Est-ce que vous avez déjà entendu parler des massacres de la Saint Barthélémy ?
Vendredi, en rédigeant l'Acte 1, je vous avais promis qu'on reviendrait en détail sur cet événement, qui constitue l'une des pires boucheries religieuses de tous les temps, avec plus de 30 000 personnes assassinées en seulement une semaine. Cela s'est passé en France, entre le 23 et le 30 août 1572. On a souvent tendance à croire que les Européens forment une civilisation unie qui agit en symbiose face au reste du monde, or ce n'est pas tout à fait exact.
L'histoire européenne, aussi bien en matière de religion que sur d'autres sujets, montre que ces braves gens ont principalement passé leur temps à se charcuter entre eux, comme des saucisses. Et cet événement de 1572 en est une énième illustration.
Mais la chose qui nous intéresse ici, c'est le fait que des gens qui, au nom de leur religion (le catholicisme en l'occurrence) n'ont donc pas hésité à tuer leurs semblables, s'activent aujourd'hui à détruire eux-mêmes les valeurs qu'ils ont jadis défendues ; valeurs contenues dans la Bible, leur sacro-saint livre qu'ils ont en outre imposé à travers le monde, à coups de ruse et autres tueries de masse. C'est comme si un élève se donnait tous les moyens pour obtenir son diplôme, allant même jusqu'à tricher et à voler des épreuves au bureau du proviseur, et qu'une fois l'examen réussi, il décidait aussitôt de déchirer le document. Ça défie toute logique !
Or, c'est précisément à ce jeu que notre saint ami le pape François a décidé de jouer depuis la publication de sa note pontificale, la « Fiducia Supplicans », le 18 décembre dernier. Cette bulle dans laquelle il ordonne aux prêtres et évêques du monde entier de bénir les couples de même sexe, dans un cadre « hors-liturgie » assez flou à définir. Il s'agit donc pour moi de poser ici la question : quelle sera votre voie en tant qu'Africains ? Depuis le temps de l'esclavage, les Occidentaux ont toujours décidé du bien du mal à votre place. Quand ils ont dit que nos langues, nos noms, nos coutumes, notre modèle marital et nos spiritualités étaient désuètes, nous y avons renoncé. Et ils nous ont précisé dans la foulée que l'homosexualité était un péché grave, ayant d'ailleurs conduit Dieu à détruire Sodome et Gomorrhe. Or les voilà qui reviennent en vous expliquant soudain l'absolu contraire, au point même que ceux qui défendent l'approche biblique sont désormais taxés d'« homophobes » et risquent des poursuites pénales !
Est-ce donc Dieu himself qui aurait appelé François et qui l'aurait informé qu'il avait changé d'avis sur la question au nom de son " amour infini "?.... Ou ce sont simplement nos colons d'hier qui, en se levant du lit un matin, ont décrété que la vérité qu'ils nous ont jadis forcés à accepter serait désormais un mensonge ? L' Afrique est-elle une serpillère dont les valeurs varient selon les sauts d'humeur des illuminés d'Occident ? Si vous acceptez de bénir les homos aujourd'hui, qu'est-ce que vous faites si demain ils reviennent vous dire que finalement « c'était une erreur », et que « Dieu condamne toujours les sodomites et les gomorrhiens » ?
IL ÉTAIT UNE FOIS LE JIHAD
En 1517, un prêtre allemand du nom de Martin Luther (à ne pas confondre avec l'activiste américain Martin Luther King, né en 1929) décide de se rebeller contre l'église catholique qu'il juge corrompue et désossée. Il rédige 95 points de rupture qu'il placarde ensuite sur le mur de la paroisse de Wittenberg. C'est le début du schisme protestant. Durant les années qui vont suivre, le torchon va brûler très fort entre la branche conservatrice catholique et la toute nouvelle confession. Tant et si bien qu'en 1570, la reine Catherine de Médicis, qui assure la régence sur le trône de France en raison du très jeune âge de son fils Charles IX (10 ans), décide de signer un traité avec les protestants du royaume, où elle leur accorde un soupçon de liberté de culte. C'est le fameux « traité de paix de Saint-Germain-en-Laye ». Et pour apposer une cerise sur le cadeau et consolider à jamais la réconciliation, elle décide aussi de donner en mariage sa fille, Marguerite de Valois, à Henri III de Navarre, qui lui est protestant.
Mais dans cette époque d'intolérance absolue, cette décision passe mal. Tout le monde s'y oppose, y compris le pape Grégoire XIII (celui-là même qui est à l'origine du calendrier que vous utilisiez aujourd'hui, le fameux « calendrier grégorien », en remplacement du « calendrier julien », créé par Jules César 1500 ans auparavant). Il n'est pas question qu'un catholique s'allie à un « huguenot » (nom ainsi donné aux protestants pour les dénigrer). Des troubles éclatent dans la capitale, débouchant sur l'agression brutale de l'amiral Gaspard de Coligny, officier protestant de la cour royale. En signe d'amitié, Catherine de Médicis se rend à son chevet, ce qui est vu par le peuple comme un acte de soumission, voire d'humiliation en faveur du protestantisme. La pression devient insoutenable, et la régente est contrainte d'ordonner l'assassinat de l'amiral ainsi que des principales élites protestantes.
Mais ce qui était censé n'être qu'une opération ciblée se transforme très vite en orgie de sang. La foule de catholiques en délire se déchaîne sur tout ce qui bouge, éliminant ainsi 30 000 personnes dans les jours qui suivront. Même les appels à la retenue du roi ne suffiront pas à freiner l'hystérie collective. Le bain de sang va d'ailleurs se poursuivre au-delà du mois d'août, et s'étendre depuis son épicentre parisien vers toute la France.
Notons à cet effet que le pape Grégoire XIII est de nouveau un homme heureux : pour célébrer ces massacres, il fera entonnera des cantiques joyeux dans sa basilique. Exactement comme l'évêque de Londres qui, pendant la première guerre mondiale, hurlait : « tuez les Allemands ! Tuez-les donc !»
Est-ce qu'on peut dire Amen ?
EN BREF :
Voilà donc tout l'intérêt de ma question posée plus haut : comment des gens qui n'ont pas rechigné à commettre les pires massacres pour protéger leur religion, sont maintenant disposés à crucifier ceux qui souhaitent continuer à protéger cette religion-là ? Est-ce qu'on n'est pas dans une sorte de schizophrénie générale où le bien et le mal varient selon le temps qu'il fait, et où Dieu est mort dans un crash d'avion pendant ses vacances dans un pays lointain ?
Pour ma part les choses sont assez claires : si le mariage homosexuel est une mœurs désormais admise en Occident, ce n'est pas encore - mais alors pas du tout ! - le cas dans l'Afrique actuelle. Il appartient donc aux Africains de dire aux colons d'hier que ce n'est pas à eux d'imposer le timing civilisationnel sur notre continent. Autrement dit, si l'Afrique décide de ne jamais légaliser cette pratique, dans 10, 100 ou 100 ans, c'est nous et uniquement nous que ça regarde !
De la même manière que nous ne leur imposons pas chez eux ce que nous pratiquons chez nous. On accepte et on digère.
À bon entendeur.