27 novembre 2015. Modou Tidjina et Brahim Kassé, membres des comités de vigilance des villages Kangueleri et Walassa, sont couchés sur leurs lits à l’hôpital régional de Maroua. Modou Tidjina est interné dans ce centre hospitalier depuis 51 jours. Il est l’une des victimes du double attentat-suicide survenu à Kangueleri le 11 octobre 2015. Le personnel hospitalier s’attèle à soigner sa jambe cassée et ses blessures. Aux frais de l’Etat. Il faut dire qu’il a eu de la chance dans la mesure où le kamikaze a fait exploser sa charge à moins de cinq mètres du lieu où il se trouvait.
«Le matin du dimanche du 11 octobre, une grande femme et une jeune fille sont arrivées dans un petit cafétéria de notre village où les gens étaient en train de prendre le petit déjeuner. Quand j’ai observé la jeune fille qui faisait semblant d’acheter les beignets, elle m’a paru suspecte. Je l’ai interpellée et je lui ai demandé d’où elle venait. Elle a commencé à murmurer. J’ai demandé à un de nos collègues membre du comité de vigilance qui avait l’arme artisanale avec lui, de tirer sur la fille. Il n’a pas pu vite tirer et c’est ainsi que la fille s’est fait exploser. Avant qu’elle n’appuie sur le détonateur, j’ai eu le réflexe de me coucher. C’est ainsi que j’ai échappé à la mort ce jour-là», explique-t-il. Ses deux enfants n’ont pas eu la même chance. Ils sont morts dans le second attentat. Et un autre a été grièvement blessé. Lui aussi, est interné à l’hôpital régional de Maroua. Il ne regrette cependant pas d’avoir embrassé la cause de la défense de son village et de sa patrie.
A ses côtés, un de ses collègues acquiesce. Voilà plus de deux semaines que Brahim Kassé est interné à l’hôpital régional de Maroua. Chef du comité de vigilance de Walassa, dans l’arrondissement de Kolofata, il a miraculeusement échappé à la mort après avoir reçu une balle au niveau du cou, tirée par les terroristes de Boko Haram. «Les Boko Haram sont arrivés dans notre village et ont enlevé sept personnes dont moi-même. Ils nous ont dit qu’ils vont nous tuer parce que nous avons intégré le comité de vigilance. Ils ont exécuté les six autres. Ils m’ont tiré une balle au niveau du cou, mais heureusement, la balle a traversé. Ils sont partis, croyant que nous étions tous morts. Après, j’ai repris connaissance et des gens sont venus par la suite à mon secours. Ils ont appelé le BIR qui m’a transporté à Maroua», relate-t-il.
«Depuis que je suis ici à l’hôpital, on m’a fait deux pansements. Le médecin a prescrit qu’on opère ma main qui a également reçu une balle. Mais depuis près d’une semaine, j’attends toujours cette opération chirurgicale», précise Brahim Kassé qui se plaint d’atroces douleurs. L’autre problème qu’il évoque, c’est celui de son alimentation. Il craint que la famine ne l’achève, car personne ne lui apporte à manger. D’où son souhait d’un rétablissement rapide pour retourner dans son village. «Je vais poursuivre mon travail de défense de ma patrie. J’ai cependant une famille à nourrir, et il me faut retourner au village pour veiller sur elle. D’ici, il m’est difficile de subvenir à leurs besoins», arguet-il.