Les deux partis vainqueurs du scrutin du 25 mars dernier sont soupçonnés d’avoir entretenu des négociations sur la désignation d’élus.
Dans sa livraison n° 2987 du 08 au 14 avril dernier, l’hebdomadaire panafricain Jeune Afrique affirmait que Ni John Fru Ndi, le chairman du Social Democratic Front (SDF), - la principale formation de l’opposition -, « a été discrètement reçu au palais d’Etoudi, au moment où le Conseil constitutionnel proclamait les résultats des sénatoriales du 25 mars ».
Jeune Afrique pensait ainsi qu’une double proposition avait été faite au leader du SDF : celle d’être nommé sénateur par le président de la République puis, d’occuper le perchoir de la Chambre haute au terme du renouvellement du bureau le 24 avril prochain.
Démenti du SDF à travers le ministre du «Shadow Cabinet», en charge de l’information et des médias, Jean Robert Wafo pour qui, Ni John Fru Ndi « n’a rencontré personne à ce sujet à la présidence de la République le 25 mars 2018, encore moins un jour autre ».
LIRE AUSSI: Un poid lourd du SDF lâche John Fru Ndi pour Maurice Kamto
D’autres responsables du SDF vont d’ailleurs continuer à démentir cette information. Le secrétaire général du parti, Jean Tsomelou, assure qu’aucune passerelle entre le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) et le SDF n’a été utilisée pour des négociations en vue de la nomination de militants du « parti de la balance ».
Le sénateur réfute cette information en défendant qu’en sa qualité de secrétaire général, il aurait été informé si de telles négociations s’étaient tenues. « Aucun militant du SDF n’a été approché pour ces nominations », conclut-il. Un autre cadre de ce parti déclare : « nous n’avons jamais été demandeur ». « Si M. Biya nous demande des noms, explique- t-il, et qu’il nomme d’autres personnes alors, nous pourrions avoir ce débat. Mais nous n’avons jamais été approchés pour une quelconque nomination ». Il poursuit en rappelant que pour la nomination des membres du Conseil constitutionnel, il a été demandé au SDF de faire une proposition.
Seulement, le président de la République a nommé un militant du SDF autre que celui proposé par le parti. Pour lui, le leader du SDF se trouvait effectivement dans la capitale au moment indiqué par le journal, mais c’était pour une série de contacts avec les ambassadeurs des Etats-Unis, de France, d’Allemagne et le Haut-commissaire de Grande Bretagne ; sur la crise anglophone et les élections qui doivent se tenir cette année au Cameroun. «Il est arrivé une ou deux fois que la présidence appelle le chairman et que ce soit le président de la République au bout du fil, mais dans ce cas, il n’y a pas eu de contact à quelque niveau que ce soit», déclare-t-il.
Deal
Cependant au SDF, l’on reconnaît que des échanges informels ont eu lieu : « deux sénateurs de la région du Sud ont approché des sénateurs sortants SDF en leur disant qu’ils veulent continuer à travailler avec eux. Ces élus du Sud affirmaient avoir accès au président de la République et pouvaient à ce titre, les faire nommer au Sénat moyennant la somme de 5 millions Fcfa. Il y en a qui se sont faits avoir ».
Notre interlocuteur refusera cependant de révéler l’identité des personnes impliquées dans ce « deal ». Un haut cadre du Rdpc, parti au pouvoir, confirme que le SDF n’a en effet reçu aucune proposition de nomination de la part de la présidence de la République. « Il n’y a pas eu de contacts dans ce sens », affirme simplement ce membre du comité central du « parti du flambeau ardent ». Il rappelle toutefois qu’en 2013, pour nommer les 30 sénateurs de la première mandature, le gouverneur du Nord-Ouest « avait reçu mandat de la présidence de la République pour recueillir les propositions du SDF ».
LIRE AUSSI:Kondengui: les détenus de l’Epervier envoient une requête à Paul Biya
Les discussions ont cependant achoppé sur l’avis favorable du chairman : « le gouverneur est revenu voir le chairman pour lui dire que la présidence veut que son nom figure en tête de la liste des personnes proposées. Fru Ndi a refusé ». « Le SDF avait gagné 14 sièges de sénateurs. Le pouvoir avait alors menacé de mettre à 15, le nombre d’élus nécessaires pour former un groupe parlementaire pour que nous acceptions des sénateurs nommés par le chef de l’Etat. A notre grande surprise, on a adopté à 10 le nombre d’élus pour former le groupe », explique, de surcroît, un responsable du SDF.
Aujourd’hui, la configuration de la Chambre haute du Parlement donne 87 sénateurs au Rdpc contre 07 au SDF. Le reste étant réparti entre cinq partis alliés du Rdpc. Mais au SDF, l’on reste convaincu que le règlement intérieur du Sénat va être revu car, le Rdpc ne tiendrait pas à être « le seul parti à avoir un groupe parlementaire ».