La bourgade d’Esse s’apprête à abriter un meeting d’appel à candidature de Paul Biya à l’élection présidentielle de 2018. La population se désolidarise de ce projet politicien et invite les autorités administratives à interdire cette manifestation qui pourrait provoquer d’énormes troubles dans la ville.

20 mois sans électricité, un visage lugubre, des infrastructures délabrées, une élite démissionnaire… « Cela va déjà à près de deux ans que nous sommes dans le noir. Nos enfants fréquentent désormais à Yaoundé et cela nous coûte cher. Nous n’avons vu aucune élite organiser une réunion pour nous rassurer d’un éventuel retour du courant. Mais cette élite sait seulement nous inviter quand il s’agit de conforter leurs positions et leurs intérêts auprès du président.

Nous allons boycotter, voire saboter le meeting du 4 mars prochain », déclare sur un ton ferme un natif d’Esse. Un autre fils du cru suffisamment remonté ne cache pas son indignation : « Nos élites sont des véritables flagorneurs et prébendiers du régime. Ils se foutent de nos conditions de vie. Je suis très étonné quand j’écoute Roger Melingui déclarer publiquement que c’est pas le député ou le Maire qui apporteront l’électricité dans la ville. ».

Ces déclarations sous forme d’exaspérations montrent à suffisance le divorce consommé entre l’élite politique d’Esse et les populations. Le problème pour beaucoup est cette indifférence manifeste des élites face à la situation alarmante dans laquelle baigne le pauvre peuple d’Esse. Près de deux ans sans électricité, causant une paralysie économique.

La ville n’est plus aujourd’hui que l’ombre d’elle-même. Elle traverse une vraie plongée dans une descente aux enfers, un retour pathétique au sousdéveloppement, une condamnation à l’enclavement. Esse sombre dans une régression dangereuse sous le regard des élites dont l’accaparement égoïste de postes politiques démobilise la masse.

Le défi personnel de Roger Melingui

L’annonce par le député Roger Melingui à son domicile du quartier Golf à Yaoundé d’un meeting le 4 mars prochain à Esse d’un appel à candidature du président Paul Biya à l’élection présidentielle de 2018, se présente pour les populations comme un défi.

Son initiative sonne dans l’audimat politique de la Mefou-et- Afamba comme un moyen de se convaincre qu’il n’a pas perdu de l’aile malgré sa relation avec les populations qui s’est dégradée au fil des années. Ces derniers jours, Roger Melingui multiplie des réunions à sa résidence de la capitale, dans le but de mobiliser le plus grand nombre de fils du département.

Il a d’ailleurs demandé aux frères des autres localités de la Mefou-et-Afamba d’envoyer de fortes délégations à Esse le 4 mars. « C’est une stratégie de positionnement que Roger Melingui met en place. Si cela réussit, ce sera une démonstration de force qu’il envoie aux figures de proue du département. Je pense à Mbarga Atangana qui n’est pas son meilleur ami», analyse un observateur de la scène politique.

« J’ai appris que c’est pour dire également merci au chef de l’Etat pour la construction de la route Awae-Esse- Soa ; c’est juste une raison pour voiler les véritables intentions qui sont beaucoup plus de positionnement politique », ajoute notre analyste avant de conclure, « Roger Melingui a réussi à fragiliser tous ceux qui pouvaient par leur compétence prétendre assurer la relève. Il les a tous brisés pour en faire des épaves politiques ayant presque tous perdu la boussole dans le champ politique du coin. »
L’autre problème, d’ailleurs évoqué au cours de la première réunion au domicile de Roger Melingui, et qui pourrait plomber le meeting du 4 mars, c’est le fait que le Rdpc organise un meeting à Esse sans associer la présidente de la Section Mefou-et- Afamba Nord. Cette dernière est surprise de l’attitude du député depuis que des individus l’ont agressée le 11 février dernier au cours du défilé.

« C’est quand même curieux qu’on prépare une activité du parti à Esse et on ignore la président de section. Tout laisse à croire que Melingui n’est pas content de la nouvelle dirigeante du parti à Esse », déclare une élite d’Awae au sortir de la réunion du 15 février au quartier Golf. Selon des témoins, lors du défilé de la fête de la Jeunesse le 11 février dernier, des personnes auraient été envoyées par l’actuel Maire d’Esse Ambroise Augustin Evina pour agresser la présidente de section. Info ou intox ?

Toujours est-il que lors des derniers renouvellements des organes de base du Rdpc, Sabrin Daniela Ntolo Bidima a battu à plate couture Ambroise Evina, président sortant de la section Rdpc Mefou-et-Afamba Nord. Depuis ce temps, une tension est visible entre les deux camps. A propos des accusations portées sur sa personne concernant l’agression de la présidente de section, l’édile Ambroise Evina déclare n’être pour rien et affirme qu’il ne saurait envoyer une « folle » attaquer Sabrin Daniela Ntolo Bidima.

Pour la présidente de la section Rdpc, on ne peut pas faire comme si rien ne s’était passé à Esse le 11 février. D’après ses proches, il est important de résoudre cette « crise » avant toute initiative politique dans la ville d’Esse. Au regard des réunions « nocturnes » qui se multiplient au domicile de Roger Melingui, on comprend bien la détermination du député à organiser coûte que vaille le meeting du 4 mars.

Ses affidés considèrent d’ailleurs cet incident du 11 février à Esse comme un « détail » qui ne doit pas arrêter la dynamique de l’organisation du meeting. Pour rappel, cet autre appel qui se prépare dans la Mefou-et-Afamba arrive après l’engagement solennel du département qui a été pris au terme d’un meeting organisé à la résidence du ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, le 26 janvier à Yaoundé.