Les forces de sécurité ont sauté sur une manifestation en marge de la célébration de la journée internationale de la démocratie, organisée par l’Ong Dynamique citoyenne. Pas du tout du goût des autorités.
Un important déploiement de gendarmes et de policiers (une trentaine environ), mardi 15 septembre 2015, au Palais des sports de Yaoundé. Non, il ne s’agit pas d’une alerte terroriste. La raison est plus sérieuse que cela, selon les autorités administratives et sécuritaires : Dynamique citoyenne a voulu palabrer sur la démocratie et l’alternance au Cameroun.
Cette Ong de suivi, indépendante des politiques publiques et des stratégies de coopération, a organisé une cérémonie de lancement de la campagne « Tournons la page », fort opportunément, un certain 15 septembre, date choisie par la communauté des nations pour célébrer la journée internationale de la démocratie, très cordialement haïe par Yaoundé. Une véritable provocation.
En sus de cela, les organisateurs ont eu la mauvaise idée de placer cette campagne sous le thème « gouvernance électorale et alternance démocratique »… Juste de quoi faire bondir le pouvoir qui a crié haro sur le baudet en envoyant un détachement des forces de sécurité – gendarmes et policiers – à l’assaut des perturbateurs. Au menu de cette attaque, des éclats de voix, la rencontre perturbée et finalement interdite, des défenseurs de la démocratie molestés, et Jean Marc Bikoko, syndicaliste et point focal de Dynamique citoyenne embarqué manu militari par une unité spéciale de la police : le Groupement mobile d’intervention (Gmi).
Il est un peu plus de 10h lorsque les esprits commencent à s’échauffer au Palais des sports. Une dizaine de pandores interdisent l’entrée de ce complexe sportif et culturel. En plus des invités, les panélistes le politologue Mathias Eric Owona Nguini, le défenseur des droits de l’Homme Hilaire Kamga, et la directrice exécutive de Nouveaux droits de l’Homme (Ndh), Cyrille Bechon sont interdis d’accès.
Pendant que dans la cour intérieure de l’antre sportif, un car bourré de gendarmes stationne. Un face à face pour le moins tendu que Jean-Marc Bikoko viendra rompre. A travers le portail du complexe, le point focal national de Dynamique citoyenne explique qu’il s’agit juste d’un léger malentendu, sur le type de la manifestation organisée. L’équivoque levé (c’est du moins ce que pensent les organisateurs), les échanges peuvent commencer dans l’une des salles de conférence du palais des sports. Juste le temps pour les autorités de réaliser leur bourde, de se raviser, et de débouler une première fois.
O Cameroun… !
« Monsieur arrêtez tout ca ! ». Martial Fossoua, le commissaire divisionnaire vient de faire irruption dans la salle de conférence avec cinq éléments, dont un en civil. Pas de quoi démonter Jean-Marc Bikoko, qui entreprend de nouveau un travail pédagogique, en expliquant qu’il ne s’agit point d’une manifestation, qui nécessite une autorisation préalable des autorités, mais plutôt d’un atelier de réflexion. Une explication que n’a que le mérite de faire tourner chèvre le commissaire divisionnaire qui menace de faire tout arrêter. « Apportez l’arrêté qui interdit cette rencontre », lui répondra simplement le syndicaliste. Repli stratégique du commissaire et ses hommes.
Le second assaut sera mené par Ousmanou Nji Yampen, sous préfet de Yaoundé II qui va demander que tout soit suspendu. « Toute manifestation organisée dans un lieu public doit être déclarée », tient-il comme argument. Et c’est sur ces entrefaites que le renfort intervient, conduit par le commissaire divisionnaire Chetima Malla Abba, à la tête du commissariat central n°1 de la capitale camerounaise. Fin du dialogue et début des expulsions forcées. Ce à quoi vont naturellement s’opposer les membres de Dynamique citoyenne.
Une dame rudement molestée par ci, des journalistes menacés par là, une caméra confisquée encore ici, et un bloc note arraché. Les autorités voient rouge devant un autre détail de cette manifestation : les tee shirt floqués « au Cameroun comme ailleurs » de Dynamique citoyenne. Ordre est intimé de déshabiller tous les outrecuidants.
Du grabuge qui va amener tout le monde sur le perron de cette entrée, où les membres de Dynamique citoyenne vont entonner en chœur l’hymne national. Pas de quoi émouvoir les forces de sécurité qui vont s’emparer du chef de la bande, Jean-Marc Bikoko, et jeter dans un car de la police. Un de ses partisans, qui eu la mauvaise idée de vouloir s’interposer à ce droit d’emmener, sera roué de coups par près de cinq policiers. Le tout sous le regard bienveillant d’un haut gradé du Gmi. Au moment où nous mettions sous presse, Jean-Marc Bikoko était toujours injoignable.