Commerçants, débrouillards, élèves ou parents bravent la peur et vaquent à leurs occupations grâce à la sécurité garantie par les forces de défense et de sécurité.
Les opérations « Ghost Town » ou villes mortes divisent dans le Nord-Ouest. Non seulement le camp des sécessionnistes se déchire via les réseaux sociaux sur la pertinence du maintien de cette stratégie d’instillation de la peur, mais en plus sur le terrain, un grand nombre de personnes boudent ces actions.
Justement, lundi 27 novembre dernier, Bamenda (chef-lieu du Nord-Ouest) est coupée en deux. Un « Food Market » désert contre un « Up Station » vivant, vibrant et bruyant. CT a d’ailleurs rencontré ce jour-là un maçon se rendant dans un chantier de construction d’une résidence au quartier Bayelle, un moule pour parpaings dans une main, et dans l’autre, un moule pour ourdis. A la question, « pourquoi travaillez-vous pendant les villes mortes ? », la réponse est cinglante : « villes mortes ?, ça ne veut rien dire pour moi. Je dois travailler pour nourrir ma famille ».
La désapprobation des « villes mortes » n’est plus seulement cantonnée à « Up station ». Même à « Down-Town », cela se vit. Juste au carrefour « City Chemist », CT rencontre aussi Bernard Suiven, 25 ans à peine. Il est présent devant un kiosque de fortune où il propose des cartes de recharges de téléphone et du transfert d’argent.
Il est presque seul à cet endroit en dehors de la mère de famille qui vend des safous accompagnés de plantain grillés à la braise de charbon. « Les activités sont au ralenti le lundi. Il n’y a pas de business parce que les clients que nous attendons ont peur. Moi je n’ai pas peur.
J’ai achevé mes études et j’ai à présent besoin d’argent, de revenus pour survivre. Je dois donc sortir de la maison. Je demande au président Paul Biya d’intervenir pour que les sécessionnistes cessent de nous menacer », affirme Bernard Suiven.
Des taxis roulent également dans divers coins de Bamenda les lundis. Les motos taxis bravent les menaces pour accompagner les élèves en classe. Ecoliers et parents d’élèvent snobent les mots d’ordre des activistes.
«Je ne me sens pas concernée par les villes mortes. Je vais à l’école tous les jours parce que si je décide de rester à la maison, c’est du temps de classe perdu. Le temps ne fera que passer et l’âge avance », souligne l’élève Mouotouol Abiana, rencontrée au lycée bilingue de Nkambe.
La bravade des villes mortes se vit aussi dans la sémiologie. Le langage vestimentaire des apprenants a changé. « Les élèves ne gardent plus leurs tenus de classe dans le sac. Ils les arborent fièrement en quittant le domicile parental, preuve que le travail des forces de défense et de sécurité porte ses fruits dans les écoles », indique Akofor Zikiel Selakwe, parent d’élèves.