La 44ième fête nationale de l’unité s’est célébrée vendredi dernier (20 mai, ndlr) au Cameroun. Les préparatifs comme de coutume ont toujours eu lieu aussi bien dans les villages que dans les villes et plusieurs mouvements associatifs à travers le territoire national et même à l’étranger.
Cependant, cette année, l’avis de nombre d’observateurs avertis est que ce ” 20 mai 2016 ” ne constituera qu’un 20 mai de plus, où, comme à l’accoutumée diverses manifestations somme toute aux relents symboliques atteignent probablement leur paroxysme au sein de la société camerounaise toute entière.
Dommage même que cette fête qui jadis célébrait la Conscience Nationale de tout un peuple, se soit ou ait été détournée de cet objectif premier au seul profit d’une subtile diversion qui ne dit pas son nom ! Aussi semble-t-elle ne plus revêtir qu’une portée symbolique.
Toutes les constitutions successives du Cameroun jusqu’à la dernière promulguée le 18 Janvier 1996 ont toujours été une modalité de construction et d’imposition de l’identité nationale. Identité nationale comme toute identité politique, est construite dans un contexte de concurrence, de conflits.
Ce sont les acteurs politiques dominants qui en fin de compte déterminent le patrimoine identitaire commun, patrimoine traversé par la dialectique de l’universalité et du particulier, de l’identité nationale compacte et de l’identité nationale segmentée ou relâchée.
Malheureusement au Cameroun, les questions à colorations identitaires ne cessent de diviser le pays.
Ce point de vue n’est rendu possible que si nous jetons un regard rétrospectif dans l’histoire de ce pays.
Par le traité du 12 Juillet 1884, le Cameroun était devenu un protectorat allemand.
Ce pays sera successivement sous mandat de la Société des Nations en 1918 et sous la tutelle de l’ONU le 19 décembre 1946 et administré respectivement par la France et la Grande Bretagne.
Ces deux puissances colonisatrices vont imprimer leur politique dans la gestion des deux Cameroun Le Cameroun, divisé ainsi en deux zones, devenait pour reprendre Omer Bagandza dans Histoire d’Afrique contemporaine, ” un objet de droit international”.
Dès lors, une mission sera assignée à la France et à la Grande Bretagne par l’ONU. C’elle de préparer les camerounais à une autonomie avancée et à une indépendance totale avec le stricte respect de la dignité humaine et des libertés fondamentales.
Ainsi, apparaissant comme une entité étatique il obtint son indépendance le 1er Janvier 1960.
Déjà en 1959, dans la résolution 1350 (XIII) du 13 mars 1959, l’Assemblée Générale des Nations Unies avait demandé que l’autorité administratrice du pays organise sous la surveillance de l’ONU, des plébiscites séparés dans la partie septentrionale et dans la partie méridionale du Cameroun sous administration britannique ” afin de déterminer les aspirations des habitants du territoire au sujet de leur avenir “.
Ces plébiscites séparés, organisés les 11 et 12 février 1961 ont été remportés par les partisans de l’unification par 237 575 voix contre 97 741 voix pour le ralliement au Nigeria.
De ces résultats obtenus, un projet constitutionnel viendra faire prévaloir un Etat fédéral avec une Constitution très centralisée en lieu et place d’une province autonome tel que l’avait souhaité le public anglophone.
C’est ainsi que la ” Southern Cameron ” s’est retrouvé impliqué en février 1972 à la formation d’un Etat unitaire centralisé. Entreprise salutaire…
Aujourd’hui, des revendications sécessionnistes réapparaissent dans un climat de tension et de violence.
Plusieurs mouvements se sont crée pour revendiquer leurs appartenance solidaire à une partie du pays qui s’estime lésée par l’autorité centrale.
Selon ces derniers, du président Ahidjo à Biya, plusieurs manœuvres économiques sont contre eux (anglophones).
Ils arguent qu’ils ne bénéficient pas des retombées de l’hydrocarbure “offshore” du large de la péninsule qui borde le Golfe de Guinée.
Pour reprendre le Docteur ABOYA,” En tant qu’entité fédérée, une exploitation pétrolière à partir d’un compte hors budget tel que l’imaginaient Ahmadou Ahidjo et les autorités françaises aurait provoqué la création d’un gouvernement décentralisé “.
Surtout que certaines sensibilités politiques dans ce sens avaient été maintenues dans cette pluralité qui remporta tous les combats face au Nigeria à l’époque.
Personne, mieux que le Président Ahmadou Ahidjo qui avait déjà été confronté à de violentes réactions de la part des autorités anglophones à l’époque du “maquis” ne pouvait le savoir.”
A l’évidence de nos jours, toutes les manoeuvres ont contribué à modifier le paysage socio-politique. Toutes les grandes décisions du pays partent de Yaoundé.
Autre constat, les anglophones se considèrent comme des citoyens abandonnés, même s’il est vrai qu’aucune disposition légale ne le stipule.
Plusieurs fois, ces anglophones se sont réunis à Buea, en février 1993, dans le cadre de la “All Anglophone Conférence I” (AAC) pour poser le problème de “l’annexion” du territoire anciennement dénommé “Southern Cameroon.
Il en est de même pour les rencontres de 1994, 2000 à Bamenda.
C’est ainsi qu’en 1995, au cours de leurs différentes Assemblées, ils prirent position pour une plus grande décentralisation, tout en se disant comme aujourd’hui attachées à l’unité nationale.
Las d’attendre la réaction du pouvoir en place, la Southern Cameroon National Council avait proclamé en décembre 1999 l’indépendance de ces deux régions sur les ondes de la CRTV Buéa (radio régionale du sud-ouest).
Le lundi 1er Octobre 2001, de violents affrontements ont opposé les forces de l’ordre aux manifestants du Southern Cameroon National Council (SCNC).
Pour eux, il faut mettre fin à ce processus d’annihilation historique d’une identité particulariste.
La constitution du Cameroun en son titre 9, Article 54 revient sur la décentralisation. Or, cette pratique est restée lettre morte.
Nous pensons qu’il est urgent de mettre sur pied au Cameroun une véritable politique de décentralisation pour pallier à des velléités de revendications séparatistes.
Au Cameroun, les services publics sont tous centralisés à Yaoundé et trop souvent disponibles uniquement en français. L’on retrouve dans la partie anglophone du pays, des magistrats qui ne s’expriment qu’en français.
Très couvent, les hautes responsabilités dans la fonction publique camerounaises sont réservées dans leur quasi-totalité aux francophones.
Sous le régime Biya, le mécontentement des anglophones n’a jamais fait l’objet d’une réflexion, d’aucune décision politique.
Les postes de vice-président, directeur adjoint, secrétaire général adjoint, etc. sont ceux réservés aux anglophones.
Les anglophones se lassent d’être toujours en seconde position. Toujours adjoints! Comme si ils n’avaient pas les qualifications ou l’intelligence suffisante et nécessaire pour être des dirigeants de premier ordre.
Le pouvoir de Yaoundé a-t-il tiré les leçons du mal anglophone ?
Telle est la question de la semaine
Rien n’est moins sûr. Au Cameroun, on n’aime pas réfléchir sur les évidences. On gère le temps, en attendant la tempête.
Seule une mise en œuvre effective des institutions consacrant la décentralisation prévue dans cette constitution pourrait éloigner le pays des accès de tension “.
Faudra-t-il le rappeler, l’identité nationale au Cameroun devra s’intégrer dans la perspective de la “communalisation” suivant l’expression de Max WEBER et plus précisément une relation sociale fondée sur le même sentiment subjectif des citoyens d’appartenir à une même communauté.
Cette dynamique est liée à une prise en charge politique de la communauté. Malheureusement, cela ne semble pas envisagé de si tôt.
A moins bien sûr que des pressions diverses ne viennent sortir le pouvoir en place de son immobilisme actuel.