La mort de près de 70 enfants en Gambie, liée à des sirops contre la toux fabriqués en Inde, fait l'objet d'une enquête et suscite des inquiétudes quant à l'efficacité de la réglementation de la fabrication et du commerce des médicaments.
Que s'est-il passé en Gambie ?
La semaine dernière, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé une alerte mondiale concernant quatre marques de sirop contre la toux, indiquant qu'ils pouvaient engendrer des lésions rénales aiguës. L'OMS a réagi ainsi à la suite de rapports en provenance de la Gambie, qui font état d'enfants souffrant de graves problèmes rénaux.L'analyse en laboratoire des sirops "confirme qu'ils contiennent des quantités inacceptables de diéthylène glycol et d'éthylène glycol en tant que contaminants", selon l'agence des Nations unies chargée de la santé.
Les autorités indiennes et le fabricant des sirops en question, Maiden Pharmaceuticals, affirment que ces médicaments ont été exportés seulement vers la Gambie.
Que sait-on du fabricant ?
Maiden Pharmaceuticals déclare respecter les normes de contrôle de qualité reconnues au niveau international.Mais certains de ses produits n'ont pas satisfait aux normes de contrôle de la qualité au niveau national ou de l'État indien.
Les registres officiels de ce pays montrent que l'entreprise :
- figurait sur une liste noire de l'État de Bihar, en 2011, pour avoir vendu un sirop ne répondant pas aux normes locales
- a fait l'objet d'une procédure judiciaire de la part de l'autorité indienne de réglementation des médicaments, en 2018, pour violation des règles de contrôle de la qualité
- a échoué à un test de contrôle de qualité dans les États de Jammu et du Cachemire en 2020
- a échoué quatre fois aux tests de contrôle de la qualité dans l'État du Kerala en 2022.
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Elle a déclaré ne pas vouloir faire d'autres commentaires, pendant que les autorités de contrôle des médicaments poursuivent leurs tests.
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Le ministre de la santé de l'Haryana, Anil Vij, a déclaré à BBC News que des échantillons avaient été envoyés pour être testés et que si quelque chose d'anormal était détecté, des mesures seraient prises.
Quelle est l'efficacité du contrôle de la qualité en Inde ?
L'Inde produit un tiers des médicaments du monde, principalement sous la forme de médicaments génériques.Elle est l'un des principaux fournisseurs de pays d'Afrique, d'Amérique latine et d'Asie.
Ses usines de fabrication sont tenues d'adhérer à des normes de contrôle de la qualité et à des mesures de production rigoureuses.
Mais les entreprises indiennes ont fait l'objet de critiques, voire de mesures d'interdiction, de la part d'organismes de réglementation étrangers tels que la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis, en raison de problèmes de contrôle de la qualité dans certaines usines.
Selon une analyse de l'industrie pharmaceutique indienne, le sous-financement des organismes de surveillance et une interprétation laxiste des réglementations sont les principaux problèmes, avec un manque d'intérêt pour le respect des normes de pureté.
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"À moins que l'on puisse établir un lien de causalité direct entre un médicament de qualité inférieure et un décès, c'est la norme des sanctions infligées", dit-il.
En outre, l'Inde n'est pas incluse dans les normes de l'OMS pour les organismes nationaux qui réglementent les médicaments, alors qu'elle l'est pour les vaccins.
"Cela peut entraîner un contrôle réglementaire incohérent des activités de fabrication de produits pharmaceutiques", déclare Leena Menghaney, une responsable de Médecins sans frontières (MSF) en Asie du Sud.
La Gambie aurait-elle dû faire le test ?
Le ministère de la Santé à Delhi a ouvert une enquête, mais il affirme que "la pratique habituelle veut que le pays importateur teste ces produits importés... et s'assure de leur qualité".Mais le directeur exécutif de l'Agence de contrôle des médicaments de Gambie, Markieu Janneh Kaira, affirme que les contrôles portent en priorité sur les médicaments antipaludéens, les antibiotiques et les analgésiques, plutôt que sur le sirop contre la toux.
BBC News a contacté l'agence pour obtenir des précisions, mais aucune réponse ne lui a été donnée.
Le président de la Gambie, Adama Barrow, a déclaré qu'il "ferait toute la lumière" sur les causes de cette tragédie et a annoncé la création d'un "laboratoire national de contrôle de la qualité des médicaments et de la sécurité alimentaire".
La Gambie "établira des garanties pour éliminer l'importation de médicaments de qualité inférieure", a-t-il ajouté.
MSF souhaite que les pays disposant d'une capacité de test suffisante puissent aider les pays à faible revenu comme la Gambie.
"Il ne s'agit pas uniquement de la responsabilité des pays importateurs", précise Mme Menghaney.
Au Nigeria, l'Agence nationale pour l'administration et le contrôle des aliments et des médicaments demande désormais que tous les produits pharmaceutiques importés soient contrôlés par des agents agréés avant d'entrer dans le pays.
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