Politique of Monday, 29 February 2016

Source: L'Oeil du Sahel

Les alliés de Biya embarrassés dans le Grand-Nord

Photo d'archive utilisée juste a titre d''illustration Photo d'archive utilisée juste a titre d''illustration

Depuis la présidentielle de 2004, l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp) de Bello Bouba Maïgari, le Mouvement démocratique pour la défense de la République (MDR) de Dakolé Daïssala et l’Alliance nationale pour la démocratie et le progrès (Andp) d’Hamadou Moustapha, se rangent systématiquement derrière le candidat du Rdpc, Paul Biya. Rejoints par le Front national pour le salut du Cameroun (Fsnc) d’Issa Tchiroma lors de la présidentielle de 2011, leurs soutiens à la candidature de l’actuel chef de l’Etat sont, en dehors de toute alliance politique formelle, la seule source de leur vitalité politique qui masque, chez beaucoup d’entre eux, leur réel poids politique.

«Le chef de l’Etat a besoin de faire le plein de voix dans le Grand-Nord pour distancer n’importe lequel de ses challengers et entretenir en même temps la fracture politique de cette partie du pays. Observez bien son gouvernement : l’ouverture n’est faite qu’en direction des partis nordistes (Ndlr : Undp, Andp, Fsnc et MDR)», explique un fin connaisseur des arcanes politiques camerounaises.

MALAISE

Le ramdam qui a cours en ce moment autour de l’appel à candidature de Paul Biya est donc scruté avec une attention particulière par les leaders de ces formations politiques dont le destin politique a fini par se confondre à celui du président national du parti au pouvoir, le Rdpc. L’horizon est d’autant plus brouillé que nul ne connaît exactement les intentions réelles du chef de l’Etat. Que faire alors sans paraître ridicule ? Tel est le dilemme de ces partis politiques. De tous, c’est Bello Bouba Maïgari qui est le plus dans la tourmente. D’abord parce que son parti est le mieux structuré.

Ensuite parce que c’est le plus influent. Et enfin, il compte le plus grand nombre de militants. Ce qui fait souvent de lui, en totalisant parfois les voix enregistrées lors des scrutins locaux, la seconde formation politique du pays. C’est en raison de tous ces facteurs que sa marge de manoeuvre est réduite. Conséquence, ses cadres, nombreux et grincheux, qui en ont après le fantôme d’une plate-forme signée en 1997 avec le Rdpc, l’attendent au tournant, guettant le moindre faux pas pour monter au créneau.

«Quelle que soit la date de la prochaine présidentielle, celle-ci sera la dernière opportunité pour le Président Bello d’être candidat et être élu chef de l’Etat. Nous avons créé l’Undp pour prendre le pouvoir et non pour maintenir Paul Biya au pouvoir. S’il ne peut pas, ou ne veut pas, d’autres cadres sont prêts à se jeter dans la course car ce qui est en jeu, c’est notre capacité à être opérationnelle lors de la seule vraie élection présidentielle qui vaille, celle qui interviendra après le décès de l’actuel Président au pouvoir.

Cela peut survenir dans 50 ans, mais nous devons être entraînés pour cette échéance. Nous savons aussi que Paul Biya veut finir en beauté son parcours politique, en se faisant réélire chaque fois comme un monarque avec des scores soviétiques, et pour cela, il a besoin de notre alliance. Si seulement il respectait ses engagements vis-à-vis de nous…», rumine un historique du parti. Autre caillou dans la chaussure de Bello Bouba : les engagements pris publiquement par le patron du Rdpc au cours d’une réunion du comité central de l’Undp en septembre 2011 et qui sont restés depuis lettres mortes.

En effet, lors de ce conclave tenu au Palais de congrès de Yaoundé, le secretaire général du Rdpc d’alors, René Sadi, flanqué de son adjoint Grégoire Owona, avait fait des promesses concrètes à l’Undp. En un mot, que le parti aura de meilleures places à la table de la mangeoire. Depuis lors, que nenni ! «Une élection présidentielle coûte chère et l’Undp n’a plus les moyens de jouer dans cette division. A l’élection de 1992, si le parti a pu réaliser de bonnes performances, c’est parce que de riches commerçants et hommes d’affaires, portés par l’espérance, dépensaient pour lui sans compter. Ces bons samaritains ou alors ces militants fortunés et dévoués, n’existent plus aujourd’hui. Ajoutez à cela la retenue du Président sur les questions financières, qui va sortir l’argent pour une campagne présidentielle ?», explique un élu de l’Undp.

Si en privé, l’Undp est déjà en ébullition, la ligne officielle ne souffre cependant d’aucune ambiguïté. «L’Undp se contente d’observer cette agitation parce qu’elle n’agit pas, et n’a jamais agi sur la base de simples spéculations. Comme toujours, l’Undp réunira ses instances dirigeantes le moment venu, et lorsque tous les éléments d‘appréciation seront en sa possession. Elle prendra alors en toute liberté et de façon démocratique les décisions conformes à ses intérêts», a indiqué Mohamadou Talba, qui chapeaute la communication du parti. Sur cette lancée, le parti n’a pas hésité à convoquer récemment à Yaoundé et à sanctionner des militants qui avaient assisté à Kribi à un meeting du Rdpc appelant à la candidature de Paul Biya à la prochaine élection présidentielle.