Communiqués de Presse of Monday, 9 January 2017

Source: cameroon-info.net

L'ADDEC craint une hausse des frais universitaires

ADDEC, Association de Défense des Droits des Étudiants du Cameroun ADDEC, Association de Défense des Droits des Étudiants du Cameroun

La crise financière en Afrique centrale et la perspective d’un nouveau plan d’ajustement structurel fait peur jusque dans les rangs des étudiants. Le président de l’Association pour la défense des droits des étudiants du Cameroun (ADDEC) le dit dans son message de Nouvel An.

Il craint particulièrement une augmentation des frais de scolarité dans les universités publiques et avertit: «Il faut être clair et dire que les étudiants (es) n’accepteront pas une éventuelle augmentation des frais universitaires. La souffrance des étudiants (es) est déjà de trop et l’acceptation de charges supplémentaires leur serait carrément suicidaire». Le leader des étudiants est d’autant plus inquiet que les précédents Plans d’ajustement ont fait des ravages dans les campus.

Pour Barthélémy Tchaleu, «c’est sous ces programmes que les universités ont subi des coupes budgétaires, les aides et les bourses ont été supprimées chez les étudiants (es), les charges budgétaires ont augmenté chez les étudiants (es), les frais universitaires dans le public sont passés de 3 300 FCFA à 50 000 FCFA, la précarité s’est accrue». Dans ce long message de fin d’année, il rend hommage à l’étudiant tué par les forces de l’ordre lors des manifestations de Bamenda.

Voici l’intégralité de la correspondance du numéro 1 de l’ADDEC.

MESSAGE DE L’ADDEC POUR LE NOUVEL AN 2017

Les luttes pour le mieux-être qui s’apparentent au fil des temps aux luttes de libération au Cameroun sont parfois longues, mais avec le temps, les protagonistes acquièrent aussi de la maturité au combat. Aujourd’hui où notre devenir patine et a de la peine à avancer, il nous arrive de nous demander si au-delà des contingences, les étudiants (es) voudraient capitaliser les erreurs d’hier; s’ils voulaient s’enrichir de leur expérience de terrain et celle des autres à travers le monde, afin d’en tirer les leçons adéquates des erreurs du passé au Cameroun et surtout de se positionner pour plus de succès.

En effet, dans la situation socio politique actuelle qui se complexifie de jour en jour et celle économique plus aride qui compte plus s’alourdir en 2017, les Camerounais peuvent être ahuris et déçus des tâtonnements stratégiques et même tactiques de notre gouvernement. Tandis que nous retombons dans les Programmes d’Ajustement Structurels (PAS), notre budget national prévisionnel ne fait qu’augmenter avec encore une part belle donnée au fonctionnement qui rythme avec gabegie dans notre pays. C’est donc avec amertume que l’Association pour la défense des droits des étudiant.e.s du Cameroun (Addec) a vécu au long de l’année des évènements d’un système décadent avec des politiques généralement incohérentes.

En 2016, la communauté estudiantine a connu:

- des annonces pompeuses à l’instar des machines obtenues sous dettes immenses, délivrées aux étudiant.e.s dès la rentrée académique 2016. La rentrée académique a eu lieu en fin septembre 2016 et les machines sont toujours en attentes;

- le niveau académique des Universités Camerounaise en continuelle baisse selon les classements internationaux ;

- les administrations universitaires éhontées qui continuent à utiliser les étudiant.e.s comme des cobayes à l’instar de la télé évaluation à l’université de Yaoundé 1 ;

- des universités qui manquent toujours de campus à l’instar de celles de Douala, de Maroua ;

-des campus universitaires dont les infrastructures sont toujours en carence criarde tandis que celles qui existent brillent par leur vétusté ;
- l’ineffectivité de la couverture internet malgré les annonces sans cesse d’un déblocage de fonds à cet effet ;

-les autorités universitaires qui continuent indument à mettre en œuvre des méthodes d’extorsion de fond aux étudiants (es)

-l’insistance des autorités universitaires à bafouer les Droits de l’Homme;
-le manque inexplicable d’appui à la recherche pour les étudiant.e.s en cycle master 2 et doctorats qui continuent d’être clochardisés ;

-la détérioration de la situation du logement étudiant qui continue d’être une denrée rare, aux loyers s’envolant et l’inapplication de la réglementation qui continue d’être méprisée par les autorités universitaires et les autorités administratives ;

-les universités qui subissent encore et toujours les affres de la mal-gouvernance avec l’incapacité de rendre compte ;

-la perte tragique de nombreux étudiants (es) dans le déraillement du train à Eseka. Nous avons une pensée pieuse pour toutes ces victimes. Le peuple ne peut plus attendre que le Chef de l’État tire seul ses conséquences des dysfonctionnements de son gouvernement et de ses politiques, il doit rendre public ce rapport qu’il a prescrit et la justice censée être indépendante et impartiale doit jouer tout son rôle.

La hantise des lendemains difficiles qui habite tout le temps les populations s’est concrétisée avec ce problème dit Anglophone. Les différentes manifestations d’abord des avocats ensuite des enseignants et se prolongeant aux étudiant.e.s ont été à chaque reprise réprimée sauvagement par le régime en place. Des étudiant.e.s ont encore été arrêtés lors de l’année 2016 et mis en prison parce qu’ils revendiquaient légitimement le respect de la parole donnée et l’application de leurs droits. Les instincts les plus bas se sont encore exprimés librement, des faits horribles et innommables des tortures, de viol ont été commis à Buea.

Dans un tel déchainement de violence gratuite, les forces de l’ordre ont versé dans l’excès et sont encore allées jusqu’à ôter la vie à un étudiant à Bamenda. Nous rendons une fois de plus un vibrant hommage à l’étudiant JULIUS AKUM tué à Bamenda le 8 décembre 2016. A travers lui, nous rendons un hommage à tous les étudiant.e.s en particulier qui ont été ainsi froidement abattus et à tous nos compatriotes qui ont laissé leur vie sur le chemin de la quête de la démocratie et du bien-être au Cameroun. Nous nous recueillons devant leur mémoire et nous en appelons une fois de plus à ce que la justice prenne ses responsabilités et joue pleinement son rôle afin d’entrer dans l’Histoire.

Devant un pouvoir qui continue de se recroqueviller sur lui-même comme l’a une nouvelle fois prouvé le message du Chef de l’État le 31 décembre 2016, ne suit que son propre agenda, n’écoute aucune autre voix, ignore dans un cynisme méprisant les cris du peuple en détresse; le problème anglophone et le marasme économique révèlent la male-gouvernance générale d’un système qui n’a jamais voulu se réadapter pour être avant tout au service du peuple camerounais.

Sur la question anglophone, foncièrement elle ne pourra être résolue qu’en réformant l’État. Tout d’abord, le pouvoir central doit reconnaître qu’il doit se consacrer à des choses grandes, qui relèvent de sa taille. La décentralisation censée être mise en œuvre depuis 20 ans après l’adoption de la Constitution de 1996 doit être la plus large possible et réellement pratique. Il est question de pouvoir laisser les communautés exprimer autant que possible leur spécificité, y compris dans les systèmes judiciaires ou académiques, pour autant que cela reste compatible avec le vivre ensemble.

L’Unité n’a jamais été l’uniformité ! Vouloir imposer l’uniformité, c’est créer un système artificiel dans lequel tout le monde parle de l’Unité officiellement alors que dans les faits, le tribalisme a élu domicile. D’ailleurs n’est-ce pas les gouvernants en place qui nous en donnent la preuve régulièrement !Malheureusement le comportement autoritaire de ce régime ne laisse pas entrevoir une sortie de crise salvatrice avec l’échec des négociations de ces derniers jours et un message du Chef de l’État outrecuidant.

L’Addec tient d’ailleurs à exprimer ses vives préoccupations quant au prolongement de la suspension des cours effective également dans les universités de Bamenda et de Buea. La sourde oreille du Président de la République, du Gouvernement et leur stratégie de la montre et de la force ne peuvent pas connaitre une once de sympathie de la part de la population. Il faut dire Halte ! à cette façon de discuter.

De même, la proposition d’une frange de la population ne peut pas être ainsi ignorée. La question du fédéralisme ou de toute autre forme de l’État doit pouvoir être discutée sereinement et sérieusement. C’est pour cela que l’Addec pense que ce problème Anglophone a montré que l’État devra également placer l’année 2017 sous le signe de la Décrispation Historique.

Car à force de tronquer l’Histoire du Cameroun et de la remodeler en sa faveur, le pouvoir en place ne fait que repousser l’échéance où l’histoire réelle de notre pays s’imposera sans l’invitation des gouvernants dans la vie active de notre Nation comme c’est le cas à présent, mais à plus grande échelle. Il est urgent d’anticiper sur les effets néfastes et dévastateurs de l’expression tous azimuts de la rancœur découlant de la souffrance administrée depuis belle lurette.

Les PAS auxquels le Cameroun doit à nouveau passer peuvent être source d’angoisse pour la communauté estudiantine nationale. Car c’est sous ces programmes que les universités ont subi des coupes budgétaires, les aides et les bourses ont été supprimées chez les étudiant.e.s, les charges budgétaires ont augmenté chez les étudiant.e.s, les frais universitaires dans le public sont passés de 3300 FCFA à 50 000 FCFA, la précarité s’est accrue. Il faut être clair et dire que les étudiants (es) n’accepteront pas une éventuelle augmentation des frais universitaires.

La souffrance des étudiant.e.s est déjà de trop et l’acceptation de charges supplémentaires leur serait carrément suicidaire. D’ailleurs, les premiers responsables qui ont mené le pays vers cet état de chaos existentiel pour la population devraient selon le bon sens être les premiers contributeurs à l’effort de relèvement de la Nation. Pourtant le Budget prévisionnel laisse clairement entendre le contraire. Les uns ne peuvent pas toujours souffrir pour les autres. Certains ne sont pas nés pour assurer le bien-être des autres. C’est inadmissible cette conception !

Face à un pouvoir dont les projets de développement consistent essentiellement en un grand marché de prébendes dans lequel les différents clans se partagent les retombées au mépris de la détresse d’une jeunesse en perdition, livrée à des aventures périlleuses et vers des horizons incertains ; au désengagement continu des services publics et la privatisation du peu qui reste dans le portefeuille de l’État ;

Les étudiants (es) peuvent comprendre que l’année 2017 risque d’être très difficile. Dès lors il devrait savoir que la vie de demain passe déjà par la suivie d’aujourd’hui.

Dans ces circonstances lancinantes, le Conseil Exécutif National souhaite une bonne et merveilleuse année 2017 à toute la Communauté estudiantine en particulier et toute la Nation en général.

Yaoundé, le 5 janvier 2017.
Le Président du Conseil Exécutif National
TCHALEU Barthélémy