignèrent cette vaste région herbeuse sous la chaîne des montagnes qui s’étend du Nigeria dans la région d'Obudu à la vallée du Noun en passant par le Nord-Ouest et l'Ouest du Cameroun.
Le lien d’apparence indissoluble qui noue ces tribus, ne s’explique que par le fait que ses hommes furent confrontés aux mêmes problèmes. Ils se retrouvèrent dans une région montagneuse démunie de toutes ressources naturelles, se partagèrent un ennemi qui était les hautes herbes qu’ils devaient combattre et essarter pour avoir des espaces propices à l’agriculture ; leur principale activité.
Chacune des tribus bamiléké était gouvernée par un chef ou par un roi, selon son importance. Elles étaient paisibles, sédentaires et animistes. La seule autorité était celle du roi ou du chef.
Pourquoi donc les colons, pour instaurer un pouvoir néocolonial massacrèrent-ils autant de Bamiléké ?
On peut facilement imaginer que ces tribus, qui étaient installées sur les montagnes, loin des côtes atlantiques et qui ne subirent pas l’esclavagisme, rejetèrent les envahisseurs dans un instinct collectif de protectionnisme.
Leur suicidaire sédition contre l'occupation française fut la cause de la violente répression qui alla jusqu’aux années 60. C’est en cherchant refuge que beaucoup rejoignirent les rangs de l’UPC qui apparaissait pour les populations maltraitées comme le parti de Robin des Bois.
Les narrateurs des misères africaines estiment à près de six cent mille, dont environ cinq cent mille fils Bamilékés, les victimes de ce génocide post colonial. Performance ridicule, comparée au Rwanda.
C’est ainsi que naquit chez ces hommes, la peur des autorités établies que M. Ahidjo incarna pendant près de trois décennies. Il apparaissait très clairement, et le Président de la République le savait, que les Bamiléké n'en avaient pas contre sa personne, mais contre un système dont ils redoutaient la manifeste cruauté.
M. Ahidjo réussit tant bien que mal à instaurer un climat relativement paisible, fruit de son innocente dictature en parfaite harmonie et cohabitation avec la répression barbare des puissantes troupes françaises. »