Actualités Régionales of Tuesday, 12 July 2016

Source: 237online.com

Expropriation à Kribi: Environ 800 propriétaires à indemniser

Complexe industrialo-portuaire de Kribi Complexe industrialo-portuaire de Kribi

La Nouvelle Expression publie en exclusivité la liste des personnes à indemniser contenu dans le décret du premier ministre de 2010. Votre journal avait déjà sonné l’alerte sur les scandales des titres fonciers fictifs.

Six ans après que le scandale sur les indemnisations des personnes expropriées dans le cadre de la construction du complexe industrialo-portuaire ait éclaté, la justice a commencé à interpeller certaines personnes qui ont géré sur le terrain les recensements des victimes.

Le dernier en date est Jules Bondima qui avait à lui seul encaissé plus 500 millions Fcfa au titre des indemnisations. Si les premiers arrêtés jusque-là faisaient partie des commissions de recensement et d’établissement des titres fonciers fictifs, le cas de Bondima devrait ouvrir la voie à d’autres types d’acteurs, ceux qui ont perçu indûment l’argent des indemnisations. Et qui ne sont pas encore inquiétés. Et ceux-ci sont très nombreux, au regard du premier décret que le premier ministre, Philémon Yang, avait signé en novembre 2010.

Le 24 décembre 2010, le premier chèque au titre des indemnisations a été remis officiellement au cours d’une réunion à Kribi au colonel en retraite, Edongue et chef du groupement Batanga Sud. Cette première phase des indemnisations concernait une centaine de personnes, pour une enveloppe totale de 4 milliards Fcfa déjà positionnés dans les caisses de la Banque internationale du Cameroun pour l’épargne et le Crédit (Bicec), selon le chef d’agence de Kribi de l’époque, Marcellin Vincent Etogo.

Tout semblait donc baigner dans de l’huile. Mais des problèmes vont commencer à se poser avec cette phase exécutoire des paiements. Pour donner plus de transparence à l’opération, le directeur du projet qui gérait la cellule opérationnelle sur le terrain, Nlend Banack, avait cru devoir rendre publique cette première liste des personnes à indemniser. C’est alors que nombre d’autochtones se sont étonnés des grosses sommes dont bénéficiaient certains «voisins» dont ils n’avaient jamais entendu parler.

Ce fut le début d’une grogne qui est allée en s’intensifiant, jusqu’à la présidence de la République. Il était par exemple constaté qu’un bénéficiaire, un certain Bondima Jules, (c’est seulement le 5 juillet dernier qu’il a été interpellé à Kribi) était en même temps celui à qui le directeur du projet avait confié l’identification des ayants droit sur le site principal (terrassements généraux).

Les riverains l’accusaient alors d’être juge et partie. Au soutien de leur argumentaire, ils faisaient remarquer que ce modeste homme d’affaires qui tenait une petite affaire à Kribi et qui n’était pas réputé être fils de leur village devait empocher respectivement 219 millions de F ca, 165 millions Fcfa et 149 millions Fcfa « pour des parcelles encore en voie d’immatriculation ». La précision n’était pas fortuite.

Des exemples de ce type qui intriguaient les riverains étaient nombreux et jetaient déjà un discrédit sur la procédure d’identification et le recensement des véritables victimes de l’expropriation dont les experts s’accordaient à reconnaitre que c’est le plus onéreux de tous les grands chantiers lancés au Cameroun. Notamment ceux dits structurants qui constituent un véritable défi pour le président de la République du Cameroun, Paul Biya. De surcroît dans une zone rurale où l’on n’enregistre pas forcément de coûteux investissements. Face à la grogne des riverains, l’opération avait même été interrompue et certains chèques remis avaient été retiré.

Enquête

La présidence de la république avait alors commandé deux missions d’enquêtes sur le terrain : l’une de la sous direction des enquêtes économiques à la Direction de la police judiciaire (Dpj) et l’autre de la Direction générale à la recherche extérieure (Dgre).

Tous les acteurs qui avaient participé sur le terrain aux processus d’identification et de recensement des ayants droits, ainsi que les responsables de différentes administrations chargées de l’établissement des titres fonciers du site déclaré d’utilité publique (Dup), avaient été entendus. Des indiscrétions de ces missions avaient révélé que plusieurs « autochtones » figurant sur la liste du premier ministre ne savaient même pas où se trouvaient leurs terrains, encore moins leur prétendu village.

Certaines parcelles décrites comme ayant été mises en valeur, question de renchérir le coût des indemnisations, n’avaient jamais reçu la visite d’un homme. Certaines informations proche de ce dossier estiment jusqu’à 60% les cas suspects dans le processus de ces indemnisations. Les enquêteurs, à en croire les sources crédibles de La Nouvelle Expression, avaient même constaté que certains virements suspects avaient été faits dans les comptes des membres des commissions.

A ce jour, aucun ressortissant de race blanche n’a encore été interpelé dans le cadre de ce scandale des indemnisations. Or, une source proche des missions d’enquêtes avaient révélé à La Nouvelle Expression qu’un ressortissant d’un pays du Moyen Orient, «propriétaire à l’époque de quelques cabanes en planches dans la zone et bénéficiaire d’un montant de 300 millions Fcfa, avait rapidement soldé son compte». Ce qui avait provoqué l’indignation des banquiers.

Dans cette mafia des indemnisations de Kribi, la commission locale d’identification et de recensement des victimes des expropriations est certes sur la sellette, mais aussi leurs complices du ministère des domaines qui ont établi des titres fonciers fictifs. Et surtout les centaines de «propriétaires» qui figurent sur le décret du premier ministre et dont on parle très peu. Parmi eux, ceux qui s’étaient fait établir des titres fonciers fictifs, ce qui est pénalement répréhensible, et ceux qui avaient indûment perçu de l’argent.