Joseph Ngando Bebey, propriétaire d’hectares de terres, a saisi le juge administratif pour faire annuler un titre foncier ôtant une partie de sa propriété. Il dit qu’une enquête administrative lui a donné raison, que le Premier ministre a ordonné une correction, mais tout serait bloqué depuis cinq ans par la corruption des fonctionnaires et ministres.
Un héritage familial a permis à Joseph Ngando Bebey de se retrouver propriétaire de plusieurs hectares de terre quelque part dans la région du Littoral (Kalara n’a pas pu avoir plus de précisions sur la localisation durant les débats» ni auprès du demandeur). Mais il y a découvert qu’un propriétaire de terres voisines, Daniel Iyok, a pu se faire délivrer un titre foncier qui ampute une partie de son terrain.
Le 18 juillet 2016, M. Ngando Bebey a saisi le ministre du Cadastre, des Domaines et Affaires foncières en vue de faire annuler ledit titre. L’enquête prescrite le 10 janvier 2017 par l’autorité ministérielle (il y en a eu deux dans le différend suite au changement de l’équipe gouvernementale du 4 janvier 2019) s’est déroulée le 16 février de la même année. «Le rapport qui en est sorti nous est favorable», a dit l’avocat de l’intéressé qui se trouvait pourtant devant le tribunal administratif du Littoral le 2 décembre 2021.
Si l’affaire en est arrivée là, c’est que malgré l’enquête dont se satisfont le vieil homme et son conseil le ministre n’a pas cru devoir tirer la conclusion qui aurait dû en découler selon eux : l’annulation du titre foncier de M. Iyok. Et faute de l’avoir fait, le ministre ouvre la voie à une décision judiciaire que sollicite Ngando Bebey.
C’est à ce niveau que tout se corse. Les questions des juges ont eu tendance à démontrer que le plaignant a trop attendu (novembre 2020) pour saisir la justice. Au regard du traditionnel délai de trois mois séparant impérativement la saisine de la justice administrative, et le recours gracieux préalable à l’autorité administrative qui aura pris une décision pre-diciable à un justiciable quelconque. Déployant son argumentaire, le ministère public a emboité le pas aux juges avant de constater à la lecture de la loi, que le délai imparti pour saisir la justice varie et s’étale jusqu’à six mois ou quatre ans selon les cas.
Le délai de quatre ans s’appliquant dans l’hypothèse de «l’abstention» de l’autorité. «C’est mon cas», clame alors l’avocat de M. Ngando Bebey. Il est à noter cependant que la partie requérante reconnaît avoir eu connaissance en février 2017 du rapport d’enquête. «Dès lors que ce rapport administratif vous donnait l’information, vous auriez dû saisir le juge», assène le procureur. Au lieu de cela, le requérant a attendu «respectueusement», explique son avocat avant que lui-même s’investisse avec force détails et documents.
Se démenant pour plaider sa cause, le plaignant estime qu’il s’agit d’une affaire où l’administration lui a laissé croire qu’elle allait se corriger. Une lettre du Premier ministre ordonnant au ministre titulaire du macaron des affaires foncières à une certaine époque de le remettre dans ses droits aurait été écrite. Rien n’y a fait !
Au contraire, tantôt le ministre aurait confié la tâche à un directeur, ce qui a poussé M. Ngando Bebey à se rasséréner. Il sera vite déçu quand le ministre exigerait encore une partie des terres pour, comme on dit, faire avancer le dossier. Même l’arrivée d’un nouveau ministre ne change pas la donne au final le titre foncier de M. Iyok qu’il conteste, demeurant «superposé» sur le sien.
S’il s’agit de superposition, analyse le ministère public, alors les deux titres fonciers doivent être annulés. En réaction, l’avocat du requérant suggère que ce serait injuste car la partie adverse (et absente à l’audience) n’a pas demandé telle chose. Et M. Ngando Bebey d’ajouter que le bénéficiaire du titre foncier en question a sciemment profité de l’erreur de l’administration pour s’installer et exploiter par des constructions, une part de ses hectares de terre ; alors qu’il en a acquis deux sans les occuper, dans le voisinage. Pour que la confusion ne soit pas dissipée, son adversaire aurait même payé par des dessous-de-table, le refus de certain haut-cadre de l’administration de mettre en œuvre le processus de retour à la normale.
Le tribunal, que le requérant a invité à aller sur les lieux pour se rendre compte par lui-même de la réalité des faits qu’il allègue, se prononcera sur cette demande le 23 décembre prochain. Une mesure d’instruction que le ministère public, tout comme le représentant de l’administration, a approuvée car pour lui, le rapport est en partie imprécis sur certains aspects (superficies), alors même que cette enquête est le fait de spécialistes. «Ce ne serait pas superflu de descendre sur le terrain, quand on parle de quatre hectares, même si on n’est pas expert, on peut apprécier des distances et différences», a dit le procureur.