Traverser les fuseaux horaires, entouré d’inconnu aux visages similaires… Gens d’ailleurs, gens d’ici, l’excellence étant la seule déterminante d’éminence; Un parfait contrepoint à l’entre soi discrétionnaire du lointain dont je suis originaire. Le lointain chez moi, ses canons et son cadre policé de courtisans taylorisés nés de renouveau.
Yaoundé ma cité bien aimée, ma cité assoiffée, ma cité… Les villes et villages parcourus, le déjà vu des habitudes, l’ambiguïté des individus dans la complexité de ces collectivités laissent succéder à la psychologie des autochtones d’ici, la sociologie de ces lieux divers, alignés sur ta trajectoire à un point extérieur de l’horizon de tes évènements tant la gravité de la médiocrité qui s’exerce à t’empêcher de t’accomplir, t’asservit. Tes routes parsemées de crevasses, tes bâtisses dont les robes extérieures désormais dépigmentées, éprouvées par les années et le manque d’entretien, se scrutent les unes les autres avec nostalgie comme plongées dans une ivresse collective qu’entretient chaque nouvelle couche de poussière… Yaoundé ma cité, impatiente de s’émanciper !
L’appel du lointain, les sirènes de la distance, l’éloignement intense et interminable n’auront fait que révéler la fidélité de mon affection, la fidélité de mon attachement malgré le lien distendu. Distendu d’être trop longtemps resté éloigné! Trop de temps à essaimer, à parcourir, à traverser, à enrichir… trop de temps à rechercher les sept collines que j’imagine aujourd’hui plus que je ne me rappelle…
Ta descendance ainsi s’éparpille à travers le globe; abandonnant de mauvais gré tes clés au châtelain octogénaire éternel trônant à un bout de la ville ! Le même qui prenant exemple sur son voisin du sud a pour le cas échéant mis sous la rose un double pour la flamme de ses premiers feux, sa chair dans son premier cercle… Méprisant le tiers et ses pulsations atones, le lambda non consanguins, l’apport itératif de talents issus du hasard, les contributions récurrentes de ceux issus des profondeurs de ses impairs… Ignorant la génération partir à tout prix, la génération le nord ou la mort, la génération poussée vers la sortie par la dichotomie des consonances nominales…
Issu de cette génération de « poussés vers la sortie », j’ai ignoré ta souffrance de voir tes eaux errer au loin, ton supplice d’être sevré de la fraicheur de tes plus belles fleurs, ton châtiment de te voir arracher brutalement tes membres à l’orée de leurs maturités… ta présence, ta grandeur, ton hospitalité, ton affection… je t’ai ignoré! Il fallait voir ailleurs pour connaitre ta valeur… il fallait voir ailleurs pour voir de la magie dans ce tintamarre de musique folklorique qui t’habite, pour comprendre la valeur de l’insouciance solidaire de petites mains qui te soutiennent… pour percevoir à travers tes artères poussiéreuses de l’émulation sur les stèles de tes martyrs… toi, terre, poussière de chair éphémère, berceau de nos ancêtres, il fallait vraiment voir ailleurs pour reconnaitre ta valeur.
Tes accès sont aujourd’hui verrouillés de paradigmes qui nivellent par le bas; mais ne t’inquiète pas; viendra le temps de nos retrouvailles. Même si le chemin est long, sinueux et jonché d’obstacles, tu restes et demeures ma cité, ma citadelle, mon étincelle, mon talisman… Encore aux prises avec le parcours, dans les dédales du village planétaire, je suis éloigné de toi mais ne t’inquiète pas. Je ne t’oublie pas. Ne perd pas courage. Le temps a ses raisons. Et même si l’espace nous sépare encore, viendra le temps de nos retrouvailles…
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