Opinions of Friday, 19 August 2022

Auteur: Olivier Bili

‘Le Cameroun est une monarchie déguisée’

‘Le Cameroun est une monarchie déguisée’ ‘Le Cameroun est une monarchie déguisée’

L’universitaire et homme politique Olivier Bile dresse le tableau de la situation politique au Cameroun avant d’inviter le régime de Paul Biya à une alternance pacifique.

Considérant les importants investissements humains, financiers et matériels de l’Etat et des populations pour faire migrer le Cameroun du monopartisme vers le pluripartisme politiques depuis les lois de libéralisation de la vie sociale de 1990 ;

Considérant les engagements intérieurs et extérieurs du gouvernement camerounais en faveur d’un régime politique de démocratie libérale ;
Considérant les efforts consentis depuis plus de 30 ans par notre pays pour la mise en œuvre de ce processus de démocratisation et de libéralisation politiques ;

Nous militants de l’Opposition alternative (Constats)
Proclamons urbi et orbi que le projet politique de démocratisation globale du Cameroun a été profondément dévoyé et corrompu par le système institutionnel du parti-Etat ‘de fait’, qui continue à prévaloir malgré le passage du parti unique au multipartisme ;

Affirmons, avec l’écrasante majorité silencieuse des Camerounais, que par la subtile perpétuation du parti-Etat-RDPC ‘de facto’, un régime d’autocratie, voire de monarchie déguisée, a été instauré et prévaut encore et toujours au Cameroun ;

Déclarons qu’en raison de ce dispositif en perpétuation du parti-Etat, qui gangrène la démocratisation et, paradoxalement, maintient le pays dans un régime de monolithisme politique ‘de facto’, alors que ce dernier est supposé être de démocratie équilibrée, l’ordre politique et institutionnel du pays est, depuis plus de 30 ans, complètement corrompu, vicié et gelé dans un immobilisme destructeur et inapte à produire un véritable développement au sein du pays ;
Constatons que depuis plus de 30 ans, une compétition électorale biaisée et corrompue aussi bien par le système politique et institutionnel fondé sur la mécanique néocoloniale du parti-Etat, que par des fraudes diverses et des pratiques électorales douteuses, a cours au Cameroun. Cette compétition politique qui s’inscrit dans une logique de faire-semblant, de marchandisation du vote et finalement de trompe-l’œil démocratique, ne permet pas, depuis plus de 30 ans, qu’une dynamique d’alternance claire, équilibrée et vertueuse puisse voir le jour.

Remarquons que le jeu politique camerounais est enlisé dans une logique clientéliste, corruptrice, opportuniste et d’achat des consciences à ciel ouvert sur le budget de l’Etat. Un tel jeu politique est, assurément, improductif et dangereux pour le pays. Ce dernier se révèle désormais encore plus périlleux dans la mesure où il a fini par générer des phénomènes de tribalisme et de replis identitaires menaçant les bases d’unité et d’intégration nationale, toutes choses qui, comme chacun peut le constater, menacent de mener le pays vers le chaos.

Observons que depuis 1992, toutes les institutions et ressources humaines, financières et matérielles de l’Etat, sont au service d’une même chapelle politique, celle du RDPC au pouvoir.

La sortie du parti unique en 1990 aurait pourtant, mécaniquement, dû occasionner la déconnection du parti au pouvoir de l’ensemble des rouages de l’Etat ainsi que des autres forces vives de la nation. Loin s’en faut.
Les fonctionnaires de toutes les administrations, les cadres de toutes les entreprises publiques, parapubliques et souvent privées, les gestionnaires de l’ensemble de ces structures publiques nommés par le président de la république et en même temps président d’un parti, l’essentiel de toutes les forces vives du pays sont, volontairement ou par contrainte, obligées de s’aligner dans les rangs du parti-Etat au pouvoir, qui continue à se comporter exactement comme à l’ère du parti unique.

Dans la même veine, les acteurs économiques, les chefs traditionnels, certains membres du clergé et la plupart des acteurs privés s’inscrivent dans la même allégeance opportuniste et clientéliste à l’égard de ce même parti-Etat qui tient le pays par l’argent public et les postes devenus rentiers. Et gare à ceux qui osent ne pas se soumettre à ces obligations. Gare à qui ne ‘se prosterne’ devant le parti-Etat !

Affirmons, au passage, que le défaut de structuration idéologique de notre paysage politique est aussi un redoutable facteur de déséquilibres et de déstabilisation de notre processus de démocratisation. Des Etats généraux de la démocratie sont devenus, à cet effet, indispensables.
(Réclamations)

Au regard de ce qui précède, Réclamons que justice soit faite au peuple du Cameroun tout entier qui, par son adhésion au projet politique et sociétal de démocratisation politique des années 1990, exprimait son aspiration à un véritable modèle de société de démocratie libérale fondé sur un système politique et électoral juste, impartial, équitable et transparent. Et non à un ‘ersatz’ de démocratisation.

Exigeons une décision de dénonciation et de démantèlement minutieux de l’ordre institutionnel éminemment frauduleux du parti-Etat qui, de surcroît, est devenu, en dépit des apparences de stabilité, facteur d’immobilisme, motif de blocage du jeu politique et démocratique, cause de résurgence alarmante du tribalisme et de la haine sociale, menace de précipitation du pays vers la guerre civile et le chaos.

Affirmons que la logique suicidaire prévalant depuis plus de trente ans et consistant à participer angéliquement et servilement au jeu politique et électoral vicié et biaisé du parti-Etat ne peut plus prévaloir.
A cet effet, des mesures fermes, stratèges et bien expliquées au peuple tout entier méritent d’être mises sans délai en application afin de contraindre le parti-Etat de mettre un terme à sa forfaiture qui n’a que trop duré.
Loin de quelque jérémiade ou lamentation que ce soit, notre objectif ici, est d’ouvrir les yeux à l’ensemble de la communauté nationale sur le facteur de blocage le plus rédhibitoire, le plus redoutable et le plus malfaisant de notre vie politique et sociale. En raison dudit facteur, il n’est pas inutile d’indiquer que même dans l’hypothèse d’une union de toutes les forces de l’opposition, toutes choses du reste impossibles comme nous le savons désormais, aucune victoire électorale ne peut être, dans notre contexte, obtenue face au parti-Etat cambusier et rentier.

Sollicitons qu’une législation et une réglementation idoine soient suscitées aux fins de déconstruire, à l’avenir, l’ensemble des mécanismes de collusion multiformes entre le parti-Etat, fût-il RDPC ou autre, et la totalité des ressources humaines, financières et matérielles de l’Etat du Cameroun.

C’est le lieu ici de marquer notre adhésion collective à la proposition de la brûlante nécessité d’un gouvernement de Transition, d’Union nationale et de Salut public destiné à formuler et mettre en œuvre l’ensemble des réformes institutionnelles allant dans le sens de la résolution de la problématique centrale contenue dans le présent plaidoyer. Toutes choses qui permettront à notre pays de repartir sur des bases plus saines, plus équitables et plus constructives pour l’avenir.

Eu égard à tout ce qui précède, nous venons ensemble, pour le compte des acteurs investis dans l’Alliance pour une Transition Pacifique au Cameroun (ATPC)et pour le compte du peuple du Cameroun tout entier, du nord au sud et de l’est à l’ouest, exiger, que le régime aux commandes depuis plus de soixante ans dans notre pays, se saisisse de toutes ses responsabilités face à l’histoire, en souscrivant de façon pacifique, républicaine, inédite et courageuse à la présente initiative qui permettra de restructurer et de rééquilibrer nos institutions afin de rendre la vie publique en général et la compétition politiques et électorales en particulier, conformes à la constitution ainsi qu’aux aspirations de la nation camerounaise toute entière.
Que Dieu libère et bénisse le Cameroun !

Pour L’ATPC,
Professeur Olivier BILE
NB : « La colère de Dieu se révèle du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes qui
retiennent injustement la vérité captive » Romains, 1 :18.