Ils ont pénétré dans la ville par la route Fotokol-Bodo et se dirigeaient vers le marché dont c’était le grand jour hebdomadaire. Vous devez savoir que c’est le seul marché encore animé de la zone dans la mesure où ceux des villages Sigal et Blamé ne sont plus fonctionnels», explique Harouna, un riverain. Ce 28 décembre 2015, aux alentours de 9h30, intrigués par l’accoutrement de deux jeunes filles, Abakaka et Abali Mahamat, membres du comité de vigilance local, qui ont en charge cette entrée de la ville de Bodo, décident d’en avoir le coeur net.
Ils leur demandent de s’arrêter, et contre toute attente, les jeunes filles refusent. «Nous étions quatre dans la zone. Juste après que deux de nos collègues soient partis se restaurer, nous avons aperçu deux jeunes filles qui nous semblaient suspectes. Nous les avons interpellées, mais elles n’ont voulu ni s’arrêter, ni répondre à nos questions. Je me suis posté au milieu de la route, pour leur barrer le chemin. Celle qui était devant moi avait les bras croisés sur sa poitrine.
Lorsque j’ai fais semblant de décocher une flèche, elle a baissé ses bras, puis j’ai entendu une explosion qui m’a projeté au sol», raconte Abali Mahamat, l’un des deux membres du comité de vigilance. Le premier kamikaze meurt sur le coup. Le second kamikaze, déboussolé, se lance alors à la poursuite de Abakaka. Incapable de le rattraper, il se fait finalement exploser. Comme son compagnon, il décède sur le coup camer.be. Les explosions ont néanmoins fait deux blessés.
Il s’agit des nommés Bachir, touché à l’épaule et qui venait du village Brikoko et Barka Hessena du village Lafia Krenak, touché au bras, à la cuisse et à la tête. Les deux villageois se rendaient au marché quand ils ont été touchés par la déflagration. A Bodo dans le département du Logone et Chari, règne cependant une grande inquiétude en raison même de la position géographique de la localité.
«L’armée nigériane a repris le contrôle de l’arrondissement de Ngala et a installé son quartier général à Gambarou. Tous les membres de la secte se sont repliés dans l’arrondissement de Ngala Balgué qui n’est séparé de Bodo que par le fleuve El Beid. Nous craignons donc la multiplication de ces infiltrations», redoute Mahamat, un habitant de cette bourgade. Une fois de plus, les comités de défense populaires ont joué un rôle important dans la neutralisation des objectifs de Boko Haram, qui s’est lancé dans une série d’attentats aveugles.
En une semaine, l’on ne compte plus le nombre d’attentats-suicides déjoués par les comités de vigilance. La veille des attentats de Bodo, c’était au tour de la localité de Tolkomari, dans l’arrondissement de Kolofata, de connaître quelques frayeurs.
«La jeune fille kamikaze a été repérée aux environs de 18h45. Elle venait de Kerawa ou de Bornori, mais l’alerte a été rapidement donnée. Les membres des comités de vigilance ont commencé à l’harceler, elle s’est mise à courir. Partout où elle se cachait, elle était débusquée. C’est alors qu’elle même s’est mise à pourchasser les gens qui se sont mis à courir dans tous les sens. Elle a jeté son dévolu sur un vieil homme, un réfugié du nom de Abba, et sur Fougou Yerima, coiffeur à Tolkomari. Ce sont eux les deux blessés de cet attentat. Naturellement, la kamikaze est morte surplace», explique un membre du comité de vigilance local.
Face à la multiplication des attentats-suicides de Boko Haram, les comités de vigilance démontrent au quotidien leur efficacité. D’où la guerre que leur a déclarée la secte terroriste. «Si nous n’avions pas les comités de vigilance, je n’ose même pas imaginer la situation», explique un officier sur zone. Le 29 décembre 2015, un double attentat a été enrégistré dans la localité d’Achigachia. Outre les deux kamikazes, 13 personnes ont été blessées, dont 02 dans un état grave.