Il y a quelques jours, Fo'o Dzakeutonpoug nous racontait un séjour pascal en famille dans une des résidences balnéaires d'un responsable de fédération et ancien sportif de renon. Simple fait divers, aurait-on pu croire, s'il n'y avait le véritable cours magistral d'éthique républicaine offert à l'occasion par un personnage plutôt controversé.
Le personnage en question s'est fait connaître par de clivantes prises de position à caractère régionaliste sur la dévolution du pouvoir dont il n'a - bien sûr - pas perçu le tort à l'éthique. Cette éthique qu'il prétend défendre dans un court séjour privé ; au nom d'un amour affiché (ou prétendu) pour la République.
De là, la question : le Fo'o, en tant que Ministre, a-t-il raison de s'être vu offrir des vacances plantureuses par autrui ? Pour beaucoup, oui. Pour eux, la chose est susceptible d'engendrer des conflits d'intérêts. (Personne de tous ceux qui ont réagi n'a dit - ou démontré - que ça en a engendrés et, le cas échéant, ce que ces conflits putatifs ont été).
Ils évoquent des abstractions comme le respect de l'éthique, la bienséance ; ou alors convoquent à l'appui de leur raison, de plutôt douteuses comparaisons d'hommes publics étrangers, engoncés dans des scandales de donations ou incriminés par l'opinion publique de leurs nations. Pourtant, ils ne l'ignorent point au cas d'espèce, que comparaison n'est pas raison.
Répondons à la question: le Fo'o, Ministre, a-t-il tort ou raison dans cette situation ? J'ai moi- même posé cette question. Je me suis vu insulté d'avoir acheté mes diplômes. Quelqu'un - un Bamiléké qui appartient à ces gens que vous connaissez dans l'injure - m'a traité d'ordure. Je passe sur les autres gros mots et insinuations.
Bien entendu, ceci ne répond pas à la question. Mais ça introduit le débat où j'entends le mener et au cœur de ce qu'il y a de répréhensible au sein de n'importe quelle action. Quelqu'un m'en a donné l'occasion, en me rappelant de me conformer à mon statut professionnel que, selon lui, j'étais en train de galvauder. (Comme si je l'avais oublié ou comme si ce statut était concerné).
En société, les comportements sont normés. Les normes ne sont généralement pas tacites. Elles sont pratiquement toujours écrites. Il y a une infinité de textes qui gouvernent presque toutes les situations ; qui établissent le permis et l'illicite. Je puis dire sans risque de me tromper qu'il n'y aucun texte, d'aucune nature, qui incrimine l'action de Fo'o Dzakeutonpoug.
A contrario, je puis produire, sous le contrôle de l'autorité du souverain pontife du droit, de ses vicaires, de sa Curie et de son curatorium qui, ces derniers temps, font assauts de prouesses exégétiques, moult exerpts qui attestent l'aspect illégal, incivique, répréhensible et délictuel de l'injure publique à laquelle ces vengeurs d'autre nature recourent en prétendant défendre les valeurs de la République.
Il n'existe pas de fonction qui n'ait une charte ou un règlement codifiant les comportements. Il n'est pas de situation professionnelle dans laquelle n'importe qui peut se trouver et agir n'importe comment. Déjà, (c'est un principe), par nature, les situations fonctionnelles - quelles qu'elles soient - sont hiérarchisées. Cela veut dire, pour le cas du Fo'o, qu'il possède des supérieurs et, au moins un patron.
Des gens veillent donc sur les règles d'éthique ; des gens à qui tout manquement - s'il s'en trouve - doit être dénoncé. Il y a la malsaine propension à attribuer à Facebook le pouvoir de proconsul. Les internautes s'y constituent en victimes. Eux mêmes font la police. Ils se muent en procureurs, puis en juges ; rendent les verdicts et deviennent les gardiens de prison où le peloton d'exécution pour appliquer la peine capitale de lois qu'ils ont eux-mêmes écrites.
Osez protester contre leurs oukases ou fatwas et la vindicte n'est pas loin. Ils deviennent la morale publique : les gardiens de la bienséance ou de l'ordre académique. Vous devenez un bouseux, issu d'une race - si ce n'est une engeance - perverse et maudite. Qui que vous soyez ; quelles que fussent les études que vous aurez faites, ces gens qui généralement savent à peine lire et écrire vous les retirent.
Ils deviennent la Science: s'offrant tous les domaines d'autorité. Ils sont la critique. Ont le droit de tout censurer. Surtout n'importe comment. Sur la bonne foi de leurs opinions. Il reste tout de même la question: le Fo'o a-t-il raison? De quoi au juste s'agit-il dans une situation qu'on veut absolument rendre polémique ?
Ailleurs - ça c'est pour les douteuses comparaisons - lorsqu'une situation délictuelle est constatée, elle l'est par des médias d'investigation. Des professionnels de l'information se chargent d'établir les faits ; de montrer la faute ; de mettre l'évidence sur la loi ou la norme violée. Il découle de leur action, deux possibles directions.
Soit la loi, à bon escient, se saisit elle-même du dossier ; soit l'opinion publique en fait une cause de mobilisation. Ce ne sont pas des incultes hargneux et malpolis qui veulent en découdre avec qui ne pense pas comme eux. Ça, c'est ailleurs. Qu'en est-il pour le cas précis du Fo'o qui, à sa façon, est devenu influenceur ?
Ses vacances, lui-même les a racontées. (Il ne l'aurait certainement pas fait s'il y avait trouvé motif à être incriminé). Elles sont donc de très banales vacances d'un homme public dont trois aspects du bon côté ont échappé : d'abord ce sont des vacances bien au pays, dans une de nos plages. Il n'est pas allé en Occident. (J'espère qu'il ne craignait pas de s'y faire enfariner ou entarter).
Ensuite, ce sont des vacances en famille. Ça, c'est à féliciter. Il faut prendre du temps pour les enfants; peu importe à quel point l'on est occupé. C'est un moment que moi, je puis lui envier. Ils ont passé des temps de qualité. Ses jeunes filles se sont amusées. C'est ainsi qu'on produit des enfants équilibrées et bien éduquées que chacun des nôtres serait ravi d'épouser, soit lui-même ou, s'il est déjà accro au bois bandé comme moi, pour ses enfants.
Je stocke déjà du sel et de l'huile de palme. Quand ces filles auront fini leur scolarité, je vais moi aussi demander l'hospitalité à Fo'o. Il n'y a que du bonheur à nouer, à entretenir et à conserver de telles amitiés. Mais il y a un dernier aspect à considérer : nous n'avons pas de média professionnel d'investigation. Nous attendons que chacun raconte une histoire pour y déverser nos passions.
Un bougre demande à passer un weekend chez l'un de ses potes qui possède une vue sur la mer. Il s'y amuse et nous le raconte. Un autre, fatigué de tenter de nous convaincre que le pouvoir suprême doit revenir à sa région - parce que c'est sa région - y trouve une faute contre la République.
Quelle est la faute ?
Des gens se mettent à vous insulter…
Quel conflit d'intérêt ont-ils trouvé ?
Vous devenez professeur sac au dos aux diplômes achetés.
Qui transgresse les lois de la République ?
Ça, ce n'est même pas la peine de demander.
Sacrées vacances, Fo'o Dzakeutonpoug ! Fais- moi savoir quand tu seras prêt à m'accueillir avec mon huile et mon sel…
Je te garderai du bon nectar de bois bandé enrichi aux essences de Salapoumbé…