Mardi dernier, ils ont procédé à la saisie et la confiscation des marchandises qu’ils gardent dans l'enceinte de la région militaire interarmées.
Les populations de Garoua assistent hilares à un drôle de manège. Depuis mardi dernier, vers 11h, deux camions militaires chargés de marchandises et de dizaines de fûts font d'incessants va et vient entre le port fluvial de la ville et le siège de la 3ème région militaire interarmées (Rmia 3). Les militaires juchés sont préposés au déchargement des camions dans la cour de la région et dans un magasin qui jouxte le domicile d'un militaire. Des dizaines de sacs de sucre, de riz et de ciment sont débarqués.
Il y a aussi une trentaine de fûts d'essence, près de 200 bidons de 20 litres d'huiles végétales, des moteurs pour des pirogues hors-bords, des motos entières démontées pour être rassemblées à l'arrivée, des dizaines de ballots de sceau, de natte, de bouilloire, poubelle...en plastique. Tout ce bric à brac est soit stocké sous un hangar ou simplement laissé dans la cour exposé aux intempéries.
La seule précaution que les responsables de la Rmia semble avoir pris est la consigne faite aux hommes de garde de demander aux visiteurs civils d'éteindre leurs téléphones portables avant d'accéder aux installations. Une mesure qui fait hurler de rire les militaires. L'on aurait vu deux militaires ressortir du camp avec deux futs de carburants.
La marchandise appartient à El hadj Moussa, un commerçant basé à Lagdo. Il l'a faite venir du Nigeria avec l'intention de la faire dédouaner au poste de douane de la ville où il mène son activité comme le lui autorise la loi. C'est du moins ce qu’il a déclaré aux douaniers du poste de Barndake. Il lui a été délivré une déclaration sommaire, un document délivré par la douane qui l'autorise à circuler jusqu'à sa destination. Après cette formalité, la pirogue a été interceptée par des militaires.
Commission anti Boko-haram
Depuis 2015, sur proposition du commandant de la Rmia 3, le gouverneur de la région du Nord a mis sur pied une commission pour étudier la circulation des marchandises en temps de guerre contre Boko haram. Il a ainsi été décidé de la fermeture de tous les débarcadères et criques sur le fleuve Bénoué qui est lui même une frontière. Seul le port de Garoua et la crique de Lagdo ont été les lieux où les embarcations sont autorisées à décharger.
Une patrouille mixte a été mise sur pied qui devrait comporter des douaniers, des gendarmes ou militaires, des fonctionnaires de l'Environnement, ceux des Eaux et forêts et ceux des Transports en faisaient partie. Très vite s'est posé la question des moyens. La douane était prête à mettre la main à la poche. Les militaires ont des avions d'observations et de puissantes embarcations. Mais les patrouilles mixtes n'ont jamais eu lieu. Pour autant, les militaires ont poursuivi le « travail » seul.
Sous le prétexte de la conduite sous douane, ils ont érigé des barrières dans les frontières terrestres comme à Dembo et Basheo. Dans l'eau c'est tout autre chose, ils font des abordages impromptus à des coudes de rivière. Ils tiennent peu compte des papiers délivrés par les douaniers. Pour passer, ils exigent des importateurs qu’ils paient des sommes d'argent souvent modiques. « Ils prennent 1000 FCfa à Dembo », confie un gendarme. Ils peuvent faire usage de leurs armes quand ils rencontrent des résistances ou user de stratagèmes pour pourrir la vie au commerçant.
Le litre d'essence dédouané à 80 Fcfa
C'est ce qui semble être le cas de la saisie de mardi. Les militaires qui l'ont faite ont annoncé aux douaniers par téléphone que les convoyeurs de la pirogue transportant « des marchandises diverses », n’avaient pas déclaré qu’il y avait de l'essence. Pour eux, l’essence est un produit de contrebande donc prohibé. Ils n'auraient certainement pas procédé à cette saisie s'ils en avaient informé les douaniers.
Car, ceux ci savent depuis 2014 que les produits pétroliers payent des droits de douane. Une note de Minette Libom Likeng, alors Dg des douanes, fixe à 80 FCfa la taxe de douane du prix d'essence importé. De même que les militaires semblent ignorer cette disposition du Code des douanes Cemac qui en son article 79/4 dit que « les marchandises prohibées doivent être portées au manifeste sous leur véritable dénomination, par nature et espèce ». Le même article dispose aussi que le manifeste doit être signé par le Commandant des douanes. Les militaires de la Rmia 3 n'en ont cure.
Ils saisissent à tout va les marchandises de commerçants qui « ne parlent pas bien ». En 2015, pour désengorger la « fourrière » de la Rmia 4, le gouverneur de la région du Nord avait mis sur pied une commission dite de « gestion » de ces marchandises que les commerçants abandonnent souvent ne sachant où on paye les taxes douanières dans un camp militaire. Après une descente à la Rmia 3, Jean Abate avait rétrocédé les marchandises confisquées à la douane. Celles-ci avaient retrouvé leur propriétaire tchadien qui s'était acquitté des taxes avant de récupérer ses articles.